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Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  N° 31, 29 décembre 2014  >  La mission de l’école publique – connaissances, compétences et valeurs démocratiques [Imprimer]

La mission de l’école publique – connaissances, compétences et valeurs démocratiques

par Elsbeth Schaffner, institutrice

Le 7 novembre, le Plan d’études 21, révisé à huit clos par le CDIP (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique de Suisse alémanique), a été remis aux cantons. Il relève désormais de la souveraineté des cantons. Le moment est venu où les cantons doivent décider de l’acceptation du Plan d’études 21. Il y a pourtant beaucoup de critiques relevant de la pratique pédagogique, de la science et du secteur privé qui, déjà lors de l’élaboration du plan d’études, ont attiré l’attention sur les points faibles sans réussir à se faire entendre. Les parlements, les citoyennes et citoyens ont intérêt à se pencher objectivement sur le contenu de la critique. L’enjeu est vital:
Les plans d’études mettent en application le mandat de l’école publique. Il s’agit là de l’avenir de nos enfants. Seront-ils capables de faire face aux tâches professionnelles et celles posées par les relations humaines? Seront-ils en mesure de s’engager pour une société disant oui à la vie fondée sur nos valeurs chrétiennes occidentales et démocratiques?
L’analyse de cette question s’impose. Aujourd’hui déjà, une certaine désorientation se manifeste. Les réformes introduites ces dernières années telle que l’apprentissage en groupes multi-âges et les modèles scolaires intégratifs ont changé la situation dans les écoles. De nouvelles revendications, parfois contradictoires, préoccupent les enseignants et enseignantes, les parents et les communes. Il y a actuellement de nombreux problèmes en suspens devant être abordés avec compétence, sens des réalités et humanité. De nombreux enfants scolarisés montrent un comportement qui ne passe pas inaperçu – soit trop calme soit trop agité. Dans les classes, la violence cachée et ouverte, le harcèlement moral sont de plus en plus observés. En outre, malgré l’emploi du temps bien rempli et de nombreuses mesures de soutien, on peut constater depuis longtemps une base de connaissances scolaires insuffisante par exemple en lecture, écriture, mathématiques et en compétences utiles à la vie.
La revendication qu’un nouveau plan d’études devant répondre aux questions posées et remédier aux dysfonctionnements actuels reste en suspens.
La pertinence du Plan d’études 21 doit être mesurée d’après le mandat que les citoyens ont donné à l’école publique tout en tenant compte de la situation actuelle. Grâce à notre système fédéraliste et de démocratie directe, les expériences pratiques des parents passent directement dans le débat de fond et on dispose de moyens dignes pour empêcher qu’on nous impose de manière centraliste des objectifs éducatifs peu réalistes. Plusieurs initiatives populaires exigent de redéfinir dans le nouveau plan d’études de manière claire et nette les objectifs annuels et le contenu des différentes matières. Vu le risque actuel d’une aggravation dramatique de l’école publique, plusieurs cantons demandent l’adoption du Plan d’études par le Parlement.
Quel est le mandat social de l’école publique? L’objectif principal est un enseignement approfondi pour tous les enfants, afin qu’ils soient plus tard en tant que citoyens en mesure de participer activement à la démocratie directe. Un tel enseignement est toujours axé sur le bien commun. Pour cette raison l’école publique a été créée et ce but est clairement défini dans les lois scolaires cantonales. Notre système de formation hautement qualifié, jusqu’il y a peu de temps, crée, non seulement de meilleures conditions dans le domaine des connaissances et compétences mais pose également la base pour les liens sociaux. En outre, il encourage le sens de la beauté et la joie de vivre. Des enseignants bien formés et l’apprentissage en commun dans des classes réparties par tranches d’âges y contribuent.
Le fondement pédagogique de notre système éducatif a fait ses preuves et a une longue tradition. Celle-ci est basée sur la coopération ouverte de tous les responsables et sur le consensus social concernant le vivre-ensemble démocratique.
Le Plan d’études 21 est cependant issu d’une orientation toute autre. Il se réfère au modèle d’une formation standardisée de l’OCDE et reprend des concepts tel que l’orientation vers les compétences des programmes scolaires d’autres pays européens. Par conséquent, les contenus scolaires seront morcelés et réduits (opérationnalisés) à des objectifs éducatifs numérisables. L’enseignement en classe où l’enseignant, avec tous les enfants de sa classe, prépare les objectifs annuels correspondant à leur âge, serait donc du passé. Avec le paradigme de l’hétérogénéité (diversité), la communauté de classe du même âge est considéré comme un fardeau pour l’épanouissement personnel. Sous prétexte qu’aucun enfant ne doit être ni trop ni insuffisamment sollicité, on exige de créer pour chaque enfant un program individuel conforme à son niveau de développement. Les élèves doivent apprendre seuls, c’est-à-dire, organiser leurs processus d’apprentissage eux-mêmes – souvent dans un environnement qui ressemble à un bureau en espace ouvert. Les enseignants sont réduits à des «coaches» ou des «classroom-manager» en fournissant du matériel didactique et en conseillant les élèves de temps en temps dans leurs travaux. L’ordinateur ou d’autres élèves doivent alors remplacer l’enseignant principal. Ce type d’individualisation mène à un grave déficit relationnel, au découragement, à l’égoïsme et à l’isolement. Ainsi de nombreux enfants seraient privés de leur chance, ils perdront le plaisir d’apprendre ou pire encore n’éprouveront jamais ce plaisir. Déjà actuellement, de nombreux praticiens et scientifiques mettent en garde contre une américanisation croissante de l’éducation.
Beaucoup d’enseignants sont conscients de l’importance d’une communauté de classe durable pour chaque enfant. Sous leur houlette bienveillante, les élèves se penchent ensemble sur les contenus d’apprentissage et apprennent à travailler ensemble sur un pied d’égalité. Nulle part ailleurs les élèves ne peuvent exercer si bien le vivre-ensemble démocratique.
Inutile de dire que la formation des enseignants à la fois professionnel et pédagogique doit être conforme à la mission sociale de l’école publique. Il appartient aux enseignants de transmettre les fondements culturels à la jeune génération. Il s’agit notamment de garder le respect et l’intérêt envers l’étranger, surtout en Suisse qui offre une si grande diversité. Les enseignants auraient urgemment besoin de manuels scolaires mieux structurés et avec un contenu apte à renforcer le lien avec notre culture.
La conception soigneuse de manuels scolaires performants ne doit être abandonnée ni aux théoriciens peu réalistes ni aux grands groupes de «formation» orientés vers le profit. Un bon matériel pédagogique s’évalue par les connaissances professionnelles des auteurs et par la manière dont le contenu contribue au bien commun. Le matériel pédagogique doit être adapté à l’âge et la capacité des élèves. L’apprentissage autodirigé à l’ordinateur portable sur Internet («google-learning») prôné de nos jours, ne correspond pas à ces exigences.
De nombreux projets de réforme indistincts ont fait de l’école publique un chantier immense dont les architectes préfèrent rester dans l’ombre. Le Plan d’études 21 les obligent à se présenter au débat démocratique. Mener une discussion objective veut dire entrer dans un dialogue ouvert avec les citoyennes et citoyens et se mettre d’accord sur la mission de l’école publique. Ceux qui veulent supprimer cette discussion de fond doivent accepter que la question soit posée de savoir quelle est leur compréhension de la démocratie.     •

Soumettre le Plan d’études 21 aux citoyens du canton de Schwyz

rl. Dans le canton de Schwyz, ce sont les citoyens qui se prononceront sur l’introduction du Plan d’études 21. Le 16 décembre, l’initiative populaire «Nein zum Lehrplan 21» a déposé 3038 signatures. Il n’en fallait que 2000. La loi sur l’école obligatoire doit être modifiée en trois points. Le paragraphe autorisant des expériences scolaires doit être supprimé. Les objectifs annuels et les matières scolaires doivent être explicitement mentionnés. Un nouveau paragraphe prévoit que le peuple aura son mot à dire quand il s’agit de questions scolaires essentielles. Selon l’initiative, les accords intercantonaux concernant les plans d’études seront soumis au référendum facultatif. En ce qui concerne les modifications essentielles du plan d’études, le gouvernement doit les soumettre au peuple.
Les initiateurs déplorent les connaissances minimales enseignées considérablement réduites dans les domaines de l’allemand et des mathématiques et la disparition de nombreuses matières. Comme les contenus d’apprentissage sont morcelés en compétences et les objectifs annuels ne sont pas spécifiés, il manque un enseignement structuré et solide en connaissances de base. En outre, l’introduction du Plan d’études 21 créerait d’énormes coûts pour la reconversion des enseignants, pour les nouveaux manuels scolaires, les systèmes d’évaluation et les infrastructures scolaires.