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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°51, 28 décembre 2011  >  La biodiversité … sans l’être humain? [Imprimer]

La biodiversité … sans l’être humain?

par P. G. Bieri, Centre Patronal, Lausanne

La préservation de la biodiversité n’est pas une préoccupation nouvelle. Elle ne justifie pas que l’on élabore une «stratégie» susceptible de déboucher sur des projets législatifs inutilement étatistes, centralisateurs et contraires aux intérêts de l’activité humaine

La Suisse a-t-elle besoin de mettre en place une stratégie de promotion de la biodiversité? C’est ce que semble penser le Conseil fédéral qui a mis en consultation un volumineux rapport à ce sujet. A l’origine de ce projet, on trouve, comme souvent, une convention internationale – en l’occurrence la Convention sur la diversité biologique, signée il y a une vingtaine d’années. En 2010, les Etats parties à cette convention ont fait le point sur son application et ont estimé que ses objectifs n’étaient pas atteints. Ni la convention elle-même ni son protocole de 2010 ne prescrivent toutefois de mesures impératives. C’est pourtant en s’appuyant sur ces textes que le Conseil fédéral manifeste aujourd’hui la volonté de mettre en place une «stratégie» consistant à doter la Suisse d’instruments législatifs supplémentaires censés lutter contre le déclin de la biodiversité.
On peut être favorable à la biodiversité sans pour autant approuver sans réserve toutes les conceptions que cette notion est susceptible de recouvrir. On doit surtout se méfier des recettes proposées. Parmi les mesures esquissées dans cette «Stratégie Biodiversité Suisse», certaines touchent par exemple à l’aména­gement du territoire, matière déjà hyper-réglementée où la Confédération, qui n’a que la compétence de fixer des principes généraux, menace d’intervenir davantage dans les instruments cantonaux et communaux, en particulier pour «développer la biodiversité dans l’espace urbain». Il est aussi question de politique agricole, avec l’idée d’intro­duire des objectifs qualitatifs et quantitatifs de production au niveau régional, dans une vision plus bureaucratique qu’entrepreneuriale. On évoque encore la politique de l’énergie, celle des infrastructures, du tourisme, et même le domaine de la consommation où l’on pourrait imposer des prescriptions d’étiquetage supplémentaire.
On ne contredira donc pas les concepteurs de la «Stratégie Biodiversité Suisse» lorsqu’ils admettent ouvertement que cette dernière contient un potentiel de conflit avec d’autres intérêts, économiques notamment! Une telle opposition est-elle pour autant inévitable? Les auteurs du rapport eux-mêmes laissent entendre qu’il n’en est rien puisqu’ils affirment – avec raison – que la biodiversité ne doit pas se concevoir uniquement dans une optique éthique de protection et de conservation de la nature, mais aussi selon une approche plus pragmatique, comme une ressource économique importante pour les êtres humains.
Mais alors pourquoi la stratégie qui nous est proposée semble-t-elle s’attacher uniquement à la préservation de la biodiversité, et non à son utilisation dans le cadre des activités humaines? C’est là le reproche le plus fondamental à adresser à ce document: il repose sur l’idée viciée d’une opposition entre l’homme et la nature.
La «Stratégie Biodiversité Suisse» n’est qu’une stratégie, et non un projet législatif abouti. Mais les pistes qu’elle propose laissent craindre une application à la fois étatiste, centralisatrice et inutilement con­traire aux intérêts de l’activité humaine. Dans un pays qui possède déjà une législation environnementale extrêmement développée et une sensibilisation très forte de l’opinion publique, y compris dans de nombreuses entreprises, une telle stratégie n’a pas sa place et doit être refusée dès à présent.    •

Source: Communiqué du Centre Patronal du 6/12/11