«Pourquoi l’Union européenne doit renoncer à vouloir se hisser au rang de puissance mondiale et suivre l’exemple suisse»Une contribution au débat de Peter Gauweilerkm. Sous le titre «Quelle Europe voulons-nous?», la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» publie depuis le 7 juillet, dans son feuilleton, des textes assez complets de personnalités allemandes, venant de la politique, du droit, de la philosophie et d’autres domaines. Par ces contributions, on tente de comprendre la situation actuelle de l’Union européenne et de soumettre des propositions dans le but d’offrir des perspectives aux difficultés apparues. Le Reich allemand de Bismarck et l’Union européenne actuelleLe titre est repris d’une expression d’Otto de Wittelsbach. Ce dernier était le frère du roi bavarois Louis II et représentant de la Bavière lors de la proclamation de l’Empéreur allemand dans la galerie des Glaces à Versailles le 18 janvier 1871. Otto ne s’était pas senti à l’aise à Versailles et Peter Gauweiler se réfère à ce malaise ressenti par la Bavière envers la création du Reich par les Prussiens. Il compare le développement et l’état de la politique actuelle de l’UE avec celle d’Otto von Bismarck, alors le Premier ministre de la Prusse et premier chancelier du Reich, qui voulut fonder un empire allemand sous la férule de la Prusse, puis, à l’aide de celui-ci, dominer l’Europe et se placer comme puissance mondiale. «Quand de nouveaux empires se développent, il en va toujours de la guerre et de la paix»Quel prix devra-t-on encore payer? Gauweiler déclare: «Quand de nouveaux empires se développent, il en va toujours de la guerre et de la paix.» Bismarck avait déclenché trois guerres pour assurer la domination de la Pusse en Allemagne et en Europe. Dans les monuments à la gloire de Bismarck, Gauweiler voit l’avertissement pour la Première et la Seconde Guerre mondiale. Il cite encore le député régional bavarois Krätzer lors du débat concernant l’entrée de la Bavière dans le nouvel Empire allemand. Ce dernier était opposé à la participation de la Bavière à l’Empire, voyant poindre la formation d’un empire dans lequel «toute vie parlementaire, toute liberté seraient annulées» et Krätzer de se demander «où va-t-on avec la formation d’un tel Etat? A la base, il y a la volonté de dominer l’Europe et la mobilisation de toutes les énergies mènera prochainement aussi à la guerre.» Sur quelle voie l’Union européenne s’engage-t-elle? On n’écoute pas le peupleA l’époque, le nouvel Empire allemand n’était pas non plus à l’écoute du peuple. On parlait le «bon allemand», prétendait être instruit et se moquait de personnages comme le roi de Bavière, Louis II. Parce que ce dernier ne cherchait pas à accroître son pouvoir au prix du malheur de ses sujets. Un médecin eut même le front de diagnostiquer une paranoïa. Selon Gauweiler: «Ne pas vouloir dominer un autre pays est, selon lui et ses confrères, un signe de démence.» L’alternative selon De Gaulle: «Renoncer à vouloir dominer les autres»Malgré tout, des hommes politiques de renom, dans l’après-guerre, tel le président français Charles de Gaulle, qui va servir de référence à Gauweiler par la suite, ont suivi les traces du roi Louis et non pas celles de l’ancien empire. Les citations de de Gaulle, reprises par Gauweiler, sont remarquables. Il s’exprima sur «le caractère insensé de ces combats» dans le but de dominer d’autres Etats et d’autres peuples. Il prônait de «renoncer à vouloir dominer les autres» et mettait en garde contre «la volonté de faire de l’Europe une patrie artificielle», mais aussi contre «le caractère ambigu de l’institution européenne», notamment de ses organes. Il caractérisait la tentative de fusion des économies et des politiques en Europe comme une «illusion de l’école supranationale». Son objectif pour l’Europe était d’obtenir «une concertation mutuelle face aux événements internationaux», c’était une «Europe des patries». La voie de l’UE: «Saper la liberté et la démocratie»Puis Gauweiler revient à l’UE actuelle: «Les élites de l’Union européenne se prennent aujourd’hui pour des dirigeants à portée mondiale. […] Cela aussi rappelle l’arrogance des élites de 1871. Comme le ‹statut de puissance mondiale› de celles d’aujourd’hui repose pour une bonne part sur l’euro, ils sont considérés comme un élément de souci pour l’économie mondiale. […] Il n’est pas encore possible de tirer un bilan du mal causé aux économies des pays soumis par ce monde d’experts. On comprend de mieux en mieux qu’il ne s’agit pas uniquement de monnaie, […] mais bien de la volonté de saper la liberté et la démocratie.» «S’abstenir de toute politique hégémonique est une chance prometteuse»Que faire? Gauweiler s’en reporte à nouveau à Sebastian Haffner qui avait fait comprendre aux Allemands «que de s’abstenir de toute politique hégémonique est une chance prometteuse». Pourquoi ne pas renoncer à cette concurrence désastreuse des Etats? Haffner avait écrit: «Cette Europe enviable qui ne souffre pas de la faim et n’a pas besoin de porter son rêve dans les étoiles.» L’Europe pourrait devenir «la Suisse du monde» et contribuer à résoudre les problèmes de l’humanité en développant «un équilibre entre la technique et l’humanité». La Bavière, va-t-elle suivre sa propre voie?La Suisse fut, après la Seconde Guerre mondiale, un exemple de démocratie directe pour la Bavière. Un autre Bavarois, le professeur Hans Maier, ancien ministre bavarois pour l’instruction et la culture, l’a rappelé dernièrement dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 25 juillet: les succès politiques et économiques de la Bavière sont dus entre autre à ses droits populaires. «D’ailleurs, la Bavière doit ces éléments plébiscitaires à deux admirateurs de la démocratie suisse qui l’ont connue lors de leur exil pendant la période nazie: Wilhelm Hoegner et Hans Nawiasky. Cela prouve que les nouvelles démocraties peuvent apprendre des anciennes.» |