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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°44, 3 novembre 2008  >  L’agressivité n’aidera pas à résoudre les problèmes sociaux [Imprimer]

L’agressivité n’aidera pas à résoudre les problèmes sociaux

Ce qu’il faut penser des attaques du ministre des Finances allemand contre la Suisse

par Karl Müller

En tant qu’Allemand, on peut au moins être partiellement satisfait des réactions de nos compatriotes aux menaces massives de notre ministre des Finances contre la Suisse. Peer Steinbrück (SPD) veut, en réclamant justice à cor et à cri, faire inscrire la Suisse sur la «liste noire» des pays de l’OCDE permettant l’évasion fiscale.
Sur son site Internet, le quotidien allemand «Die Welt» voulait savoir si la Suisse devait être condamnée en tant que «paradis fiscal». Au soir du 23 octobre, on n’y a trouvé cependant que des réponses critiques. Personne ne soutenait cette suggestion.
Dans les réactions des Allemands, on pouvait notamment lire que le Suisse n’aime pas du tout qu’on lui parle sur un ton agressif: «Dans un tel cas, il ferme la porte attend que ça passe et qu’on l’aborde avec respect.» Et la même lectrice d’ajouter: «Personnellement, je ne peux pas prendre au sérieux un personnage autoritaire qui n’a pas fait ses preuves. J’ai vraiment peur quand je vois qui nous gouverne. Au lieu de tant critiquer les paradis fiscaux, Monsieur Steinbrück serait bien avisé de réorganiser de manière compétente le chaos fiscal qui règne en Allemagne. Comme le dit un proverbe chinois: «Si chacun balayait devant sa porte, le monde serait propre.»
Un autre lecteur écrit: «Je trouve tout à fait inadmissible et honteux que des pays comme la Suisse soient qualifiés de paradis fiscaux. La Suisse respecte la protection des données et les droits de ses citoyens. Le fait qu’ici, en Allemagne, ces droits n’aient plus cours en dit long. Pourquoi notre gouvernement fait-il si peu de choses contre la fraude fiscale dans notre pays? Non, on préfère montrer du doigt d’autres pays. Incapables de résoudre nos propres problèmes nous faisons porter le chapeau à d’autres.» Un autre lecteur écrit: «Les déclarations comme celles de Monsieur Steinbrück ne prouvent pas l’existence d’Etats voyous en matière de politique fiscale. Elles révèlent plutôt l’effroyable incompétence et la prétention des politiciens allemands.» Finalement, un quatrième lecteur écrit ceci: «En Suisse, les citoyens peuvent décider librement par les urnes de leur système fiscal et ils sont suffisamment responsables pour le faire. Les retraites y sont garanties et on s’efforce de gérer les finances en tenant compte de la population qui peut à tout moment faire basculer par référendum des projets de lois insensés. Je souhaiterais tellement que cette liberté civique arrive en Allemagne. Une tempête secouerait le pays.»
Il n’y a rien à ajouter à cela.
Sinon qu’il est particulièrement grotesque qu’un ministre des Finances se livre à de telles attaques contre un pays voisin au moment même où l’injustice qui règne chez nous est attestée: «Les différences de revenus et la proportion de pauvres dans la population a, ces dernières années, augmenté nettement plus vite que dans la plupart des autres pays de l’OCDE». C’est ce qu’on peut lire dans un communiqué de presse du centre berlinois de l’Organisation de coopération et de développement économiques daté du 21 octobre. Il résume les résultats d’une étude internationale de l’OCDE. On peut y lire également qu’en Allemagne, la proportion des per­sonnes qui vivent dans une relative pauvreté se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE tandis qu’au début des années 90, celle-ci se situait environ à un quart au-dessous de cette moyenne.
En Allemagne, entre 2000 et 2005, l’inégalité des revenus et la pauvreté ont «augmenté plus vite que dans tous les autres pays de l’OCDE».
L’accroissement des différences de revenus est dû d’une part «à l’augmentation disproportionnée des revenus élevés depuis le tournant du millénaire». Les revenus élevés ont connu une ascension plus rapide que les faibles revenus. D’autre part, la proportion des ménages au chômage dans la population est passée de 15,2% en 1995 à 19,4% en 2005. Une personne sur cinq vit donc en Allemagne d’allocations de chômage ou d’autres aides de l’Etat.
L’OCDE écrit également qu’en Allemagne, la pauvreté des enfants a augmenté «cinq fois plus vite que la moyenne de l’OCDE».
A propos des mesures étatiques, on lit que «le système de redistribution allemand ne vise guère à éviter la pauvreté». Cela veut dire que l’argent des impôts affecté année après année au budget social n’est pas dépensé de manière particulièrement efficace.
En revanche, des centaines de milliards sont plus rapidement et «plus efficacement» mis à la disposition du monde de la finance. Mais «plus efficacement» pour qui? Friedhelm Hengsbach, éthicien social catholique de renom, a confirmé le 22 octobre dans un article paru dans la «Frankfurter Rundschau» que les citoyens ne bénéficieront pas de ces milliards. Le gouvernement allemand «a cédé au chantage des élites financières allemandes. Le plan de sauvetage de 500 milliards d’euros a été concocté avec les directeurs des mégabanques privées. […] L’incendiaire conduit le camion des pompiers. […] Je souhaiterais un autre modèle de gestion des crises. Car avant que la Chancelière n’en vienne à fixer le cadre réglementaire, la Bourse se réjouit vivement: Le capitalisme financier est mort. Vive le capitalisme financier!»
Quand on fait le rapprochement entre les nouvelles attaques contre la Suisse et le désastre social dans notre pays, la question suivante s’impose: L’agressivité allemande contre l’étranger augmente-t-elle parallèlement à l’aggravation de la situation sociale à l’intérieur du pays?
Malheureusement, les historiens ne connaissent que ce genre de phénomène qui a marqué les chapitres sombres de l’histoire allemande et les fantasmes insensés liés à cette politique. Cela finit toujours par un effondrement total.
Malheureusement, l’agressivité allemande contre l’étranger réapparaît aujourd’hui et se fait de plus en plus effrontée. Pas seulement contre des pays comme l’Afghanistan où l’on mène une guerre effroyablement hypocrite en avançant l’argument de la «gestion du terrorisme» [cf. Christoph R. Hörstel, Brandherd Pakistan. Wie der Terrorkrieg nach Deutschland kommt, 2008, ISBN 978-3-89706-841-4], mais aussi contre un voisin et cela en dépit de la volonté de la population!
Donnons pour terminer la parole à un Suisse qui s’est exprimé également sur le site de «Die Welt»: «Steinbrück est en tout cas pour moi le symbole de l’Allemand arrogant, tyrannique et persuadé de sa grande intelligence. Heureusement qu’il y a chez nous de plus en plus d’Allemands qui nous prouvent que Steinbrück n’est pas un ‹Allemand moyen›. Du moins je l’espère.»    •

La Croix-Rouge allemande: Des enfants souffrent de la faim en Allemagne

De plus en plus souvent, des enfants en Allemagne doivent rester huit heures ou plus sans nourriture, car leurs parents n’arrivent ni à préparer un petit déjeuner ni à trouver l’argent pour les repas dans les écoles pendant toute la journée. La conséquence: Ces enfants ont des difficultés à se concentrer à l’école et souvent ils sont soit nourris insuffisamment soit obèses par le «fast food» et les sucreries. La Croix Rouge allemande attire notre attention à ce fait lors du jour de l’alimentation mondiale.
«On a de la peine à imaginer qu’en Allemagne, nous avons le problème d’enfants qui ont faim. Mais nous recevons de plus en plus de tels messages des garderies de la Croix-Rouge ou des initia­tives dispensant le repas de midi gratuit», dit Clemens Graf von Waldburg-Zeil, secrétaire général de la Croix-Rouge allemande. «Dans ce pays de la surabondance beaucoup d’enfants sont mal ou insuffisamment nourris.»
14% de tous les enfants viennent de milieux pauvres. Presque six millions d’enfants et d’adolescents vivent avec des parents ayant un revenu annuel net de moins de 15 300 euros. Environ deux millions d’enfants grandissent dans des foyers surendettés.
«Il y a naturellement des parents ayant un revenu minime qui renoncent eux-mêmes aux repas plutôt que de d’en priver les enfants. Ça ne va pas», dit Graf Waldburg. Mais si les parents sont dépassés par cette situation, les enfants ont faim ou alors s’en tirent à l’aide de «fast food» ou de sucreries. La conséquence en est une mauvaise alimentation ou l’obésité par excès de sucre, de sel et de graisses.
S’y ajoute que les enfants et adolescents vivant dans des familles pauvres grandissent souvent dans des quartiers difficiles et qu’ils ont peu d’accès à des activités favorisant le mouvement et le développement.
La Croix-Rouge allemande exige de poursuivre la création d’écoles à journée continue et de multiplier les offres de surveillance gratuites pendant toute la journée – repas de midi gratuit inclus. «Il est inacceptable que des enfants doivent renoncer au repas de midi à cause des frais», dit Graf Waldburg.
La Croix-Rouge allemande entretient environ 1200 centres d’accueil de jour pour les enfants avec environ 90 000 places, et 100 institutions pour l’encadrement des jeunes.

Pour de plus amples informations:
Familienhilfen im Deutschen Roten Kreuz,
Projekt «Kindermittagstisch für
kleine Marzahner», Berlin;
Projekt «Tischlein deck dich»; Boizenburg

Source: Communiqué de presse
de la Croix-Rouge allemande du 20/10/08