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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°31/32, 28 octobre 2013  >  Former les élèves de manière approfondie, voilà la mission de l’enseignant [Imprimer]

Former les élèves de manière approfondie, voilà la mission de l’enseignant

«Une communauté de classe guidée qui fonctionne bien est d’une énorme importance»

par Alfred Burger, directeur d’école

A notre école, on inscrit souvent des enfants très intéressants, des enfants qui, malgré une grande intelligence ont échoué à l’école. Dans la plupart des cas, ils apportent avec eux un dossier impressionnant d’examens et de diagnostics qui ne les ont cependant pas aidés à progresser. Au lieu de dépister des gènes ou d’autres approches spéculatives comme cause des problèmes, on pourrait se rappeler les connaissances pédagogiques éprouvées reposant sur une conception personnaliste de l’homme. Sur cette base, beaucoup de recherches ont été effectuées et aujourd’hui on peut avoir recours à des connaissances assurées quand il s’agit de savoir comment travailler avec des enfants difficiles. La psychologie individuelle d’Alfred Adler en a posé un jalon important. Ces connaissances nous offrent des approches très importantes pour une pédagogie de nos jours.

Nous faisons la connaissance d’Alexandre

Un jour nous avons reçu un coup de téléphone d’une administration scolaire communale. Le président de la commission scolaire nous a priés de pouvoir accueillir un élève avec qui ils ne savaient plus que faire. Il venait de passer deux ans dans une station de thérapie, le séjour là-bas était cependant limité à deux ans et coûterait à la commune bien plus de cent mille francs par an. Voulant faire la connaissance du garçon, nous l’avons invité pour une évaluation scolaire. Alexandre s’est présenté à l’heure convenue avec sa mère. Il était plutôt petit, un peu rondelet, pas encore formé. Je l’ai estimé avoir à peu près 12 ans. En réalité il avait déjà 15 ans. Il avait apporté un classeur de l’école de la station de thérapie. Avec quelque fierté, il nous a montré ses travaux. Quelques fiches de calcul s’y trouvaient, à peine lisibles, ensuite toute une série d’exposés, étant plutôt du niveau d’un écolier de quatrième. Somme toute, un grand désordre, pas de structure, l’écriture un gribouillage illisible, à peine sur les lignes. Je l’ai écouté parler du contenu de ses exposés avec une grande vivacité, et nous sommes vite entrés en conversation. Ensuite nous avons lu un petit texte et je lui ai fait une courte dictée. Finalement nous avons fait du calcul avec les opérations de base. Alexandre a volontiers coopéré pendant les évaluations scolaires, il était assez calme et concentré. Il s’est donné beaucoup de peine. D’après les informations des parents et de la station de thérapie, on devrait commencer à un niveau tout bas avec ce garçon. Mais mon impression personnelle ne l’a pas confirmé, Alexandre avait fait preuve d’une vitesse étonnante et d’une intelligence qui ne concordaient pas du tout avec ses résultats. En tout cas, nous avons répondu positivement à la demande du président de la commission scolaire. Après avoir fait personnellement la connaissance d’Alexandre, je me suis plongé dans le tas de dossiers, de rapports et de résultats de tests. Voici les aspects les plus importants:
Alexandre, né le 3 mai 1991, diagnostics:
–    Troubles fonctionnels organiques du cerveau
–    Troubles hyperkinétiques du comportement social
–    Troubles des fonctions motrices
–    Troubles de la perception
–    Troubles dissociés des acquisitions
–    Intelligence normale
L’anamnèse et le plan de traitement: après une grossesse sans problèmes, développement moteur légèrement retardé, depuis tout petit un enfant d’une motricité agitée et mal coordonnée. Des difficultés du comportement massives, accompagnées d’agressivité, voies de faits sans contrôle et manque d’intégration sociale à partir de son entrée en école enfantine. Par la suite un développement scolaire pesant: recommandation pour un traitement dans une clinique du jour. Ce traitement a été mis en attente à la demande des parents en faveur d’une scolarisation dans une classe préparatoire. Malgré des mesures d’encouragement particulier, augmentation des troubles de comportement social (étrangler les autres enfants, agitation, dérangement des cours), une dispensation partielle des cours était inévitable. Malgré un accompagnement individuel du garçon et des mesures de soutien intensives, il n’a pas fait de progrès scolaires et dans un groupe de plus de deux enfants il n’était pas tolérable. Des examens stationnaires dans une clinique neurologique, un traitement stationnaire en psychiatrie enfantine, enseignement particulier, respectivement à deux, scolarisation à l’hôpital d’enfants, traitement à la Ritaline, thérapie de dyslexie, différentes écoles de petits groupes et finalement à 13 ans hospitalisation dans une station de thérapie de psychiatrie enfantine. Famille intacte. Le père travaille, la mère est femme au foyer. La sœur aînée sans problèmes. Pour cause de problèmes psychiques, la mère a été absente deux fois pour se rétablir.
D’après le rapport de la station de thérapie Alexandre est toujours très agité, surtout lorsqu’il se trouve devant des exigences. Recommandation de la station pour sa scolarisation future: éviter des exigences scolaires pour ne pas susciter le sentiment de surmenage. Dans de telles situations Alexandre pique très vite des crises. Psychothérapie est recommandée, ainsi que la prescription de la Ritaline.

Le caractère se montre à l’école

Nous avons d’abord essayé de faire la connaissance d’Alexandre. Des rapports et des tests ne décrivent qu’un état momentané. Nous, nous considérons l’être humain comme un être dynamique, capable de se développer et comme une unité. Il doit être saisi et compris dans sa totalité et dans toute sa complexité. Pour cette raison il faut d’abord observer l’enfant dans son attitude lorsqu’il apprend et dans son comportement dans la communauté. Au début de l’année scolaire ce garçon a donc commencé chez nous avec des leçons particulières, parfois ensemble avec plusieurs autres enfants. Bientôt mon impression qu’Alexandre devait être très intelligent a été confirmée, il saisit la matière très vite, s’il le veut. Au bout de quelques heures, j’ai rangé dans l’armoire les fiches avec des exercices de base et je lui ai donné des livres de l’école secondaire B. Je l’ai envoyé tout de suite au cours d’anglais, plus tard au cours de français, malgré l’opinion de sa mère que les langues étrangères le surmenaient. Ensuite, nous l’avons accueilli dans un petit groupe dans lequel il est bientôt devenu un assez bon élève. Mais: l’activité déployée par Alexandre était impressionnante dès le début. A peine entendait-il un mot repère, ou quelque chose lui passait par la tête, il s’activait tout de suite, interrompant le cours et réclamant toute l’attention. A haute voix il commençait à raconter et ne se laissait pas interrompre. Ou bien il se précipitait vers la fenêtre parce qu’il avait vu une auto intéressante et voulait que tout le monde vienne voir. Eh bien oui, s’il ne pouvait pas immédiatement dire ce qui lui venait à l’esprit, il risquait de l’oublier, a-t-il répondu à la protestation d’un enseignant. Lorsqu’il ne voulait pas apprendre quelque chose, il commençait à se lamenter à haute voix. Il ne le pourrait pas, ce serait trop ennuyeux, on n’en aurait jamais besoin dans la vie etc. Il avait de la repartie rapide et toujours le dernier mot. Lorsque il n’arrivait pas à ces fins, il mettait la tête sur le banc et demandait de pouvoir finir le devoir à la maison, qu’il préférait maintenant dessiner une auto. Pendant les cours, il réussissait toujours à attirer l’attention. Il en était tellement expert qu’aucun enseignant ne pouvait jamais l’ignorer. Pendant les cours son visage avait souvent une expression malicieuse, ses yeux se promenaient joyeusement d’un côté à l’autre, – un signe qu’un de ses essais de communication avec un autre élève était en train de se préparer dans sa tête. Parmi les enfants, ça le démangeait toujours d’entrer en contact d’une manière ou d’une autre: il les dérangeait verbalement ou bien il les touchait plus ou moins violemment en assurant que c’était l’autre qui avait commencé. Autour de lui il y avait toujours de l’animation, il riait très fort et il ne cessait pas d’énerver les autres enfants. Pendant les pauses il courait sans arrêt tout rouge, toujours en fuite de quelqu’un qu’il avait énervé avec ses soi-disant plaisanteries. Ce qui commençait avec une plaisanterie finissait toujours en dispute, parce que les autres se sentaient harcelés. Les autres enfants l’acceptaient plus ou moins mais en y regardant de près on se rendait compte que personne ne voulait vraiment être avec lui. Il avait peu de contact, à peine des amis à la maison et dans son village. Lorsqu’une fille lui plaisait il ne pouvait presque plus se concentrer sur autre chose, il voulait l’accaparer entièrement à lui, comme il voulait toujours avoir tout pour lui. Malgré son agitation énorme il était quand-même un garçon aimable avec des côtés originaux. Il n’était pas violent, on pouvait lui parler et il pouvait se comporter tout à fait raisonnablement.
Déjà au bout de peu de temps nous avons recueilli un tas d’observations et d’expériences avec Alexandre. Il ne savait que penser à lui-même, tout le monde devait toujours s’occuper de lui. Il ne pouvait inclure les autres dans ses sentiments et dans ses pensées. Et il n’était pas du tout conscient de ce qu’il empêchait les autres élèves d’apprendre, son esprit communautaire était très peu formé.

Qu’est-ce qui fait agir Alexandre?

Pour Alexandre nous avons vite supposé qu’avec son comportement difficile il voulait amener les enseignants à toujours s’occuper de lui. Son aspiration exagérée pour arriver à la considération le pousse en permanence à des actions qui ont à faire avec les adultes. En fait nous avons appris par les parents d’Alexandre que déjà tout bébé il avait tenu sa mère en haleine du matin au soir jusqu’à l’épuisement. Sans cesse elle devait faire attention à lui et ne pouvait le laisser seul aucune minute. Il ne pouvait pas se coucher le soir, il devait toujours aller voir ce qui se passait au salon. Les parents n’étaient même pas tranquilles pendant la nuit. Les séjours de repos de la mère qu’elle avait dû prendre plusieurs fois étaient causés par l’agitation d’Alexandre. Les causes en étaient son propre manque d’assurance et l’inquiétude de sa mère que le fils ressentait. Il s’était rendu compte déjà très tôt qu’avec son agitation il l’avait toute pour lui.
Un autre rapport de la mère a montré l’aspiration d’Alexandre de toujours être à la recherche d’une situation particulière. Lorsque ça n’allait plus à l’école primaire publique, des examens dans une clinique neurologique ont été ordonnés. On a vite constaté là-bas que les symptômes d’Alexandre n’étaient pas dus à une maladie. Mais ça lui plaisait tellement bien dans cette clinique et son école qu’il voulait y rester et il est arrivé à ses fins. Parmi ces enfants qui vivaient tous avec un handicap réel, il n’avait pas de peine à être parmi les meilleurs avec ses résultats. Ainsi il ne devait jamais faire des devoirs, ce qui lui faisait bien plaisir. Comme un roi il se faisait conduire tous les jours de loin par un taxi et il s’y sentait visiblement à l’aise, surtout parce qu’il ne devait jamais faire de devoirs. Mais, à la longue il ne pouvait y rester. Ensuite il a eu un instituteur qui ne voulait rien lui laisser passer. Bien sûr cela ne lui plaisait pas, ce qu’il a exprimé haut et fort. Les parents l’ont rapidement sorti de cette école parce qu’ils ne supportaient plus son mécontentement. Personne, aucune école ne pouvait donner à Alexandre cette attention dont, d’après lui, il avait besoin.
Mais comment guérir une telle agitation? Comment développer chez Alexandre davantage d’assurance et davantage d’esprit communautaire?

Le travail pédagogique commence

Chaque enfant a ses côtés positifs. C’est là qu’il fallait commencer chez Alexandre. Lui, c’était son astuce, son intelligence et sa vivacité qui nous avaient frappés dès le début. Avant, on avait toujours essayé d’arrêter Alexandre ou bien de ne pas le surmener parce qu’à ce moment-là ses manœuvres d’évitement commençaient. Il était très exigeant et dans le fond toujours mécontent de lui-même. Nous lui avons expliqué que nous n’étions pas contents de ce niveau qu’il nous avait montré jusqu’à présent, que nous n’étions pas du tout d’accord. Cette écriture, ces cahiers mal ordonnés et son refus d’apprendre quelque chose, il n’en était plus question désormais. Il était extraordinairement intelligent ce qui sortait des examens qu’on avait faits et tout ménagement était faux avec lui. Le but serait de rattraper les matières manquantes et de changer pour quelques matières au niveau secondaire A et d’envisager finalement un apprentissage ambitieux. Nous n’avions pas l’intention de nous occuper de lui de la même manière que jusqu’à présent. Alexandre était tout de suite d’accord et nous avons conclu une sorte de contrat de travail, parce qu’il voulut absolument rester dans notre école. Nous avons demandé tout de suite un programme normal. Et quel miracle, il a continuellement amélioré ses résultats. Les cahiers sont devenus propres, l’écriture lisible. Nous avons donné à Alexandre des directives précises de savoir comment réaliser ses objectifs et nous avons tout de suite réagi lorsqu’il voulait faire recours à son ancien comportement. Pendant bien des semaines nous avons ainsi essayé d’exiger davantage d’Alexandre et de lui donner le sentiment: je peux réaliser ce que j’ai projeté, je sais faire ce qu’on me demande et je le fais tout aussi bien que les autres.
Les efforts entrepris auparavant sont restés inutiles parce qu’on avait commencé par son comportement envers la communauté. Le comportement dérangeant d’Alexandre pendant les cours ne pouvait pas être arrêté. Il a toujours su faire passer sa volonté. Les vraies causes de son comportement étaient fondées dans son sentiment de ne pas pouvoir faire face à la comparaison avec les autres et de toujours penser qu’il n’était pas aussi intelligent que les autres.

Un phénomène assez repandu

On constate aujourd’hui facilement que les enfants dans les écoles sont plus agités et plus nerveux qu’autrefois. Lorsque des difficultés apparaissent à l’école, des enfants comme Alexandre, on les envoie vite faire des soi-disant examens, et très vite le diagnostic tel le TDAH est prononcé, avec les thérapies et une médication adéquates. D’un côté l’école et les enseignants essaient de se protéger ainsi de reproches qu’on pourrait leur faire plus tard, car beaucoup d’enfants qui posent problèmes atterrissent plus tard en psychiatrie ou dans la criminalité. De l’autre côté nous pouvons parler d’une capitulation pédagogique. Une pédagogie qui se fait un devoir d’éduquer la génération future n’existe malheureusement presque plus, à l’exception des enseignants engagés. Les écoles emploient toutes leurs forces pour des réformes et des changements structurels, l’informatisation des cours et l’adaptation au monde soi-disant globalisé avec sa gestion de la qualité, ses tests de qualité etc. Les réunions se suivent, tout est réorganisé. Les enseignants sont occupés de détails sans importance et de l’administration et littéralement écorchés – beaucoup de leçons n’ont pas lieu. Les enseignants sont au meilleur des cas facilitateurs d’apprentissage. Il faut se poser la question de savoir où en restent les enfants dans tout cela. «C’est le système école, le système de la théorie de formation et de didactique, le système de la compréhension psychologique et pédagogique qui s’effondre», dit Wolfgang Bergmann, un psychologue qui s’est occupé intensément des soi-disant enfants TDAH.
Lorsque je reviens à mon exemple j’aimerais souligner que je ne veux pas faire des reproches aux enseignants, psychologues ou psychiatres qui se sont occupés de ce garçon, Alexandre était et est un enfant difficile, avec lui les éducateurs étaient vite au bout de leurs forces. L’exemple montre cependant aussi combien l’école et les institutions d’aide se sont éloignées des réflexions psychologiques et pédagogiques de base connues depuis longtemps.
Les difficultés scolaires ont leur source dans l’entourage personnel des enfants
Le sentiment d’insuffisance d’Alexandre avait beaucoup à voir avec sa sœur aînée. Elle est à peine mentionnée dans les rapports. Aujourd’hui, on tient peu compte de la constellation familiale comme facteur de source de sentiments d’infériorité. Trop souvent, l’enfant est considéré uniquement comme un individu sans relation avec son entourage. Les diagnostics sont donc unilatéraux, tout comme les mesures prises: travail particulier, thérapie par le jeu etc. Souvent, des meutes entières de spécialistes s’occupent de tels enfants. Dans presque tous les cas, on les retire de la communauté de leurs camarades. Alors, chaque enfant en arrive penser bientôt à penser de lui-même qu’il est le seul à connaître ce problème.
Comme Alfred Adler le soulignait déjà, la constellation familiale est très importante. Il reconduit une grande partie des sentiments d’infériorité et des dommages relatifs à l’esprit communautaire à la position familiale respectivement au problème de la rivalité et de la jalousie dans les relations entre sœurs et frères. Chez l’enfant unique, le problème est encore plus accentué car il se mesure en permanence avec les adultes. La situation dans la famille se présente pour chaque enfant de manière différente. La plus grande activité d’un enfant peut fortement en décourager un autre, le succès scolaire d’une jeune sœur peut conduire à l’échec scolaire du frère ou de la sœur plus âgée. Souvent, les sœurs et frères se spécialisent. L’aîné est bon en mathématiques, le plus jeune est meilleur en langues ou bien le contraire. Un frère ou une sœur peuvent retomber complètement dans de vieilles attitudes quand un autre enfant voit le jour. Il veut redevenir petit et commence à harceler le plus jeune. Cela montre clairement que les sœurs et frères sont très importants pour la vie affective. Ceux-ci se comparent toujours entre eux, ce qui est tout à fait normal. Cette jalousie entre enfants peut se renforcer distinctement quand les parents avivent l’inégalité entre frères et sœurs en favorisant ou défavorisant l’un ou l’autre ou quand ils pensent empêcher la jalousie en mesurant et partageant tout exactement. De cette manière, la jalousie s’attise davantage. Dans la famille, une ambiance d’égalité doit régner. Ici, il est tout à fait normal qu’un jeune enfant fasse moins que l’aîné. Si les parents sont incertains ici, alors on peut être sûr que la jalousie chez le plus jeune va se renforcer et qu’il exigera de pouvoir faire comme ses aînés. On ne peut pas traiter les enfants de la même manière, mais de manière égale. Aujourd’hui, on observe souvent que les jeunes enfants sont très nerveux, parce qu’ils supportent à peine d’avoir un ou une aîné(e). Ils sont continuellement à la course-poursuite, ne trouvent pas la tranquillité et sont considérés tout d’un coup comme hyperactifs. Cette nervosité intérieure a bien sûr beaucoup à voir avec l’environnement actuel des enfants, où seulement compte ce qui va vite et ce qui est extraordinaire.
La différence entre Alexander et sa sœur aînée était frappante. Contrairement à lui, les parents n’ont jamais eu de problèmes avec elle. Elle était bonne élève, belle, avait beaucoup d’amies et était appréciée. Alexander s’entendait mal avec elle. Il l’agaçait chaque fois qu’il pouvait. Cela préoccupait beaucoup la mère. Alexander ne pouvait pas supporter le fait que sa sœur aînée en savait toujours plus que lui. Au lieu de la prendre comme modèle, il étendait sa position de garçon difficile et était bientôt connu dans tout le village. Lorsque nous déclarions à la jeune sœur dans un entretien que son frère pouvait aussi bien apprendre qu’elle et que les autres, elle était indignée et se mettait en colère en s’obstinant à dire que dans la tête d’Alexander il y avait quelque chose qui n’allait pas et que c’était pourquoi il était si impossible.
L’école devrait prendre en compte le changement de situation de nombreux d’enfants d’aujourd’hui dans leur famille comme aussi leur position familiale, si elle veut aider les enfants sur leur chemin. Dans certaines familles, il règne aujourd’hui une agitation et une incertitude. De nombreux parents n’osent plus exiger quelque chose de leurs enfants. De ce côté-là, les réformes scolaires favorisant les formes d’apprentissage libres et ouvertes, l’apprentissage autoguidé et les enseignants qui se comprennent comme animateurs ont un effet dévastateur sur beaucoup d’enfants.

Beaucoup d’enfants sont comme Alexandre

Les enfants comme Alexander sont des enfants égocentriques avec de faibles capacités sociables. Souvent, chez de tels enfants, la mère se situe au centre et souvent, en arrière-plan, se trouve un père faible ou absent. Les mères sont souvent très attentionnées et soucieuses d’harmonie et peu capables d’empathie avec leurs enfants et d’intervenir de manière spontanée et sincère dans le procès éducatif.
Ces enfants se situent toujours au centre. C’est pourquoi, les enfants nerveux n’ont pas besoin de cette vague actuelle sur laquelle beaucoup d’écoles surfent aujourd’hui. Les enfants comme Alexander ont besoin d’une initiation bienveillante, mais déterminée, ils ont besoin de fiabilité, ils ont besoin d’un ordre intérieur et extérieur. L’éducation suppose la sincérité dans le comportement et dans le sentiment de soi-même. Celle-ci manque en grande partie aujourd’hui. Les parents et les enseignants n’osent pas exiger quelque chose des enfants, leur éteindre la télévision sous le nez, les inscrire dans une association raisonnable et se soucier qu’ils y aillent. Les enfants agités le sont là où règne le chaos. C’est pourquoi, une école avec des structures serait importante. Cela leur donne un appui dans le désordre de leurs sentiments. Ils se tranquillisent. Le fait qu’aujourd’hui il est démodé d’exiger des enfants d’être soigneux avec leurs cahiers et d’écrire lisiblement, est une erreur. On pense qu’à l’époque des ordinateurs, cela n’est plus actuel. Pourtant, l’orthographe, l’écriture et des cahiers soignés sont très importants, pour donner aux enfants l’appui qui leur manque. Ils sont bien plus satisfaits quand ils ont fait une belle page et s’en réjouissent.
On l’a constaté aussi chez Alexander. Quand l’enseignant a exigé de lui avec détermination, ce que l’on exige justement à l’école, il s’est calmé et a commencé à travailler. S’il n’obtient pas une initiation claire, alors il est nerveux et le devient toujours plus. Chez Alexander, il était important d’être exigeant avec lui et qu’il obtienne des devoirs qu’il trouvait trop difficiles. Il était aussi important de ne pas se laisser piéger par ses manœuvres de détournement. Il a développé un répertoire tellement immense dans ce domaine-là que les enseignants ne peuvent que s’en étonner. Mais cela vaut la peine de développer une double force et de le guider avec une persévérance plus renforcée sur le droit chemin. Chaque fois qu’il a réussi à résoudre un devoir qui lui semblait trop grand, on l’a aidé un peu à renforcer sa confiance en lui et son assurance parmi les enfants. En vérité, il se sent par rapport à eux comme par rapport à sa sœur, complètement inférieur. Seulement en passant: Si l’enseignant n’a pas ici un jugement correct du problème, il pensera bientôt qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez cet élève, qu’on a besoin d’un examen psychologique etc. et alors un tel enfant sera perdu. C’est la même chose quand il a pitié de l’élève en raison de sa propre histoire personnelle. L’école et le corps enseignant doivent veiller à ce que les enfants puissent résoudre la matière scolaire et qu’ils pensent tous: «C’est aussi quelque chose pour moi, j’arrive à suivre.»

L’importance de la communauté de classe

Une communauté de classe guidée qui fonctionne bien est d’une énorme importance pour l’intégration des enfants qui ont reçu à la maison une préparation insuffisante. Ici, une petite digression serait en fait nécessaire sur l’importance de la communauté de classe. Des disciples d’Alfred Adler ont, dans les années vingt du siècle dernier, conduit des écoles, dans lesquelles la communauté de classe constituait une importance centrale.
Dans chaque classe, il y a des enfants ayant une attitude constructive, qui disposent d’un esprit communautaire. L’enseignant peut compter sur eux, ils l’aideront à amener les enfants dotés de moins d’esprit communautaire, cela veut dire qui sont moins exercés et familiarisés dans la coopération sociale, à coopérer davantage. L’école doit offrir un modèle qui forme déjà en petit les capacités intellectuelles mais avant tout sociales des enfants pour leur vie future en tant qu’adultes. Les enseignants montrent aux enfants comment on peut résoudre activement aussi bien les difficultés dans l’apprentissage que les difficultés dans la vie avec les autres enfants, comment on apprend à vivre avec différentes opinions et à s’entendre avec des enfants différents. C’est un travail éducatif. L’enseignant ne les initie pas seulement à la beauté de la nature et de la science, au beau sentiment d’avoir compris quelque chose mais éveille leur empathie pour autrui et ainsi pour leur intérêt social envers le voisin et envers les êtres humains du monde entier. Ici, il faut que l’enseignant puisse y dédier toute sa personnalité et qu’il soit sincère, encourage, juge et classe, ce que font les enfants, qu’il ose justement exiger quelque chose et exprimer ce qu’il ne trouve pas correct. Un enfant ancré et formé de cette manière a appris à regarder les problèmes en face et est mieux préparé aux futures tempêtes de la vie, et à ne pas réagir avec repli et dépression lors de déceptions, de pertes et d’autres difficultés qui se présentent dans la vie. Pour cela, on a besoin d’écoles qui partent d’une approche pédagogique et qui considèrent comme leur tâche la plus sacrée de ne pas décourager les enfants et de les amener à coopérer en communauté. Faire revivre cette belle approche devrait être le devoir de la pédagogie d’aujourd’hui. Comme mentionné plus haut, nos écoles tournent dans une tout autre direction.
Pour en revenir à notre exemple avec Alexander: l’école a échoué aussi à ce point de vue-là. Selon les rapports certains éducateurs ont réussi à construire une relation de confiance avec le garçon. Toutefois, personne n’a réussi à accompagner Alexander dans une plus grande communauté, à exiger de lui un comportement adéquat et à veiller à ce que règne un climat calme dans les classes. Dans presque tous les cas, les enfants ne veulent rien d’autre que vivre paisiblement en communauté avec les autres. Pour cela, ils ont absolument besoin d’être guidés par les éducateurs. Dans le curriculum de ce garçon en fait aimable, il lui manquait un contact naturel avec les autres enfants. Déjà très tôt, on l’a retiré de la communauté à cause de ses énormes difficultés. Apparemment, personne n’a reconnu que son comportement asocial était aussi une tentative – bien sûr inappropriée – d’entrer en contact avec d’autres enfants. Comme il l’avait appris avec la mère, c’est-à-dire d’attirer par tous les moyens toute l’attention sur lui, il le faisait aussi avec ses camarades. Ainsi, en première classe, il se promenait continuellement dans la salle parce qu’il voulait voir où en était déjà les autres. On a interprété cela comme manque de contrôle dans son besoin de mouvement et comme agitation motrice. Pourtant, il n’était pas sûr d’être aussi bon que les autres et voulait en permanence avoir le dessus. On aurait mieux fait de l’engager comme auxiliaire enseignant en mathématiques pour guider sa nervosité vers une voie communautaire.

La consolidation du succès

Le développement d’Alexander était empreint de beaucoup de hauts et de bas. Il s’est tranquillisé toujours davantage et a commencé à prendre de manière croissante un rôle positif dans la classe. Nous avons remarqué aussi qu’il aidait volontiers. Ainsi, on lui a donné des tâches à accomplir au sein de l’établissement scolaire. Nous avons également parlé avec les parents sur la manière dont il pourrait se rendre utile à la maison. Il a aidé aussi la mère à faire la cuisine. Il lui a montré ce qu’il avait appris dans les cours de cuisine. Il a dû donner un coup de main au père dans des travaux difficiles. Cela était important, afin qu’il commence à mieux s’orienter vers le père. Jusqu’à présent, la mère avait eu un rôle dominant. A l’école, on tenait à ce qu’il aide les autres enfants. D’abord, les plus jeunes, ensuite ceux de son âge. Ainsi, il pouvait se mettre en valeur et apporter une contribution positive à la communauté. Alexander s’était si bien calmé que nous avons réfléchi à la prochaine étape. Il devait être intégré de nouveau au sein d’une plus grande classe dans sa commune. Il fallait préparer cela soigneusement, d’autant plus qu’on savait que la mère d’Alexander n’en serait pas d’accord. Dans quelques entretiens avec les institutions, nous avons parlé du développement personnel d’Alexander et nous avons convaincu les parents d’oser cette étape. Après avoir passé deux ans à notre école, Alexander nous a quittés et est entré dans une classe régulière dans sa commune. Je n’ai pas parlé avec l’enseignant, je voulais qu’il puisse voir dès le début un garçon normal en lui. Et que s’est-il passé? Alexander se comportait de manière tout à fait irréprochable, ne troublait plus les cours, travaillait et obtenait de bonnes notes. Six mois plus tard, il a obtenu la place d’apprentissage comme installateur sanitaire qu’il avait souhaitée. Depuis, il a réussi l’apprentissage et est devenu un jeune homme qui fait sa vie et dont on ne remarque pas les difficultés qu’il avait connues auparavant.
Lorsqu’il est venu nous rendre visite il y a quelques semaines et qu’il a raconté comment s’était déroulé l’école et son apprentissage, il a déclaré à la fin plein de fierté: «Venez-vite voir ma voiture sur le parking!» Il était évident qu’Alexander voulait montrer à quoi il était parvenu. On ne peut pas nier l’orientation des enfants même devenus grands vers les adultes. L’être humain est une personne et un être relationnel qui attend une réaction d’autrui. Uniquement une école qui se sent engagée sur la base de la conception de l’être humain en tant que personne, uniquement une école, qui guide et éduque, peut former des enfants, qui seront plus tard des citoyens majeurs et aideront à organiser la démocratie et à améliorer activement leur propre vie et celle des autres.     •