Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°18|19, 7 mai 2012  >  Des peuples européens prennent eux-mêmes leur destin financier en main … [Imprimer]

Des peuples européens prennent eux-mêmes leur destin financier en main …

par Rachel Donadio, Giugliano (Italie)

Pendant que les souverains financiers de l’Europe débattent de la sagesse de stimuler la croissance en faisant imprimer plus d’argent à la Banque centrale européenne, quelques groupes de personnes doués pour les affaires de la région à demi abandonnée au nord-ouest de Naples prennent les choses en main et inondent l’Europe avec des euros contrefaits.
Tandis que la région de la Campanie de l’Italie du Sud est connue pour son ciel ensoleillé, ses produits frais et sa criminalité organisée, les faussaires se sont faits connaître dans et autour de cette ville dans les milieux de la police judicaire suite au fait d’avoir imprimé plus de la moitié des billets de banque en euros, que la Banque centrale a retiré de la circulation au cours des dernières années. Bien que les autorités aient aussi trouvé des planches à billets illicites en France, en Espagne, en Europe de l’Est et en Amérique du Sud, et qu’elles disent que les Lituaniens dominent plusieurs réseaux de faux-monnayeurs, l’Italie semble avoir un flair particulièrement artistique pour l’art d’imprimerie. Et on peut trouver les spécialistes les plus expérimentés près de Giugliano, où des HLM confinent à des vergers et à des garages de voitures et où de jeunes prostituées africaines sont postées au milieu de l’agitation dans des rues négligées. «En Italie, il y a une grande et ancienne tradition: on y fait de la fausse monnaie d’excellente qualité», déclare le colonel Alessandro Gentili, directeur des Carabinieri de la brigade luttant contre la fausse monnaie de Rome. «Giugliano en est toujours encore la capitale. Elle a les meilleurs spécialistes.»
Il y en a un assez grand nombre, comme les faits des derniers temps mettent en évidence. Quand la police a découvert plusieurs opérations de contrefaçon tout autour de Giugliano et dans la région de la Calabre, située plus au sud, elle a arrêté 109 personnes en janvier 2009, en a annoncé 165 autres aux juges locaux et a saisi du matériel illicite dans 162 cas.
Malgré cette opération, de loin la plus importante depuis longtemps, les contrefaçons continuent, selon le colonel Gentili, car c’est une tradition qui se reporte souvent de père en fils. Ce mois, la police a arrêté deux hommes dans la région des Pouilles suite à la découverte de contrefaçons, et elle a dit que des groupes de criminels organisés de la ville de Foggia s’étaient réunis avec ceux de la région de la Campanie pour produire ensemble une grande quantité d’euros contrefaits.
Tandis que la Campanie est dominée par la Camorra – ce réseau violent tristement célèbre de la criminalité organisée – les contrefaçons sont, selon les autorités, un domaine professionnelle périphérique pour les criminels qui préfèrent se concentrer sur des activités plus lucratives, tels l’élimination de déchets toxiques, le trafic de drogue et les ateliers de couture illégaux.
Raffaele Cantone, juge à la cour de justice constitutionnelle, qui a effectué des recherches étendues au sujet de la Camorra, a déclaré: «La criminalité organisée reçoit certainement sa part de cette activité, et elle peut intervenir pour régler l’usage sur le marché parce qu’elle a des intérêts économiques dans ce domaine.»
Pour l’œil inexpérimenté, les euros contrefaits qui sont confectionnés par de tels groupes dans cette région – les autorités les appellent le «groupe de Naples» – sont assez convaincants. Mais, ils diffèrent légèrement – ils sont imprimés sur du papier sans filigranes et l’hologramme d’argent reflète la lumière différemment que les billets d’euros véritables.
Ces derniers temps, les autorités ont trouvé des euros contrefaits en Bulgarie, en Colombie, en Russie, en Turquie, en Iran et en Irak, tous des pays avec une importante économie d’argent liquide, dans lesquels il est souvent plus simple de dépenser des euros contrefaits parce que les employés de banques et des entreprises ne sont pas si familiers avec les véritables billets d’euros. Le colonel Gentili a expliqué que des immigrants d’Afrique et d’Amérique latine achètent parfois sciemment des euros contrefaits en Europe pour essayer de les utiliser pour l’acquisition de propriété dans leurs pays.
L’euro est devenu une monnaie de choix pour les trafiquants de drogue et les euros contrefaits sont devenus une partie importante de leurs activités. Le billet de 500 euros est particulièrement apprécié avec sa valeur d’environ 750 dollar, ce qui est la valeur la plus élevée du monde pour un unique billet de banque.    •

Source: © International Herald Tribune du 26/4/12