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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°45, 22 novembre 2010  >  Une Suisse forte, également pour le Tiers Monde [Imprimer]

Une Suisse forte, également pour le Tiers Monde

ab/thk. Un élément essentiel de la démocratie directe suisse est, à part l’autonomie communale, le fédéralisme. Le fédéralisme suisse se caractérise par le fait que les différents cantons (appelés historiquement aussi Etats) possèdent un haut degré d’autonomie politique et donc d’importantes compétences décision­nelles. Le fédéralisme a permis à un Etat de se constituer à partir d’un grand nombre de cantons aux langues et aux cultures diverses, Etat qui est porté encore aujourd’hui par tous ses membres, essentiellement parce que les cantons ont pu continuer à développer leurs particularités et leurs conceptions acquises au fil de l’histoire. C’est là un des fondements de la Confédération.
Depuis des années, on observe des efforts visant à démanteler les compétences cantonales, par exemple la création d’une police nationale, le concordat HarmoS, la centralisation du système de santé, etc. Un autre pas dans cette direction se cache derrière l’initiative du PS «pour des impôts équitables». La souveraineté fiscale est un élément central aussi bien de l’autonomie communale que du fédéralisme. En effet, si les cantons ne peuvent plus décider eux-mêmes de leurs impôts et que par conséquent les recettes et les dépenses dépendent d’un gouvernement central, ils se voient privés de leurs responsabilités et le fédéralisme s’en trouve affaibli. On se rend compte que le fédéralisme n’est pas un cloisonnement – comme certains idéologues voudraient nous le faire croire – au seul fait que sur bien des dossiers, il existe une collaboration excellente et que la solidarité entre cantons s’en trouve renforcée.
Mais il convient de considérer un autre aspect de l’initiative du PS. Selon son nouveau programme, un des buts déclarés du PS est l’adhésion à l’UE. Sa dernière assemblée des délégués a montré que le parti avait perdu tout contact avec sa base. Certes, la direction parle d’objectifs à longue échéance et essaie ainsi de désamorcer le débat, mais l’action politique du parti vise cet objectif. Son initiative fiscale est un pas dans cette direction car l’UE centraliste ne s’accommode pas de l’autonomie communale, du fédéralisme et des citoyens qui règlent leurs questions fiscales démocratiquement, comme beaucoup d’autres questions, c’est-à-dire de la démocratie directe.
Il est inadmissible de saper le fédéralisme sous couvert de justice sociale. Si nous voulons davantage de justice sociale, revendication justifiée et digne d’être soutenue, ne détruisons pas nos structures qui ont fait leurs preuves en contribuant de manière décisive à la prospérité générale et en faisant qu’il n’y a pas en Suisse de personnes bénéficiant d’un système d’indemnisation du chômage comparable au système allemand Hartz-IV. Nous possédons un système social solidaire efficace auquel contribue notamment une bonne péréquation fiscale.
Songeons aux 20 dernières années: Après la chute du Mur, les gauches européennes ne se sont guère manifestées. Puis elles se sont enthousiasmées pour la globalisation, pour la troisième voie d’Antony Giddens: On allait vers la «prospérité pour tous», surtout pour les habitants du Tiers Monde. Après une brève lutte, on en arriverait à un gouvernement mondial trotskyste. Le crédo consistait à dissoudre petit à petit les Etats nations. On n’a pas demandé l’avis des peuples. On n’a pas dit non plus que cette évolution se produisait dans l’ombre et pour le compte de l’Empire. Le PS suisse n’est pas revenu en arrière.
Mais ce n’est pas tout. Le «monstre vorace» – c’est ainsi que Wolfgang Schorlau appelle le grand capital dans son livre «Die blaue Liste» – a commencé à intervenir dans l’histoire sous forme de sales guerres. Ce fut un gouvernement «rouge-vert» qui, en Allemagne, approuva la guerre dans les Balkans. Le PS suisse n’en a rien dit. Quelqu’un se préoccupe-t-il du taux de cancers dans les zones touchées par les bombardements?
Les guerres ont entraîné des dettes colossales. Puis vint l’année 2008 et la crise du «système» que jusque-là personne n’aurait crue possible. Toutefois Stiglitz et un groupe d’économistes se sont demandé, avec le président de l’Assemblée générale de l’ONU Miguel d’Escoto Brockmann, quelles solutions on pourrait appliquer, et cela au niveau des Nations Unies. On aurait pu imaginer des améliorations supportables pour tous les pays même s’il avait fallu y travailler pendant 10 ans ou plus. Le néolibéralisme brutal des 20 dernières années a créé une situation qu’il faut corriger en s’attaquant à ses causes. Le «take it or leave it» américain met l’individu et l’économie réelle sous pression. Seule l’économie financière, avec ses «produits» grotesques, semble bien se porter. Jusqu’à la prochaine menace. Actuellement, elle se trouve en Irlande et au Portugal.
Pourquoi cette réflexion? A la différence des autres partis de gauche européens, le PS suisse connaît notre modèle de démocratie directe. Il sait que c’est la structure politique qui correspond actuellement le mieux à sa conception de la «démocratie de base», que c’est l’instrument de résolution des conflits le plus civilisé. Il lui appartiendrait donc de protéger et de renforcer ce modèle et de l’expliquer au monde. S’il contribuait à renforcer la Suisse de l’intérieur, nous aurions à l’ONU une magnifique occasion de proposer peu à peu des améliorations. S’il réussissait en outre à écouter les citoyens au lieu de faire des programmes sans les consulter, nous nous retrouverions au sein d’une communauté solidaire qui pourrait résister à une prochaine crise économique. Dans une crise, ce sont avant tout les communes et les cantons qui doivent être solides.    •