Le contre-projet à l’initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire»: une duperie derrière un miroir aux alouettespar Henriette Hanke GüttingerLe Conseil fédéral abuse de son contre-projet direct à l’initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire» afin d’ancrer un projet de libre-échange agricole dans la Constitution fédérale. En juillet 2014, l’initiative populaire fédérale «Pour la sécurité alimentaire» a été déposée à Berne. En trois mois seulement, elle a rassemblé 147'812 signatures [Pour l’aboutissement d’une telle initiative, il faut récolter 100'000 signatures en 18 mois, ndt.]. Cela prouve que «l’approvisionnement de la population avec des denrées alimentaires issues d’une production locale diversifiée et durable», comme l’exige l’initiative, est un véritable besoin. En outre l’initiative demande de prendre «des mesures efficaces notamment contre la perte des terres cultivées, y compris des surfaces d’estivage». Puis, la Confédération doit veiller «à maintenir une charge administrative basse pour l’agriculture et à garantir la sécurité du droit, ainsi qu’une sécurité adéquate au niveau des investissements». Grâce à cette initiative venant de la population, notre agriculture obtient à nouveau le soutien politique et économique nécessaire. Le contre-projet pour préparer à se rattacher à TTIP?Il faut se poser la question de savoir s’il ne faut pas voir le contre-projet en relation avec le traité de libre-échange TTIP/TAFTA planifié entre les Etats-Unis et l’UE qui est depuis longtemps négocié dans la plus grande discrétion. Au Parlement suisse, une interpellation a été déposée demandant «Le partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement entre l’UE et les Etats-Unis constitue-t-il une menace pour les normes suisses en matière de denrées alimentaires?» Dans la réponse du Conseil fédéral du 15 mai 2014, il est curieusement question d’«options» concrètes par rapport à la «compétitivité de l’économie suisse» et «l’attractivité de la place industrielle suisse». Selon le Conseil fédéral, «il pourrait aussi y avoir, avec ces options, la possibilité de négocier un accord de libre-échange avec les Etats-Unis ou de participer au Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP)».3 Eliminer le contre-projetLa politique agricole nous concerne tous, que l’on soit actif dans l’agriculture ou que l’on bénéficie des fruits du travail des agriculteurs. Nous devons tous nous regrouper. Chacun de nous peut s’exprimer de manière brève et pertinente ou de manière plus approfondie sur le contre-projet du Conseil fédéral. Par voie électronique à l’adresse schriftgutverwaltung@blw.admin.ch ou bien par lettre postale. La consultation dure jusqu’au 14 avril 2015. Il fait sens d’y participer. Car s’il y a assez d’opposition, le Conseil fédéral devra retirer son contre-projet. • 1 Depuis la fin des années 1990, le Conseil fédéral se sert de cette méthode de manipulation pour tenter de faire adopter ses intérêts par le peuple de manière subreptice. (cf. Judith Barben, «Les Spin doctors du Palais fédéral – comment la manipulation et la propagande compromettent la démocratie directe». ISBN 978-2-88892-095-3) Production de lait «respectueuse des animaux»?En Italie, des producteurs laitiers manifestent contre les prix en baisse et la disparition planifiée pour fin mars des quotes-parts de lait dans l’UE. […] Ils ont suivi un appel de l’association agricole Coldiretti. Celle-ci craint de graves pertes pour les producteurs laitiers italiens. […] A des prix de 0,35 euro par litre, on ne peut pas même couvrir les coûts pour la nourriture des vaches. Schweizer Bauer du 24/1/15. De quelle compétitivité parle le Conseil fédéral?«[…]Au nom de la compétitivité, le Conseil fédéral pourrait faire des choix très discutables pour l’agriculture. […] Nous vivons dans des conditions cadres qui ne sont pas comparables à celles de nos collègues européens et il faut l’accepter. Vouloir atteindre des coûts et des prix similaires, c’est se leurrer. Nos coûts reflètent le niveau de vie suisse, il ne peut en être autrement. […] Nous subissons aujourd’hui déjà les effets négatifs d’une tournure de phrase apparemment inoffensive de l’article 104 actuel de la Constitution: «La Confédération veille à ce que l’agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement …». Il aurait suffit de citer le développement durable qui, dans sa définition originale, appelle à un équilibre savant entre écologie, social et économie. Mais non, il a fallu rajouter «les exigences du marché» pour contenter certaines forces et acteurs politiques. Le résultat est celui-ci: depuis 1996, date de l’entrée en vigueur de l’article constitutionnel, plus de 24?000 exploitations agricoles Source: Valentina Hemmeler Maïga, |