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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°40, 10 octobre 2011  >  Des conceptions de morale et de valeur divergentes divisent un peuple [Imprimer]

Des conceptions de morale et de valeur divergentes divisent un peuple

«L’éducation relève toujours encore du domaine des cantons»

Interview de Werner Messmer, conseiller national PRD Thurgovie

thk. Werner Messmer a été élu au Conseil national pour la première fois en 1999. Entrepreneur diplômé, il dirige une entreprise de construction et il préside depuis plusieurs années la Société suisse des entrepreneurs. Werner Messmer fait partie du comité de la pétition «Contre la sexualisation de l’école publique» (cf. «Horizons et débats» n° 39 du 3 octobre 2011) et il se prononce ouvertement contre l’introduction insidieuse d’une éducation sexuelle qui ne se conforme aux principes éthiques de notre culture. On ne peut en aucun cas introduire un tel cours sans débat public et sans vote démocratique. Dans l’interview ci-dessous, il expose les raisons de son engagement.

Horizons et débats: Monsieur le conseiller national, vous faites partie du comité de pétition contre l’éducation sexuelle prévue et vous vous opposez à son introduction. Qu’est-ce qui vous dérange dans ce projet?

Werner Messmer: C’est intéressant comme aujourd’hui on parle dans une mesure de plus en plus large des valeurs, de l’éthique et de la morale. Je constate à ce propos que de moins en moins de gens savent quelle norme on vise quand on parle de valeurs et de morale. Il y a ainsi diverses idées de morale et de valeurs, qui divisent un peuple, un pays. Je fais partie de ceux qui disent que nous avions un passé couronné de succès basé sur la morale, l’éthique et la culture chrétiennes. Pour moi, ce sur quoi nous devons nous mettre d’accord, c’est toujours le fondement sur lequel nous devrions nous retrouver. C’est notre culture et nous nous fondons sur elle. Cela signifie bien sûr que nous devons transmettre les valeurs et l’éthique aux générations futures et que nous devons aussi les vivre. Si je considère cela de cette façon, des conceptions telles que «la sexualité libre» et «chacun peut se développer comme il veut» – c’est bien sûr aussi en rapport avec l’éducation antiautoritaire – il est tout à fait clair qu’il faut refuser ces idées. Nous devons empêcher cela. Nous devons essayer de revenir un peu à un ordre dans lequel nous plaçons des glissières de sécurité. A l’intérieur de celles-ci, un développement de vie a fait ses preuves et nous voulons aussi favoriser ce développement de vie.

Là, l’éducation d’une jeune personne joue quand même un rôle décisif.

La question sur la manière d’élever nos enfants en fait bien sûr partie. C’est sûrement dommage que de plus en plus de parents échouent dans ce domaine. Pour cette raison, l’école a une tâche d’autant plus importante dans ce domaine. J’ai été président de la commission scolaire pendant 16 ans et j’ai tout le temps soutenu le point de vue que l’école n’avait pas seulement à transmettre du savoir, mais qu’elle devait aussi être prête à prendre partiellement en charge l’éducation. Sauf le milieu familial, aucune autre institution ne suit l’enfant si longtemps et peut l’influencer si fortement. D’où la question: voulons-nous laisser l’école se développer comme un petit groupe de gens le veulent, ou défendons-nous nos droits démocratiques sur la façon dont l’école perçoit sa tâche. Il ne s’agit là pas seulement du domaine pédagogique de la transmission du savoir, mais aussi du domaine éducatif. La question de savoir selon quelle philosophie fondamentale nous voulons élever nos enfants, en fait aussi partie. Si je reviens sur nos valeurs et aux attitudes fondamentales chrétiennes, l’éducation en fait partie au sens propre du terme. Nous devons élever nos enfants avec la morale et l’éthique qui correspondent à nos valeurs de base chrétiennes. C’est l’affaire de chacun jusqu’où il veut aller avec sa foi. Chacun doit savoir cela lui-même, mais comme fondement, ça doit avoir de la valeur pour nous. C’est pour cela que je m’engage et que je soutiens la pétition.

Quels dangers voyez-vous?

Selon l’éducation antiautoritaire, chacun devrait se développer d’après ses penchants. Cela mène à un égoïsme et à ce qu’on ne fasse plus attention les uns aux autres et que je ne fasse juste que ce que j’éprouve sur le moment. Bien sûr, nous sentons cela aussi dans la politique. La Suisse est ce qu’elle est parce qu’on a toujours atteint le but ensemble. On a dit que chacun devait être prêt à aller au devant de l’autre. Cette sorte d’éducation, dans laquelle je dois essayer d’abord un peu si je penche plutôt vers les garçons ou les filles – et suivant ce que j’éprouve, j’essaie d’abord un peu, donc je reste accroché à gauche ou à droite –, cela nous mène à une image de l’homme qui ne sait plus ni s’intégrer, ni s’orienter. Cela mène à une société qui perd ainsi sa cohésion. C’est certes aller un peu loin, mais c’est exactement cela en fin de compte.

Vous avez déjà fait comprendre que la famille était quelque chose d’important pour l’éducation des valeurs morales. Cette attitude égoïste, comme vous l’avez décrite ci-dessus, mène à une destruction de la famille traditionnelle et ainsi à la destruction d’importants fondements culturels en fin de compte.

Nous constatons bien sûr que de plus en plus de parents ne sont plus en mesure de prendre suffisamment de temps pour leurs enfants, et c’est un développement tragique. Bien que ce soit ainsi, il ne faut pas que nous y cédions. Nous devons nous engager pour que cela soit clair pour tous, que si l’on met des enfants au monde, il faut accepter le fait que ça fait partie de la vie d’un des parents de s’occuper principalement des enfants. On peut se demander si les deux parents doivent absolument aller travailler. Il y a aussi bien sûr des situations dans lesquelles c’est nécessaire. Mais s’organiser de façon à savoir que les enfants ont la priorité pendant 10 à 15 ans, doit de nouveau devenir normal. La famille est et restera le fondement et le noyau d’une société saine. Je ne suis pas un de ceux qui empêchent le développement moderne, si les deux parents cherchent du travail, mais on exagère souvent. J’ai quelque chose contre les deux parents qui travaillent à 100%, déposent l’enfant le matin et le soir, vont le reprendre. On ne doit pas non plus s’étonner ensuite, si l’enfant ne reçoit pour ainsi dire pas de valeurs de la maison. Pour moi, la famille exerce toujours la fonction centrale dans la société.

Dans la situation actuelle de cette éducation sexuelle planifiée, l’Etat pénètre en fin de compte dans une tâche familiale, dans la sphère privée. Comment voyez-vous cela?

Je n’ai rien contre le fait que l’Etat se livre tout le temps des réflexions. Il a même le devoir de se demander si nous suivons fondamentalement la bonne voie ou non, si et où il faut des adaptations ou non. Mais, dans ce domaine délicat, cela doit se dérouler démocratiquement. C’est aussi la raison pour laquelle je m’engage dans ce domaine. Il ne faut pas que ça se passe en marge des droits démocratiques ordinaires. Cela signifie que le gouvernement cantonal doit traiter le sujet, que celui-ci doit être traité par le Grand conseil. La formation fait toujours partie de la souveraineté cantonale. Et un processus démocratique peut en découler, par lequel à la fin la population doit décider. Je n’ai rien contre, si quelqu’un pense par anticipation. Mais ce qu’il pense, doit être testé par la démocratie. Il ne faut pas qu’on puisse passer ça en contrebande de la démocratie, et qu’à la fin, il existe un programme d’école que nous, les parents, ne voulons pas avoir.
Je suis fondamentalement de l’avis que l’éducation sexuelle appartient à la famille et non pas à l’école. Mais qu’est-ce qui arrive dans des familles où cela n’est plus le cas? Je crois que dans ces cas, l’école doit avoir la grandeur et l’habileté de combler les lacunes, non pas pour s’emparer de la direction, mais pour compenser des défauts. C’est plus difficile que de dire: nous reprenons la direction et nous sommes également là pour faire de l’éducation sexuelle.

Le concept de l’éducation sexuelle ne s’adapte pas du tout aux parents qui ne sont pas en mesure de donner une orientation à leurs enfants. Ici, on essaye de retirer les leviers de commande aux parents. Nous ne pouvons pas accepter cela.

Non, c’est clair, l’éducation sexuelle doit rester de manière fondamentale en mains du père et de la mère. Mais, nous devons aussi penser à ceux qui ne sont pas capables de le faire. C’est pourquoi il y a cette tâche délicate que nous devons résoudre, pour que l’école, en substitution, puisse se demander, comment elle peut agir, sans s’immiscer là où le système familial fonctionne encore. Et ça, c’est une tâche très difficile.
Je suis d’avis qu’on continue d’élever la majorité de façon saine, ce n’est qu’une minorité qui a besoin de soutien.

Mais il ne faut pas que ce soutien ressemble à ce qui est actuellement prévu pour l’éducation sexuelle.

Non, en aucun cas. Nous devons, comme j’ai déjà dit ci-dessus, nous mettre d’accord sur nos valeurs de base chrétiennes et nous mettre d’accord que c’est la situation initiale. Alors la famille sera de nouveau placée au centre. Ainsi, le sens et le but de l’être humain seront de nouveau au centre. Et la sexualité sera ensuite au centre de cette politique familiale et elle contribuera à la sauvegarde de la famille.

Merci beaucoup pour cette interview.    •