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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°2, 16 janvier 2012  >  Chômage des jeunes [Imprimer]

Chômage des jeunes

«Que font les Suisses pour que les choses aillent si bien chez eux?»

par Florentino Felgueroso, Asturies

gl. Nous n’avons pas besoin de regarder de l’autre côté de l’Atlantique pour trouver des solutions à la crise. On trouve en Europe des solutions d’avenir efficaces dans bien des domaines grâce à la diversité des cultures et des traditions qui s’est développée avec succès depuis des siècles sur notre continent, en partie à quelques centaines de kilomètres seulement les unes des autres. Les peuples souverains qui organisent eux-mêmes leur vie politique et sociale peuvent apprendre beaucoup de choses les uns des autres.
La formation professionnelle en est un bon exemple. Dans les pays germanophones, on n’imagine guère que dans la plupart des autres pays, il n’existe guère de véritable apprentissage. Ce qu’on appelle là-bas apprentissage s’effectue essentiellement à l’école, dans des cours durant 1 à 3 ans. La partie pratique de la formation a lieu dans des ateliers scolaires et lors de stages plus ou moins longs dans des entreprises. L’apprenti reste toujours un élève ou au mieux un stagiaire, mais il n’est jamais un vrai collaborateur de l’entreprise comme dans le système «dual» (ou formation en alternance). L’élève n’apprend pas à connaître les désagréments de la vie professionnelle – clients mécontents, retards de livraison, collègues fâchés, réparations mal faites. Dans le système dual, l’apprenti assume des responsabilités. S’il ne veut pas apprendre et effectuer un travail sérieux, l’entreprise n’a que faire de lui. Telles sont les exigences de la vie.
Dans le monde réel du travail, les apprentis peuvent enregistrer de vrais succès. La plupart développent considérablement leur personnalité dès le premier semestre de formation. Ils font partie de la communauté de l’entreprise où on les considère non plus un peu comme des enfants mais comme des jeunes adultes dont on attend des comportements et des résultats en conséquence. Les jeunes qui obtenaient des résultats peu satisfaisants à l’école obligatoire peuvent développer dans le monde du travail des facultés insoupçonnées. Les relations avec le maître d’apprentissage et avec les collègues est différente de celles entretenues avec les enseignants. On maîtrise ensemble les problèmes quotidiens et l’apprenti a une personne à ses côtés qui le guide dans tout ce qu’il ne sait pas encore faire.
Dans de nombreux pays, on réfléchit maintenant à la manière d’améliorer la formation professionnelle. En Espagne aussi, où le chômage des jeunes a atteint un taux insupportable de 45%, le débat s’intensifie. Lors des élections législatives de novembre dernier, aussi bien le parti socialiste PSOE que le PP conservateur avaient inscrit à leur programme l’amélioration de la formation professionnelle. Le PP, qui dispose maintenant de la majorité absolue au Parlement, prépare une réforme impliquant un renforcement de la pratique. Le système dual, qui fonctionne très bien depuis des générations dans les pays germanophones et constitue un des piliers de leur réussite économique pourrait, en Espagne aussi, offrir une perspective à la jeunesse.
Un premier essai pilote a commencé l’année dernière dans la région de Madrid où l’on forme des jeunes selon le système dual dans la construction aéronautique et l’informatique. Au pays Basque, des initiatives tendant à rendre la formation plus pratique ont déjà été prises par le passé.
Au Nord de l’Espagne, Florentino Felgueroso, professeur d’économie à l’université d’Oviedo a, sur le site de l’Institut de recherches en économie Fedea, démarré un blog intéressant intitulé «Chômage des jeunes: Que font les Suisses pour que les choses aillent si bien chez eux?»

Hier, nous avons reçu au Fedea un visiteur de marque: Urs Zizwiler, ambassadeur de Suisse en Espagne (et Andorre). Nous l’avions invité pour nous présenter les atouts de son pays: la Suisse a le taux de chômage des jeunes le plus bas d’Europe.
Selon l’ambassadeur, c’est dû au système de formation professionnelle qui combine l’enseignement scolaire avec un apprentissage rémunéré en entreprise. Ce modèle qui place la personne de l’apprenti au centre de la formation trouve son origine au moyen âge déjà, dans les corporations et s’est maintenu depuis. Il a évolué moyennant quelques modifications pour devenir un système règlementé.
Selon le rapport de l’OCDE Education at a glance de 2011, en Suisse, 65,5% des élèves du secondaire ont suivi en 2009 une formation professionnelle et 60% dans le système dual qui combine école et entreprise. Avec 7% seulement d’abandons, ces chiffres montrent que plus de la moitié des jeunes sont concernés par ce système. En Espagne, parmi les 70% de jeunes qui n’ont pas quitté l’école, seuls 43% ont suivi une formation professionnelle et 2% seulement une formation duale.
Le système dual suisse est orienté vers le marché du travail, ce qui présente deux avantages importants: Il prépare les jeunes à leur entrée dans le monde du travail et répond aux besoins des entreprises en veillant à ce qu’elles disposent à l’avenir de suffisamment d’ouvriers qualifiés et de cadres. «Les liens étroits avec le marché du travail pourraient expliquer pourquoi la Suisse a un des taux les plus bas de chômage des jeunes d’Europe», a déclaré l’ambassadeur. La Suisse n’est pas le seul pays ayant misé sur une formation duale réglementée. Ce modèle est une particularité connue des pays de langue allemande – Allemagne, Suisse et Autriche – de même que du Danemark qui l’a adopté dans les années 1980. Comme on peut le voir sur le graphique, ces quatre pays sont parmi ceux qui ont le taux de chômage des jeunes le plus bas.
A mon avis, l’avantage principal du système dual consiste dans le fait que, contrairement à notre système espagnol, l’entrée dans le marché du travail n’est pas différé jusqu’à la fin de la scolarité. Ainsi, les avantages du système sont évidents, du moins en théorie. A la fin du secondaire, les élèves disposent déjà d’une large expérience du monde du travail. Aussi bien dans le système espagnol que dans le système dual, on peut obtenir au même âge un diplôme mais dans le système dual, on possède deux sortes d’atouts supplémentaires, le premier de nature plutôt générale: les premières expériences professionnelles qui sont également utiles dans d’autres entreprises, et le second de nature plutôt spécifique, qui dépendent du type d’entreprise. La probabilité de rester dans l’entreprise est élevée.
Pour comprendre vraiment l’utilité du système dual, il convient de rappeler une des maximes de l’économie du travail: En raison du risque de débauchage par d’autres entreprises des jeunes formés, celles-ci doivent couvrir les frais de leur propre formation par des salaires inférieurs. Les jeunes non diplômés reçoivent un salaire inférieur (qu’ils sont prêts à accepter pour pouvoir travailler) à celui des jeunes diplômés et c’est en même temps plus «acceptable» pour les partenaires sociaux de négocier pour un apprenti de 16 ans un salaire inférieur que pour un jeune de 18 à 21 ans titulaire d’un diplôme. En outre, la solution alternative au système dual aboutit aux contrats de stage. Quand ceux-ci impliquent un salaire inférieur, ils sont annulés comme étant «inacceptables» et sinon, ils doivent être subventionnés par l’Etat. Au final, ce système coûte tout aussi cher au Trésor public. En outre, il y a le problème de la surveillance de la formation des jeunes pendant les stages. Cette surveillance n’est pas réglementée dans le système scolaire actuel.
Le système ne peut fonctionner que si les entreprises, les partenaires sociaux et les autorités scolaires qui offrent des cours de formation et surveillent la formation s’y consacrent à fond. Il faut qu’il existe un marché des places d’apprentis où l’Etat joue le rôle d’intermédiaire. En Suisse, un tiers environ des entreprises participent à ce processus et les PME jouent un rôle plus important que les grandes entreprises. L’offre de places d’apprentis doit s’aligner à long terme sur les besoins des entreprises (à court terme, il existe pour cela une politique active de formation) et ce n’est pas simple. En Allemagne, selon toute apparence, seule la moitié de la population ayant reçu une formation professionnelle occupe des emplois pour lesquels elle a été formée.
Le système dual serait-il applicable en Espagne?
Ce qui est positif, c’est que les syndicats comme les partis politiques seraient favorables à la mise sur pied d’un système dual dans le pays. Cependant, actuellement, les partis ne sont pas d’accord entre eux. Le PP (Partido Popular) est favorable à son introduction et son attitude a rendu possible le premier projet pilote dans la région de Madrid. L’actuel gouvernement et son prochain candidat souhaitent plutôt conserver le système actuel et renforcer la formation duale pour les jeunes qui ont quitté l’école prématurément sans qualification professionnelle. La structure tout entière est sans aucun doute très complexe. Il faut répondre aux besoins des deux parties, les risques sont considérables, mais il est certain que ce sera encore plus difficile si on ne s’attaque pas enfin au problème.    •

Source: www.fedeablogs.net/economia/?p=14960
(Traduction Horizons et débats)

Expériences faites au Pays basque

gl. Au Pays basque, qui est une des régions européennes les plus prospères au niveau économique, des améliorations de la formation professionnelle sont en discussion depuis plusieurs années et sont en partie déjà mises en pratique. Le taux de chômage y est de 11%, ce qui correspond à la moitié du taux de l’Espagne entière.
Après que la Confédération patronale basque CONFEBASK ait constaté en 1988, que la formation professionnelle des centres de formation ne correspondait pas aux besoins des entreprises, on a réalisé deux études. La première devait examiner la réalité de la formation professionnelle au Pays basque, la deuxième devait analyser les expériences positives des autres pays européens, afin qu’on puisse les prendre en compte au Pays basque.
La première étude montra trois insuffisances fondamentales de la formation professionnelle au Pays basque:
•    L’instruction transmise dans les centres de formation professionnelle ne correspondait pas aux besoins des entreprises.
•    Le nombre des apprenants ne correspondait pas à la demande des professionnels dans le domaine productif.
•    Les jeunes diplômés de la formation professionnelle avaient une formation pratique insuffisante.
La deuxième étude montra que la formation professionnelle qui atteint les meilleurs résultats en Europe est la formation professionnelle duale telle qu’elle est transmise aux jeunes dans les pays germanophones. La formation professionnelle pratique a lieu dans l’entreprise et est complétée par une journée par semaine d’école professionnelle pour y acquérir les connaissances théoriques nécessaires.
Suite à cela, divers plans d’action sont entrés en vigueur, dont un correspondait à un projet de «formation partagée». Il prévoit que chaque apprenant doit accomplir au minimum 500 heures par an de formation pratique dans une entreprise.
L’ancien directeur de l’éducation de la Confédération patronale déclara qu’il avait fallu beaucoup de force de persuasion pour convaincre les entreprises et les syndicats ouvriers. Mais cela avait marché et l’on a pu réduire le chômage auprès des jeunes.

Sources: http://formacion.confebask.es  
et El Pais du 29/5/11

Projet pilote à Madrid

gl. Après que la présidente du gouvernement de la région de Madrid, Esperanza Aguirre, ait visité l’Allemagne, pour y faire connaissance du système dual, on a lancé en 2011 un projet pilote pour une formation professionnelle duale dans deux centres de formation professionnelle à Madrid. Le centre de formation professionnelle «Profesor Raùl Vàsquez» forme depuis septembre 2011 des mécaniciens sur avions en collaboration avec les entreprises Iberia, Cassidian et Swiftair qui mettent à disposition dans leurs entreprises des places de formation.
Au centre de formation professionnelle «Clara de Rey», on forme en collaboration avec les firmes ZED, Microsoft et Hewlett-Packard des jeunes informaticiens.
Les apprentis sont choisis et payés par les entreprises participantes. Les anciens plans d’études dans les centres de formation professionnelle valent toujours, tandis que les entreprises transmettent des contenus de formation suplémentaires. La répartition temporelle et du point de vue des contenus du curriculum a été fixée de commun accord par les professeurs des centres de formation professionnelle et les techniciens des entreprises concernées.

Sources: Comunidad de Madrid, Consejería de Educación y Empleo; El País du 19/7/11; Swissinfo du 8/11/11