CRISPR Cas 9 – «Nous sommes loin de comprendre le ‹concert des gènes› de l’être humain»Il faut un moratoire pour la protection du génome humainpar les docteurs Ursula et Walter Knirsch, ZurichCRISPR Cas 9, cet acronyme signifie «Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats» et en français «courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées». Un palindrome est une séquence de mots qui donnent à la lecture en avant et en arrière la même phrase. Cas 9 signifie CRISPR associée à la séquence 9. Arrière-planCRISPR Cas 9 a été trouvé il y a plusieurs années par des chercheurs dans des bactéries et identifié comme étant un type de défense immunitaire contre les virus. Après avoir compris la fonction de ce système de défense, il était clair qu’avec cela, on aurait à disposition un instrument pour le génie génétique si on l’appliquait sur d’autres types de cellules. Depuis lors, CRISPR Cas 9 est de plus en plus utilisé dans le monde entier. Pour CRISPR Cas 9 , on utilise également des notions comme découpeuse d’ADN, chirurgie du génome, édition de génome ou «Precision Medicine». Fonctionnement de CRISPR Cas 9Nos informations génétiques se trouvent en tant que gènes dans les chromosomes sous forme d’acide désoxyribonucléique (ADN) dans le noyau de chaque cellule du corps. La totalité des gènes définissant notre identité est appelé génome. C’est là qu’on peut, en utilisant CRISPR Cas 9 , faire une reprogrammation génétique. Cela peut être comparé à un système de traitement de texte sur ordinateur, où l’on peut, à l’aide de la commande «copier-coller», chercher et remplacer certains éléments de texte. CRISPR Cas 9 permet ainsi la recherche et le remplacement de certaines séquences génétiques de l’ADN. CRISPR Cas 9 est composé de trois sous-unités: (1) un ARN ciblé correspondant à la séquence spécifique de l’ADN à modifier, (2) une séquence d’ARN, reliée à une découpeuse moléculaire de matériel génétique, (3) l’enzyme de découpageCas 9 . CRISPR Cas 9 cherche et trouve ainsi sur l’ADN la séquence de gène spécifique, la découpe ou peut, à choix, aussi la remplacer par une autre séquence de gène. Plus qu’une nouvelle méthodeCette méthode biochimique et génétique, développée récemment, représente un outil prétendument efficace permettant d’éloigner, de modifier ou de compléter des séquences de gènes spécifiques. A l’aide de CRISPR Cas 9 , on peut durablement intervenir dans les gènes et donc dans le génome de cellules végétales, animales, humaines (somatiques) et embryonnaires (lignée germinale). Cette technologie est «attractive», car elle est facilement réalisable, rapide et peu coûteuse. Liens entre la votation sur la LPMA et CRISPR Cas 9CRISPR Cas?9 obtient une actualité particulière en vue de la votation populaire du 5 juin 2016 concernant la Loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA). Les cellules de la lignée germinale sont d’une importance particulière dans le contexte du Diagnostic préimplantatoire (DPI). Chez l’être humain, elles comprennent les spermes, les ovules et les embryons. Elles sont spécialement protégées par la Constitution fédérale et ne sont pas directement concernées par le vote du 5 juin. Par l’adoption de la nouvelle LPMA, il serait cependant possible de créer un grand nombre d’embryons surnuméraires. Ces embryons trouveraient soudainement un grand intérêt auprès de nombreux groupes qui seraient, à long terme, également intéressés à la technologie CRISPR Cas 9 . En Angleterre, il est déjà permis d’utiliser CRISPR Cas 9 sur des embryons humains. On peut donc craindre – en prenant en compte l’histoire des modifications législatives dans ce domaine au cours des dernières 15 années – que la Suisse soit à l’avenir mise sous pression pour légiférer sur CRISPR Cas?9, actuellement utilisée de manière incontrôlée sur diverses sortes de cellules et de séquences de gènes dans le monde entier. Utilisation de CRISPR Cas 9 dans les cellules somatiques ou dans les cellules de lignée germinaleLes tentatives de traitement à l’aide de CRISPR Cas 9 dans la thérapie de maladies génétiques chez un enfant ou un adulte (jusqu’à ce jour impossible, même avec CRISPR Cas 9 !) sont un «risque individuel» lors d’une intervention ciblée dans les cellules somatiques. De telles modifications ne pourraient se transmettre sur une éventuelle progéniture. Il est néanmoins important d’examiner auparavant soigneusement l’efficacité, les risques et les effets secondaires d’un tel essai thérapeutique. Il faut un moratoire clairActuellement, on ne parle que très peu des incertitudes et des risques sérieux résultant de cette nouvelle technologie CRISPR Cas 9 et les conséquences sociales et éthiques ne sont que rarement soulevées au niveau international. Cependant, il existe déjà des efforts de lancer un moratoire, soutenu par des scientifiques ayant participé au développement de cette technologie. En Allemagne, l’Académie nationale des sciences Leopoldina a récemment mis en garde: «Nous sommes loin de comprendre le ‹concert des gènes› de l’être humain». Génie génétique prétendument «identique à la nature» – conséquences pour l’agricultureDe grande importance est le fait que les modifications génétiques par CRISPR Cas 9 ne peuvent plus être détectées par la suite, rendant ainsi tout contrôle impossible. Ceci est spécialement important pour des produits alimentaires génétiquement modifiés par CRISPR Cas 9 et désigné par la suite de manière euphémique d’«identique à la nature». D’autres applications non critiques de CRISPR Cas?9 dans le monde animalChez les moustiques transmettant le paludisme, on cultive à l’aide de CRISPR Cas 9 une résistance contre le paludisme d’origine génétique. Cette modification est si efficace qu’elle se transmet à la descendance du moustique traité. Cette «réaction en chaîne mutagène» a pour effet qu’une modification génétique se répandrait dans un écosystème par chaque cycle de réplication. Chez les moustiques, il faut s’attendre qu’après une seule saison toute la population pourrait être porteuse de la nouvelle caractéristique. Jusqu’à présent, aucun essai en plein air n’a eu lieu, mais il y a des chercheurs qui insistent. Ce qui n’est cependant pas clarifié, ce sont les conséquences que ces moustiques auraient dans l’écosystème. ConclusionAprès la découverte du modèle de la double hélice de l’ADN (1953), du développement de la dite réaction en chaîne par polymérase pour le séquençage du génome humain (1983), CRISPR Cas 9 semble être – en lien avec la première expérience (2013) faite par des scientifiques chinois de modifier l’ADN humain – un troisième «jalon» dans une technologie dangereuse, car utilisée de manière trop peu réfléchie et avec un manque de sens critique. |