Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°17, 13 mai 2013  >  Les coopératives – une alternative à la création de l’homo œconomicus [Imprimer]

La conception personnaliste de l’être humain

ef. La vision personnaliste de l’être humain le considère comme être fondamentalement social, épanouissant sa personnalité dans et par la société; il n’est pas simplement le produit de ses dispositions et de l’environnement, mais il dispose d’une activité créatrice propre, il est doué de raison et capable d’éthique. L’homme est capable de créer une culture et d’établir des valeurs morales.
La conception personnaliste s’oriente d’après les valeurs chrétiennes respectant le droit naturel et selon les idées des Lumières fondées sur le droit naturel et accordant des droits individuels au particulier. Au début du XVIe siècle, des représentants de l’Ecole de Salamanca ont développé, sur la toile de fond de la conquête de l’Amérique latine par les Espagnols et les Portugais, un «droit naturel international». Cela sonne la fin du concept juridique moyenâgeux. Ainsi l’Ecole de Salamanca introduit pour la première fois la notion de la souveraineté du peuple.
Les valeurs du droit naturel sont également confirmées par la psychologie personnaliste. Lors du Ve congrès «Oui à l’éthique: la dignité humaine», Feldkirch 1997, Annemarie Buchholz-Kaiser aborde, dans sa contribution «Personale Psychologie – Der Beitrag von Psychologie und Pädagogik zur Menschenwürde» [Psychologie personnaliste – la contribution de la psychologie et de la pédagogie à la dignité de l’homme], la question de savoir comment un sentiment de responsabilité social et des liens entre les humains peuvent se développer. Elle écrit: «La moralité ne doit pas être imposée à l’homme: elle a ses racines dans l’empathie qui se développe dans le cadre d’un attachement positif de l’enfant à sa première personne de référence. La formation de la consience, un comportement éthique et le sentiment moral, prenant ici leur origine, sont fondés […] dans la nature humaine. L’empathie et la compassion rendent l’être humain capable de peser les conséquences de ses actes pour ses prochains et l’amènent à se comporter de manière socialement responsable.»
Le fondateur de la psychologie individuelle, Alfred Adler, a désigné la socialité de l’être humain par la notion du «Gemeinschaftsgefühl». Le «sentiment de communauté» est la notion-clé de sa doctrine. Pour Adler la compassion humaine est la structure de base de l’existence de l’homme. L’homme est un être social parce qu’il n’est capable de vivre qu’en communauté et parce qu’il peut atteindre la réalisation personnelle, l’accomplissement de soi-même et la satisfaction seulement en coopérant avec les autres. L’être humain peut se réaliser uniquement en communauté et en collaboration avec ses semblables. Ceci d’abord à cause de son imperfection biologique et en raison de la dépendance et de la non-autonomie qui en résultent. L’homme ne peut assumer les tâches garantissant sa survie qu’en s’associant avec d’autres humains, en répartissant le travail et en coopérant. Le sentiment de communauté, l’instinct social est donc un fait biologique. Toutes les performances culturelles, comme par exemple le développement de la langue, sont nées sur la base du sentiment de communauté. La coopération, la solidarité et le principe d’entraide sont constitutifs pour le développement du sentiment de communauté et pour le progrès social de l’humanité. Ainsi la compassion devient le vrai sens de la vie. Toute forme de recherche de pouvoir ou de despotisme est diamétralement opposée au sentiment de communauté et devient fatal aux êtres humains.

Les coopératives – une alternative à la création de l’homo œconomicus

par Eva-Maria Föllmer-Müller

La grande crise nous le montre: l’économisme néolibéral basé radicalement sur le marché, en particulier celui de la Chicago School of Economics (Milton Friedman) a échoué parce qu’il était erroné. Son idéologie est fondée sur la conception de l’homo œconomicus. Ce sont surtout les économistes de l’Ecole de Chicago qui ont contribué à la propagation de la conception économiste, si limitée, dans tous les domaines de la vie et de la réalité toute entière (revendication de connaissances hégémonique). Cette manière de voir réduit le comportement humain à une évaluation rationnelle de ses intérêts (utilitarisme). La conception de l’homo œconomicus réduit l’être humain à une créature qui n’aspire qu’à optimiser son propre intérêt ou avantage (à titre d’exemple: «amitiés stratégiques»). Dans cette conception, l’être humain a pour seule aspiration le profit, égoïste, sans responsabilité et tout à fait détaché de tout principe moral, du respect de nos semblables et de leur dignité. «Il s’agit de l’objectif pratique de décharger le plus possible les individus de tout principe moral pour qu’ils puissent vivre leur prétendu besoin d’optimiser leur avantage personnel.» (Peter Ulrich, 2008, p. 202, cité d’après Jochen Krautz 2012).1 «La logique du marché devient la logique de la vie.» (loc. cit.) Aujourd’hui, nous retrouvons cet économisme à peu près dans tous les domaines de la vie, à savoir, l’économie, la santé publique, la famille, la religion, l’éducation, les sciences, la psychologie, la psychiatrie …

Les coopératives – une voie pour sortir de la crise économique

Des économistes, des cadres de banques et d’instituts financiers internationaux reconnaissent maintenant ouvertement l’échec de la conception néolibérale de l’économie avec sa conception erronée de l’être humain.2
Beaucoup d’économistes et de spécialistes en éthique économique s’écartent de la conception de l’homo œconomicus et remettent le bien-être de l’être humain et le bien commun au centre de leur réflexion. Ils ne considèrent pas l’être humain comme machine économique mais comme personne capable d’agir et de prendre des décisions. Ce sont les êtres humains et non pas les vecteurs du marché qui déterminent le système économique.
En considérant différents systèmes économiques et sociaux, on constate que le système de coopératives est profondément imprégné de cette conception de l’homme. En effet la conception de l’être humain en tant que personne fait partie du système de coopératives dès ses débuts. Helmut Faust a écrit un livre qui vaut la peine d’être lu «Die Geschichte der Genossenschaftsbewegung» [L’histoire du mouvement coopératif] (3e édition 1977). Il y décrit le début d’associations coopératives, précurseurs des coopératives modernes, comme début de la civilisation et de la culture de l’humanité en général: «Depuis que les êtres humains peuplent la terre, lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins économiques ou autres, dépassant les forces de l’individu, ils se sont réunis en groupes ou en communautés. L’évolution du genre humain, des ténèbres de l’état naturel vers la lumière de la civilisation et de la culture n’a été possible que grâce à l’association d’êtres humains entre eux, et à la socialisation progressive basée sur la répartition du travail.» (p. 17) Ce qui est commun à toutes les coopératives depuis les premiers temps, c’est que leur sens «ne s’épuise pas dans la promotion économique des membres, mais se manifeste également dans l’accomplissement de tâches culturelles.» (p. 9) Le principe de la coopération est fondamental: «se réunir dans une communauté pour s’entraider, c’est l’idée-même et le sens de la pensée coopérative. Bien qu’elle corresponde tout à fait à la nature humaine, c’est dans sa réalisation que s’accomplit l’ethos le plus élevé auquel les êtres humains peuvent aspirer.» Le principe coopératif ne se réfère donc pas uniquement aux besoins matériels et économiques mais comprend l’humain tout entier. Il est une constante fondamentale de l’anthropologie.
La coopérative est la forme originaire de l’activité communautaire, de l’entraide, du partage des responsabilités et de l’autogestion. Elle est portée par l’objectif commun auquel les participants s’orientent et qu’ils développent dans un échange continuel. Le but d’une coopérative réside toujours dans la défense optimale d’une cause commune. Les formes peuvent varier, le but cependant doit toujours servir le bien commun. Les coopératives doivent être gérées soigneusement dans leur organisation interne – sur un pied d’égalité, honnêtement, dignement et humainement. Cela pose des exigences éthiques élevées à tous les membres. Celui qui veut exercer une fonction de direction doit avoir fait ses preuves dans la vie démocratique.
L’attitude intérieure se reflète dans des actions justes et solidaires, la volonté d’assumer des responsabilités sociales et de prendre soin des autres. Pour cela il faut de l’ouverture d’esprit, un sentiment d’appartenance, intelligence et fidélité.
Que les coopératives correspondent en quelque sorte à un «principe anthropologique» se manifeste aussi dans le fait que cette forme d’économie s’est développée partout dans le monde et a été, jusqu’à aujourd’hui, couronnée de succès.3
Dans la Confédération suisse cette forme de vie et d’économie a aussi fait son chemin en politique: il s’agit des expériences des Markgenossenschaften alémaniques [paysans libres organisés en communauté pour exploiter le sol] qui ont trouvé leur expression dans le pacte fédéral de 1291. Ainsi le principe coopératif a été présent en Suisse déjà lors du premier pacte fédéral de 1291. En tant que base pour la sécurité et le bien-être, il continue d’exister au sein de la Confédération suisse depuis 1848. Lorsqu’on lit le pacte de 1291, on constate que son contenu «un pour tous – tous pour un», ou exprimé autrement «Miteinander – Füreinander» [ensemble – les uns pour les autres], est profondément imprégné de l’esprit du système de coopératives, ainsi que l’a exprimé le président de la Confédération Ueli Maurer dans son discours de Nouvel an. Ce serait une tâche gratifiante pour un historien de montrer comment la démocratie directe s’est développée au courant de 700 ans d’histoire à partir de différents types de coopératives dans les communes, les cantons et au sein de la Confédération.

2012: L’année internationale des coopératives

Combien l’idée des coopératives est d’actualité, justement de nos jours, apparaît dans la Résolution A/RES/64/136 des Nations Unies. Avec cette résolution l’Assemblée générale de l’ONU a décidé de déclarer l’année 2012 Année internationale des Coopératives (International Year of Cooperatives, IYC). Ainsi, l’importance du modèle de coopératives a atteint le plan mondial et l’attention a été attirée sur son importance économique et sociale: les coopératives baissent le taux de pauvreté, créent des emplois et encouragent l’intégration sociale. L’ONU veut aussi convaincre les gouvernements de créer un environnement propice à la croissance et la formation de nouvelles coopératives. Les Etats sont tenus de créer une législation garantissant aux coopératives les mêmes conditions de départ qu’aux autres entreprises commerciales et sociales. Dans le cadre de l’ONU est paru la troisième édition revue et corrigée du Guide de législation coopérative («Guidelines for Cooperative Legislation»). Editée par l’Organisation internationale du travail OIT. Ce guide donne des directives et des conseils lors de la création d’un environnement propice au développement des coopératives à l’échelle nationale, régionale et internationale.
D’après les indications de l’ONU, il existe dans le monde 800 millions de coopérateurs dans plus de 100 pays; plus de 100 millions d’emplois sont fournis par des coopératives. La moitié de la population mondiale – d’après l’estimation de l’ONU – trouve les bases de son alimentation dans des coopératives. Des coopératives de crédit, des coopératives rurales et commerciales contribuent à stabiliser les cycles économiques régionaux et à favoriser l’emploi local.
Affirmations clés de l’ONU au sujet des coopératives:
–    Les entreprises coopératives appartiennent aux membres, servent les membres et sont dirigées par les membres.
–    Les coopératives encouragent les gens.
–    Les coopératives améliorent les conditions de vie et favorisent l’économie.
–    Les coopératives permettent un développement durable.
–    Les coopératives font avancer le développement rural.
–    Les coopératives équilibrent à la fois la demande sociale et économique.
–    Les coopératives soutiennent les principes démocratiques.
–    Les coopératives représentent un modèle d’entreprise durable pour les jeunes.

(Source: www.social.un.org. Traduction Horizons et débats)

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a déclaré lors de l’Année internationale des coopératives 2012: «Les coopératives rappellent à la communauté internationale qu’il est possible d’agir en chef d’entreprise et avoir de la responsabilité sociale.» «Lors de l’Année internationale des coopératives actuelle, j’encourage toutes les personnes concernées et intéressés d’encourager la conscience de ce travail et de soutenir les coopératives partout. A travers leur service pour la dignité humaine et la solidarité globale, les coopératives sont irremplaçables pour un monde meilleur.»
José Graziano da Silva, directeur général du FAO, a annoncé publiquement dans sa prise de position lors de la Journée mondiale de l’alimentation 2012: Les coopératives agricoles – clés de l’alimentation mondiale.

Des coopératives pour le combat mondial contre le chômage des jeunes

En novembre 2012 a eu lieu à New York la manifestation de clôture de l’Année internationale des coopératives 2012 sur le sujet de «La promotion des coopératives après 2012». L’année internationale doit entamer le début d’une «Décennie des coopératives». La jeunesse y joue un rôle important. Au premier plan se posait la question de savoir comment mieux intégrer la jeunesse dans les coopératives. En plus de la sécurité alimentaire, on considère que la création de coopératives est importante pour baisser le chômage des jeunes et plus généralement pour le développement social. De 2002 à 2007, le chômage des jeunes a baissé progressivement sur le plan mondial. Cela a changé d’un coup avec la crise financière mondiale, depuis 2007, le chômage des jeunes a recommencé à augmenter. Cette montée rapide, avant tout dans les années 2008/09, a détruit beaucoup de ce qui avait été atteint auparavant. Aujourd’hui, on compte environ 75 millions d’adolescents au chômage dans le monde. C’est une augmentation de plus de 4 millions depuis 2007: un défi bien plus grand, cependant, représentent les «working poor» (personnes pauvres malgré un emploi). L’Organisation internationale du travail (OIT) estime qu’actuellement 152 millions d’adolescents doivent vivre avec moins de deux dollars par jour. (OIT Tendences mondiales de l’emploi des jeunes 2013).
Que des adolescents s’engagent dans une entreprise ou organisation coopérative, représente un moyen important pour faire face à ce défi.
Comme les coopératives appartiennent aux membres et sont des entreprises proches des communes, celles-ci peuvent encourager les jeunes gens à fonder eux-mêmes des entreprises. En créant leurs propres entreprises, adaptées aux besoins locaux, les jeunes entrepreneurs stimulent le développement économique de leurs communes et élargissent en même temps leurs propres compétences et techniques. Ce faisant, les coopératives contribuent considérablement à la prévention et à l’élimination de la pauvreté. Elles créent des réseaux de sécurité sociale et valorisent la jeunesse.
Il a été souligné que la jeune génération et la génération aînée ont besoin l’une de l’autre. La jeune génération veut être prise aux sérieux et écoutée. La génération aînée, riche de son expérience, a un rôle important à jouer auprès de la jeune génération. Le dialogue entre les générations et indispensable. Le respect qu’on témoigne à l’autre personne est important. La confiance s’en suivra. Il est important de s’écouter mutuellement et d’être prêt à apprendre. Il a également été souligné qu’il fallait être courageux, sans avoir peur de faire des erreurs. Coopération vaut mieux que concurrence.     •
1    Jochen Krautz «Bildungsreform und Propaganda» in: Sonderheft «Demokratie setzt aus» der Vierteljahresschrift für wissenschaftliche Pädagogik 2012, p. 86–128.
2    cf. Joseph E. Stiglitz «Le Triomphe de la cupidité», Editions Liens qui libèrent, 2010;
Rencontre au sommet de l’Assemblée générale de l’ONU du président d’alors Miguel D’Escoto Brockmannan, entre autres, avec J. Stiglitz,
Horizons et débats no 28, 2009 et no 30, 2011; «Lettre ouverte aux citoyens», signée par 270 économistes; Basler Manifest zur ökonomischen Aufklärung, november 2011; «Neue Zürcher
Zeitung» du 16/1/13 «Der Homo oeconomicus hat ausgedient. Weg mit ihm».
3    cf. Elinor Ostrom «Die Verfassung der Allmende: jenseits von Staat und Markt», Mohr, Tübingen 1999.

 ef. Les coopératives représentent une possibilité de gérer l’économie ensemble. Mais il y a aussi des entreprises familiales, des entreprises gérées de personne à personne, des PME etc. qui reposent sur des bases similaires.


ef. De même dans le domaine de l’enseignement, la conception économiste est entre-temps ouvertement critiquée, et le modèle de formation axé sur la conception personnaliste, la démocratie et les droits humains redevient matière à réflexion. Ainsi Jochen Krautz écrit, dans son article intitulé «Bildungsreform und Propaganda» [Réforme de l’éducation et propagande] (2013): «Dans une république, l’éducation doit rendre tout citoyen, indépendamment de la notion de possession, capable de penser et agir de manière autonome et responsable pour qu’il puisse se déterminer lui-même au sein de la communauté.» Et plus loin: «L’éducation dans les écoles publiques sert […] à la réalisation de la personnalité en vue du bien commun, donc dans une orientation axée sur la paix, la liberté et la justice.»
Jochen Krautz démontre dans son analyse comment, ces dernières décennies, on nous a imposé une conception économiste de l’enseignement par la propagande et par différentes organisations internationales telles que l’OCDE, et comment nous avons laissé faire.


La coopérative comme fondement du modèle de paix suisse

«Dans notre plus ancienne démocratie et dans les autres qui sont encore existantes, il ne faut pas non plus oublier le sens original des mots. A l’origine, le terme Confédération signifie de manière contraignante une communauté d’êtres humains, qui s’est promis solennellement de s’assister mutuellement et d’organiser sa vie politique en commun. Voilà la raison pour la première, l’éternelle alliance, et cela reste son meilleur fondement. L’ordre étatique n’a jamais été un but en soi ou même l’objet d’un culte, mais il a toujours existé pour l’être humain.»

Georg Thürer. Persönlichkeit und Volksgemeinschaft im eidgenössischen Bundesleben, 1949. In: Gemeinschaft im Staatsleben der Schweiz. Haupt-Verlag 1998, p. 146

«La Coopérative relie ses membres sur la base des trois ‹auto›: auto-assistance, auto-administration et auto-responsabilité. Celui qui en fait partie n’est pas un sujet mais propriétaire à part égale et participant. Lors des réunions, il possède le même droit de vote et d’éligibilité, contrairement aux anciens ordres, qui dotaient les riches et les nobles d’un droit de vote plus étendu que ceux qui étaient politiquement moins fortunés, à l’instar des sociétés par actions de l’économie capitaliste moderne qui octroient aux propriétaires de gros paquets d’actions davantage d’influence sur les décisions qu’aux détenteurs d’un petit nombre d’actions. La personnalité, voire la dignité de l’homme, est préservée au sein de la coopérative. Le membre individuel a toujours été membre à part entière.»

Georg Thürer. Die Genossenschaftsidee im schweizerischen Staat, 1977. p. 193

«La Confédération est, comme le dit son nom, empreinte de l’esprit de la coopérative. La liberté représentait au temps de sa fondation autre chose qu’aujourd’hui. Elle était partie intégrante de la coopérative. Les Confédérés ne défendaient pas le ‹droit de l’homme› à la liberté mais l’indépendance de leurs petites communautés, dans lesquelles cependant chaque personne était mise en valeur. La légende de la fondation ainsi que la tradition historique comprend les deux: l’esprit de la cohésion coopérative et l’importance décisive de l’acte individuel ou de l’idée personnelle. C’est cette tradition coopérative qui a rendu possible qu’il y ait moins de couches privilégiées qu’ailleurs, à qui l’on aurait remis l’exécution des tâches publiques, telle la classe des «politiques», des cadres militaires ou des «érudits». Dans la coopérative, chacun porte la responsabilité pour tous. Aucun domaine ne doit être mis hors de la responsabilité de la communauté. L’esprit de la coopérative d’origine se poursuit sous les formes connues de la Suisse moderne: dans la démocratie directe, dans le système de concordance, dans la collégialité au sein des autorités, dans le maintien du fédéralisme. Quand on est questionné au sujet de l’esprit national suisse, on peut le mieux l’expliquer par le fait que toute la vie est soutenue par le petit cercle de la famille, de la commune, de la région.»

Wolfgang von Wartburg (Ed.), Wagnis Schweiz. Die Idee der Schweiz im Wandel der Zeit, Novalis. Schaffhouse 1990, p. 24 sq.


Benoît XVI a exigé un nouveau regard sur l’économie

Dans son message pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix de cette année, l’ancien pape Benoît XVI a demandé «un engagement renouvelé et collectif pour la recherche du bien commun, du développement de tous les hommes et de tout l’homme». Il voit les causes des tensions et des conflits dans les inégalités croissantes entre riches et pauvres, et également dans un capitalisme financier sans régulation (libéralisme économique radical) avec sa mentalité égoïste et individualiste. Benoît XVI a souligné qu’il fallait aujourd’hui un nouveau regard sur l’économie: au-delà de toute maximalisation du profit et de la consommation, dans une optique individualiste et égoïste, il met au centre la réalisation du bien commun dans tous les domaines de la vie humaine, ainsi qu’une politique «qui ait le souci du progrès social et de l’universalisation d’un Etat de droit démocratique».


La conception personnaliste de l’homme dans la loi et dans le droit international

ef. La conception personnaliste se retrouve dans la Loi fondamentale allemande: «La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger» (art. 1) et «Chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel ou la loi morale. (art. 2 (1)) ainsi que «Tous les êtres humains sont égaux devant la loi» (art. 3 (1)). Le Tribunal constitutionnel fédéral le formule comme suit: «La conception de l’homme de la Loi fondamentale n’est pas celle d’un individu souverain isolé. La Loi fondamentale définit plutôt l’opposition entre l’individu et la collectivité comme impliquant que la personne est en rapport avec la collectivité, qu’elle lui est liée, sans que la collectivité porte atteinte à sa valeur intrinsèque.» Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, contenant le fond de l’éthique de toutes les cultures du monde, est écrit: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» (art. 1) et «Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. […] (art. 7). Et dans la Charte de l’ONU (préambule) on peut lire: «Nous, peuples des Nations Unies – résolus […] à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, […] et à ces fins à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage […].»


Coopératives dans le monde entier

On estime qu’un milliard de personnes dans le monde sont membres de coopératives. En 2008, les 300 principales coopératives représentaient un chiffre d’affaires cumulé de 1100 milliards de dollars, un chiffre qui correspond au PIB de la dixième économie mondiale – le Canada – et atteint presque la taille de l’économie d’un pays comme l’Espagne.
•    Au Kenya, la part de marché des coopératives est de 70% pour le café, 76% pour les produits laitiers, 90% pour le pyrèthre et 95% pour le coton.
•    Au Brésil, les coopératives comptent pour 40% du PIB agricole et 6% du total des exportations du secteur agroalimentaire.
•    En Bolivie, un tiers de la population sont membres de coopératives (Fairmining, Fairtrade).
•    Au Kenya, 924 000 agriculteurs tirent un revenu de leur adhésion à une coopérative agricole. Ils sont quelque 900 000 en Ethiopie et environ 4 millions en Egypte.

Source: www.fao.org


Les coopératives ne travaillent pas toutes de la même façon. Mais la plupart des coopératives suivent les sept principes coopératifs. Ils constituent les lignes directrices qui permettent aux coopératives de mettre leurs valeurs en pratique.
•    Adhésion volontaire et ouverte à tous
•    Pouvoir démocratique exercé par les membres (un membre – une voix)
•    Participation économique des membres
•    Autonomie et indépendance
•    Education, formation et information
•    Coopération entre les coopératives
•    Engagement envers la communauté

Source: www.ilo.org