Importation des USA

par Judith Barben*

Les psychotechniques ont été développées dans des laboratoires d’essais américains. Il s’agit d’une intervention flagrante d’une institution étatique dans le droit d’éducation des parents. Le consensus de base et les valeurs de notre société sont mis en question, des comportements antisociaux sont entraînés et en résultent. Est-il étonnant, sur cette toile de fond, qu’un élève en quatrième classe déclare qu’il s’est senti «heureux» en piétinant sans raison un camarade de classe allongé par terre?

Des jeux de rôles psychotechniques imposés

Les nouveaux jeux de rôles psychotechniques imposés aux enfants, n’ont rien de commun avec les jeux de rôles précieux du point de vue de la psychologie du développement que nous connaissons, et auxquels les enfants ont toujours aimé jouer. Ils jouent par exemple à la famille, au vendeur ou au maître d’école et entraînent ainsi de manière ludique des rôles qu’eux ou leurs camarades vont adopter plus tard dans la vie. «Tu serais maintenant le papa, moi la maman et la poupée notre enfant», se disent-ils par exemple. De tels jeux de rôle constructifs encouragent l’imagination, la capacité à coopérer et le développement linguistique des enfants, car ils doivent constamment se mettre d’accord avec leurs frères et sœurs ou leurs camarades sur le déroulement du jeu. Souvent ils incorporent dans leur jeu l’aide dans le ménage. Ces jeux de rôle peuvent être judicieusement mis en œuvre au jardin d’enfant ou à l’école, tel par exemple le jeu au «vendeur» lors de l’introduction de l’argent en maths.
Les psychotechniques doivent être clairement démarquées de ces jeux de rôles sensés. Car les «psychotechniques» sont par définition des méthodes élaborées de façon ciblée «afin d’influencer les gens».¹ Cela veut dire que des connaissances psychologiques sont abusées afin d’influencer et de manipuler les gens. De telles méthodes ont été développées depuis les années 50 du siècle passé dans des laboratoires d’essai américains et propagées sous la désignation «Dynamique de groupe», «Gestalt», «Psychodrame» ou «Approche humaniste» comme de soi-disant méthodes psychothérapeutiques.² Cependant elles sont très contestées par l’ensemble des spécialistes car elles ont souvent des conséquences catastrophiques telles que des dépressions nerveuses, des séjours en clinique, l’altération de couple et des crises dépressives allant jusqu’au suicide. Et cela – bien entendu! – chez des adultes.³

Des psychotechniques nuisibles

Les psychotechniques mentionnées ci-dessus visent à faire ressortir des émotions et des conflits soi-disant «authentiques» mais «ensevelis» et à les objectiver le plus dramatiquement possible.⁴ On prétend que par l’expression débridée de ces émotions les conflits se résoudraient. En réalité c’est tout à fait le contraire: des émotions négatives sont entraînées et consolidées, des conflits entre les personnes sont attisés et aggravés.
Au début d’une séance, les participants sont invités à se détendre par le biais de soi-disant «jeux de réchauffement», ils doivent se promener par exemple dans tous les sens à travers la salle et se saluer de différente manière – par le nez, par le derrière et ainsi de suite. Ces exercices sont pratiqués jusqu’à ce qu’un participant se décide à monter sur scène en tant que «protagoniste» et à jouer à l’improviste une scène ou un conflit de sa vie. Ainsi, lors d’une séance, un participant a joué un conflit qu’il avait eu avec son père à l’âge de cinq ans. Jadis, il aurait préféré continuer son jeu de billes, mais son père a voulu qu’il l’aide à faire un travail. Alors le psychologue invite les autres participants à entrer en jeu soit comme «complices du protagoniste» soit comme père tyrannique. Les complices doivent renforcer le point de vue du protagoniste par des acclamations et des commentaires encourageants. Si le père était vraiment aussi tyrannique n’est pas élucidé, une réconciliation n’est pas visée. Tout au contraire, il s’agit de pousser le protagoniste le plus profondément possible dans son état d’âme.
Il est bien imaginable que de telles séances puissent provoquer de fortes réactions émotives souvent négatives – et ceci non seulement chez le protagoniste. C’est pourquoi les participants sont conseillés de ne pas prendre le volant jusqu’à ce que les émotions soient retombées.

L’application de psychotechniques aux personnes dépendantes est défendue

Comme les psychotechniques passent pour des méthodes thérapeutiques, on ne peut les appliquer qu’aux adultes qui donnent leur accord. S’il s’agit de personnes dépendantes (étudiants, écoliers, collaborateurs) leur application est formellement interdite, parce que ces derniers étant dépendants ne peuvent pas librement approuver ou refuser.
Malgré tout, ces méthodes sont appliquées lors de séminaires pour managers ou de candidatures à un emploi.
Lors d’«assessments», le personnel et les candidats sont forcés de rendre public le plus profond d’eux-mêmes. Ou bien ils doivent mener une course contre la montre afin de résoudre des devoirs insolubles, on les surprend ensuite en leur posant des questions indiscrètes pour finalement les désarçonner. Parfois ils sont invités à se ridiculiser dans un jeu de rôle où il faut défendre des points de vue absurdes. Il s’agit là d’atteintes inadmissibles à la sphère privée, tel est le verdict d’un conseil des prud’hommes en Allemagne. Le tribunal a interdit aux employeurs de recourir à de telles méthodes.⁵ Que cela soit d’autant plus déconseillé lorsqu’il s’agit d’enfants, devrait être évident.    •

1    Rexilius, Günter & Grubitzsch, Siegfried. Hand­buch psychologischer Grundbegriffe. Reinbeck bei Hamburg 1981, p. 869.
2    En réalité ces méthodes n’ont rien à voir avec une psychothérapie sérieuse. Une psychothérapie compétente et responsable s’effectue toujours sur un pied d’égalité, en dialogue et respect mutuel entre le thérapeute et celui qui demande de l’aide. Ce dernier est encouragé dans sa capacité d’entrer en relation et dans ses valeurs sociables, il est aidé à résoudre de manière constructive les tâches de sa vie.
3    Sichrovsky, Peter. Seelentraining. Wie man in sechs Tagen sein Gesicht verliert. Ein Bericht; Ehebald, Ulrich. Der Arzt und die Angebote des «Psychomarktes». In: Materialien zur Psychoanalyse und analystisch orientierte Psychotherapie. Volume VI (1980), page 90-123; Mentzos, Stavros. Neurotische Konfliktverarbeitung. Einführung in die psychoanalitische Neurosenlehre unter Berücksichtigung neuer Perspektiven. Francfort-sur-le Main 1982, page 287; «Das Elend fing an einem Sonntag an», Coop-Zeitung no 19 du 12/5/1994; Tödlicher Unfall in einer Gruppentherapie. Neue Zürcher Zeitung, du 16/2/1993.
4    Kösel, Edmund. Die Modellwirkung von Lernwelten. Ein Handbuch zur Subjektiven Didaktik. Elztal-Dallau 1993, pp. 116-120.
5    Beruf und Chance. Warum muss der Bewerber sein Innerstes nach aussen kehren? Im Assesment
Center wird eine erhebliche Persönlichkeitsentblössung erwartet / Bedenken der Juristen. Frankfurter
Allgemeine du 20/4/1996; cf. «Seelentrip auf dem Weg nach oben. Kaderleute vor der Beförderung durch harte Psychotests gejagt.» ZürichExpress
du 24/8/01.