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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°16, 27 avril 2009  >  L’Allemagne a besoin de plus de justice et de démocratie … [Imprimer]

L’Allemagne a besoin de plus de justice et de démocratie …

… et non pas de fonctionnaires de gauche au service du grand capital

par Karl Müller

On se creuse la tête de par le monde comment mettre un frein à la crise mondiale des marchés financiers, qui se répercute sur le monde industriel, menaçant de déclin l’ensemble du marché mondial, les pays pauvres étant les plus touchés. Il s’agit surtout d’imaginer un monde plus juste, plus pacifique et plus démocratique après l’échec catastrophique du modèle de capitalisme anglo-américain et de la volonté de domination de l’Occident.
Ainsi, le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Miguel d’Escoto Brockmann, a invité à New York les chefs de gouvernements et d’Etats des 192 Etats-membres à une ­conférence du 1er au 3 juin prochain, ­consacrée à la crise financière mondiale. On annonce également que le vœu a été émis de mettre en discussion, lors de cette conférence, la suppression de la qualité de monnaie phare du dollar américain.
Alors même que dans le monde entier s’exprime le vœu de réflexion sérieuse et que les populations souhaitent une solution juste, pacifique et démocratique, certains Allemands et leurs médias ne trouvent rien de mieux à faire que d’exacerber la campagne de dénigrement menée contre la Suisse.

Les politiciens socialistes et les soixante-huitards

On ne trouve pas que des politiciens socialistes, tels que Steinbrück, Münterfering ou Steinmeier, mais aussi les militants soixante-huitards tels Daniel Cohn-Bendit ou Joseph Fischer qui se trouvaient il y a déjà quarante ans du côté des provocateurs, des violents et va-t-en guerre lesquels avaient en 1999 embarqué l’Allemagne dans la première guerre après 1945, celle de Yougoslavie, au mépris du droit des peuples. Des gens dont on sait leurs étroites relations aux deux grands meneurs de guerre du monde actuel, ainsi qu’aux profiteurs de ces conflits.
Quelle mouche a donc piqué Fischer de déclarer le 11 janvier, peu avant l’entrée en fonction d’Obama, que l’Union européenne devait se montrer beaucoup plus coopérative avec les Etats-Unis, et agir en tant qu’acteur international en puissance dominante et, de ce fait, s’engager beaucoup plus dans la guerre d’Afghanistan? Et Cohn-Bendit, de son côté, lorsque dans une interview accordée à Spiegel Online, le 29 mars, il plaide «pour que non seulement on élimine les paradis fiscaux, mais qu’on en finisse avec le secret bancaire».
Et en quel honneur un Jean Ziegler se met-il à déclencher une polémique envers son propre pays en déclarant dans un même souffle que l’Allemagne «est une démocratie authentique et vivante», alors même qu’il est suffisamment au clair à ce propos?

Rien d’autre que «tout détruire»

Les moyens employés dans la campagne ­contre la Suisse sont bien connus – il s’agit de la mentalité de «tout détruire» des militants de soixante-huit: on se présente agressif et autoritaire, on manie le ricanement, le cynisme, la polémique, l’arrogance et tout l’arsenal postmoderne de l’antihumanisme et de la déformation linguistique au moyen d’une programmation neuro-linguistique. Mais on cherche en vain des arguments!
Le philosophe Jürgen Habermas, dans un de ses moments d’illumination, avait utilisé pour ce genre de confrontation politique atavique l’expression «fascisme de gauche»: toutefois il ne s’agit plus aujourd’hui de terreur physique contre des hérétiques, mais de l’utilisation de propagande très émotionnelle par les agences de relations publiques, comme l’ont prouvé Jörg Becker et Mira Beham dans leur livre «Operation Balkan: Werbung für Krieg und Tod» (ISBN 3-8329-1900-7) y dénonçant l’intoxication menée à la veille de la guerre de Yougoslavie.

Ce n’est pas pour la justice, la paix et la démocratie …

Il est bien clair que ces cercles ne se préoccupent pas de justice, ni de paix, ni de démocratie, mais bien ouvertement des intérêts du capital financier anglo-américain, du «Money-trust anglo-américain (voir F. William Engdahl: «Der Untergang des Dollar-Imperiums. Die verborgene Geschichte des Geldes und die geheime Macht des Money Trusts», 2009, ISBN 978-3-938516-89-8)

… mais bien pour le «Money Trust»

Ce nouveau livre de William Engdahl rappelle que ce Money Trust instrumentalisait, il y a déjà plus de 90 ans – alors qu’il s’agissait d’entraîner dans la Première Guerre mondiale une population américaine peu encline à se lancer dans cette aventure –, au moyen du Committee on Public Information (CPI) et d’une rhétorique de gauche, afin d’engager la gauche américaine, se trouvant essentiellement dans le parti démocrate du président Wilson. Il s’agissait, selon Engdahl, d’en appeler aux «sentiments élémentaires»: «La propagande du CPI s’adressait délibérément au «cœur» et non pas à la «raison». Cette agitation affective était une technique privilégiée des stratèges du CPI qui savaient parfaitement que n’importe quelle émotion pouvait être instrumentalisée grâce à une habile manipulation.»

Nous en sommes au déclin du système du dollar

Cela est connu dans le monde entier (le dernier chapitre du livre de Engdahl porte d’ailleurs comme titre: «La fin du système du dollar»). Le capital financier anglo-américain a jeté le bouchon trop loin et cherche maintenant, avec l’énergie du désespoir, une voie lui permettant de maintenir sa domination.
L’une de ces voies consiste à tenter d’éliminer les autres monnaies de valeur mondiale, entre autre le franc suisse. En effet, la menace pour le dollar est d’autant plus forte que se présentent des monnaies en alternative au dollar. Cela d’autant plus que le Federal Reserve System s’engage dans l’inflation, donc dans une dévaluation de la monnaie, ce que ne veulent pas accepter les possesseurs de dollars dans le monde.

Ils veulent une fois de plus marquer le monde de leur empreinte

Les gouvernements à Londres et à Washington ont serré les coudes, après la visite de courtoisie du premier ministre anglais Gordon Brown au nouveau président américain, et décidé de marquer le monde une fois de plus de leur empreinte. Est-ce pour cela que Brown fut applaudi à tout rompre au Congrès américain, alors que rien d’autre ne le laisse supposer?
Quoiqu’il en soit: Le G-20, mené par la ligne franco-anglo-germano-américaine, à Londres, au début d’avril, a suivi – peut-être pour la dernière fois – les directives anglo-américaines et, du haut de son arrogance, décidé de diriger, sans aucune légitimation populaire, les destinées financières et économiques du monde au profit du capital financier anglo-américain. Ceci entre autre
•    par la mise en place d’une commission de contrôle centralisée auprès du FMI, le «Financial Stability Board» qui est encore à créer,
•    par la fixation d’une économie mondiale orientée vers le grand capital (cf. chapitre «Resisting protectionism and promoting global trade and investment» dans le document final du sommet),
•    au moyen d’agressions massives envers la souveraineté des Etats qui auraient d’autres vues pour la résorption de la crise (cf. chapitre «Tax havens and non-cooperative jurisdictions» dans le document final consacré au «renforcement du système financier»).
La revue américaine Foreign Affairs, reflétant les vues du puissant Council of Foreign Relations avait publié, en mai/juin 2007 déjà, un article au titre évocateur de «La fin des monnaies nationales», qui permet de comprendre ce qui se passe actuellement avec la Suisse.

Au chevet de l’effondrement de l’empire du dollar

Toutes ces tentatives violentes et acharnées ne pourront empêcher que le titre du livre de Engdahl «L’effondrement de l’empire du dollar» ne devienne réalité. Les efforts du gouvernement américain pour tenter de maintenir cet empire restent vains, comme l’indique Engdahl. Ce dernier termine son livre avec le paragraphe suivant: «Pour la première fois depuis 1945, le reste du monde a la chance de suivre une voie de stabilité nationale et régionale, laquelle n’est plus vraiment dominée par le dollar. Toutefois, il n’est pas certain que cette liberté sera saisie. Il s’agit surtout d’une décision politique et non pas économique. Le reste du monde se trouve à la croisée des chemins. C’est à lui à savoir s’il veut saisir cette nouvelle donnée comme une chance, ou bien s’enfoncer avec le système du dollar.

Où va la gauche allemande?

Où se positionnent les sociaux-démocrates allemands, où se trouve la gauche allemande? Veut-elle se laisser embarquer par une clique de vieux soixante-huitards corrompus et avides de pouvoir, comme nous l’avons montré ci-dessus, dans une folle aventure destructrice dans l’intérêt unique de quelques rares profiteurs anglo-américains?
Les résultats en sont, aujourd’hui déjà, catastrophiques. Ceci dans tous les domaines: de la vie de famille jusque dans les guerres qui n’en finissent pas; de la pauvreté répandue dans le monde entier, y compris les souffrances de la faim, jusqu’à la destruction de la démocratie. Est-ce cela les objectifs visés par une gauche honnête?
Pour qui observe objectivement la politique gouvernementale de la social-démocratie et des Verts allemands depuis 1998, sait de quoi il retourne. Y compris ceux qui savent les agissements des militants soixante-huitards.
Dans les années 1914, 1915, 1916, 1917 et 1918, la social-démocratie allemande a voté pour les crédits d’une guerre épouvantable et soutenu un système politique autoritaire, au lieu de rester fidèle à son programme de paix, de justice sociale et de démocratie. Ce qui explique les cauchemars de nombreux militants social-démocrates, ne faisant bien sûr pas partie de l’élite, laquelle se retrouve de nouveau dans cette tradition ignoble.
Il serait pourtant si simple de tout changer et de concentrer toute son énergie sur ce qui concerne profondément les gens: c’est-à-dire moins de pauvreté en Allemagne et dans le monde, plus de solidarité; pour une démocratie directe, reposant sur le dialogue des citoyens et citoyennes; pour le droit dans les relations entre les Etats et les peuples, pour la paix dans le monde.

S’engager pour des valeurs humaines importantes …

S’engager par exemple pour l’égalité, pour un renforcement de la communauté, plus d’humanité dans la vie commune. On y pense dans tous les camps politiques. Ulrich Maurer, du parti «Die Linke» a écrit un livre intitulé «Eiszeit. Staatsstreich des Kapitals oder Renaissance der Linken»1 qui vaut autant la peine d’être lu que celui de Norbert Blüm du parti conservateur CDU avec comme titre «Gerechtigkeit. Eine Kritik des Homo oeconomicus»2.
Il est donc possible de mener un dialogue constructif dans le domaine des questions fondamentales de la vie commune et de trouver un consensus honnête.

… ou poursuivre cette campagne de dénigrement primitive?

Au lieu de cela, nous assistons actuellement de la part des responsables de la gauche à une campagne de dénigrement primitive contre un de nos voisins. Nous nous retrouvons à la case départ, en ce qui concerne l’attitude politique absolutiste: déni de droit, priorités pour quelques-uns et des citoyens et citoyennes privés de leurs droits. Nous le vivons chez nous, mais aussi ailleurs. Nous, Allemands, ne pouvons accepter cela.    •

1    Maurer, Ulrich. Eiszeit. Staatsstreich des Kapitals oder Renaissance der Linken. ISBN: 978-3-570-50070-5
2    Blüm, Norbert. Gerechtigkeit. Eine Kritik des Homo oeconomicus. ISBN: 978-3-451-05789-2