Tout sonne faux dans l’initiative sur les armes

PGB. A un mois de la votation sur l’initiative populaire «Pour la protection face à la violence des armes», la campagne prend des al­lures assez déplaisantes. Alors que les services de la Confédération publient des statistiques plutôt positives, les partisans de la prohibition des armes recensent avidement les actes de violence commis chaque jour dans le monde et les rassemblent en un tableau effrayant, tout en avançant d’autres chiffres sélectionnés parmi les plus alarmants. Des commentateurs militants feignent ensuite d’adopter un point de vue objectif pour déclarer que cette guerre des statistiques passe à côté du problème – ce qui est vrai – et pour conclure que, si l’initiative permet de sauver «ne serait-ce qu’une seule vie humaine», il faut alors l’accepter.
Ce genre de raisonnement culpabilisant, où l’on invoque la vie humaine pour refuser toute discussion sur la proportionnalité des mesures proposées, ouvre en théorie la porte aux dérives les plus extrêmes. En théorie seulement, car ceux-là mêmes qui recourent à cette tactique pour gagner le public à leur cause sont aussi les premiers à dénoncer, au nom de leur propre liberté, les mesures sécuritaires et répressives qui leur déplaisent! Au-delà des effets de manche hypocrites, chacun sait donc bien qu’il est légitime de s’interroger sur l’ampleur et les conséquences de l’initiative en question.
Celle-ci comporte essentiellement deux volets, l’un civil, l’autre militaire. Dans le domaine civil, il s’agirait d’obliger les personnes désirant acquérir ou détenir une arme à leur domicile non plus seulement à se faire enregistrer, mais aussi à justifier d’un «besoin» particulier. Le texte de l’initiative laisse à la future loi d’application le soin de régler les exigences et les détails concernant les tireurs sportifs, les collectionneurs, les chasseurs. On nous fait ainsi croire que ces personnes pourraient continuer à pratiquer librement leurs activités comme aujourd’hui. Or cela n’aurait aucune logique: si le but est vraiment d’empêcher tout individu de «perdre les pédales» et d’utiliser une arme à mauvais escient, il faut alors réduire drastiquement le nombre des armes, y compris des armes lé­gales détenues par des personnes qui les utilisent légalement.
Pour ne pas être vidée de son sens, l’initiative devrait donc forcément s’attaquer aussi aux tireurs, aux collectionneurs et aux chasseurs – en attendant peut-être d’autres – non pas seulement pour leur imposer des autorisations, mais aussi pour restreindre sévèrement leur droit de posséder une arme pour quelque emploi que ce soit.
Dans le domaine militaire, qui est le plus médiatisé, l’initiative exige que plus aucune arme à feu ne soit laissée aux soldats en dehors des périodes de service, ni ne puisse leur être laissée à la fin de leurs obligations militaires. Outre les aspects psychologiques liés à la confiance que l’armée doit avoir dans ses soldats ou à la notion d’«arme personnelle», c’est ici la logistique de l’armée de milice que visent les milieux antimilita­ristes. Les arsenaux devraient reprendre initialement quelque 270 000 armes, puis assurer chaque année le prêt et la reprise d’environ 180 000 armes. Les programmes de tirs obligatoires hors service deviendraient impos­sibles à maintenir. L’initiative pousserait ainsi à un service militaire en une seule période, et donc indirectement à la professionnalisation de l’armée. Ce serait là sa seule conséquence réelle; peut-être est-ce d’ailleurs son véri­table objectif.
En revanche, le but allégué d’empêcher un usage intempestif de l’arme dans la vie civile apparaît comme une tromperie lorsqu’on sait que, déjà aujourd’hui, les soldats n’emportent plus leurs munitions de poche à domicile. Les seules personnes dangereuses actuellement sont celles qui sont capables de trouver des munitions illégales – celles donc qui préparent leur acte et sont aussi capables de trouver une arme illégale. L’initiative n’y changera rien.
On voit que tout sonne faux dans cette initiative. Elle n’apporterait aucun surplus de sécurité et ne servirait qu’à accroître la mise sous tutelle des citoyens et à compliquer sournoisement le système de l’armée de milice. On n’éprouvera donc aucun remord à voter NON le 13 février.    •

Source: Communiqué du Centre Patronal du 12/1/11

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