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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°52, 17 décembre 2012  >  La campagne de relations publiques pour les écoles communautaires a des fondements fragiles [Imprimer]

La campagne de relations publiques pour les écoles communautaires a des fondements fragiles

par Karl Müller

Dans le cadre de la campagne concertée de relations publiques pour les nouvelles écoles communautaires au Bade-Wurtemberg, des «arguments» apparus doivent être examinés de plus près.
En novembre, la ministre de l’Education et de la Culture du Land et le Président de la fraction de la «CDU» de l’opposition ont visité ensemble 2 des 42 nouvelles écoles communautaires. Les médias du Land en ont largement rapporté, même des rapports dans l’ensemble de toute la République ont été à lire. La teneur de presque tous les rapports a été très positive.
Cependant, si vous cherchez des arguments convaincants pédagogiques ou en matière de politique sociale dans les articles, vous ne les trouverez pas. Des «apparences», qui laissent supposer des schémas connus de pensée, les remplacent.
Le «Stuttgarter Zeitung» par exemple, a rapporté qu’un enseignant à l’une des écoles communautaires visitées procurait à nouveau «le vrai plaisir» à sa profession pour la première fois dans 45 ans. Les élèves travaillaient «à leur propre rythme à leurs horaires de travail hebdomadaires» et lui, en tant que professeur, avait enfin le temps de leur «fournir une assistance sur mesure», ce qu’il trouvait «formidable».
Il est très important que l’enseignant procure le plaisir à sa profession. En fait, tous les enseignants devraient procurer le plaisir à leur profession. Cependant, l’enseignant mentionné de l’école communautaire n’a rien dit sur ce que ses élèves apprennent exactement d’après leur horaire de travail hebdomadaire. Et rien sur ce qu’ils peuvent apprendre s’ils sont à peine en relation avec leur professeur, contrairement à l’enseignement en classe. L’enseignement en classe permet aux élèves, en particulier dans la conversation commune avec leur professeur, d’apprendre davantage que de remplir des feuilles de travail pour l’horaire hebdomadaire ou que d’utiliser des programmes informatiques (de la Bertelsmann AG?). Le dialogue est à la base de la formation, en dialogue avec l’enseignant qui a de l’expérience et qui est cultivé, l’élève peut apprendre à se rendre compte des rapports, à se faire une idée d’ensemble, à distinguer l’important de l’insignifiant, à catégoriser des phénomènes isolés etc. etc. «Autogéré», c’est à dire ne pouvant compter que sur soi, il lui faut infiniment plus de temps – s’il peut jamais réussir. Aujourd’hui, on raconte déjà que les élèves des écoles secondaires qui ont appris à travailler surtout avec des feuilles de travail, ne répondent que par un seul mot et ont des difficultés par exemple à formuler des textes cohérents. Si l’enseignant de l’école communautaire visitée par des hommes politiques était responsable d’environ 20 élèves, il aurait par leçon, en moyenne, environ 2 minutes par élève pour «une assistance sur mesure». C’est très peu de temps. Soyons réalistes: trop peu de temps.
La ministre de l’Education et de la Culture, elle-même a la parole dans l’article mentionné. Son argument principal est le suivant: «Cette lueur dans les yeux des enseignants et des élèves.» En fait, la Ministre est citée comme disant. C’est exactement ce qu’elle a toujours décrit au chef de l’opposition quand elle lui a parlé de l’école communautaire. Si vous croyez l’article de journal, il ne restait plus rien au chef de l’opposition qu’à dire que l’apprentissage individualisé, c’est-à-dire apprendre par soi-même comme à l’école communautaire, serait «possible dans tous les types d’école».
Il se peut qu’il y ait des élèves qui ne peuvent plus s’asseoir tranquillement sur leurs chaises dans un groupe de camarades de classe, et qu’il y ait aussi des élèves qui sont calmes sous la seule condition qu’ils soient au centre de l’intérêt, et qui ont beaucoup de mal à écouter leurs camarades de classe ou leurs professeurs quand ceux-ci n’adressent pas la parole directement à eux. Des élèves qui remarquent qu’ils ne savent pas autant que leurs camarades de classe et qui ont de la difficulté à y faire face de manière appropriée. Des élèves qui ne sont plus en mesure de réaliser un objectif commun avec d’autres. Leurs yeux peuvent aussi «briller» quand ils échappent à la communauté de la classe et quand ils peuvent faire ce qu’ils en ont envie de faire en ce moment. Et plus d’un œil d’un enseignant peut aussi «briller» lorsque ses élèves signalent: Nous sommes «satisfaits» de toi parce que ça marche selon nos idées momentanées et que tu n’exiges pas plus de nous que nous le voulons dans le moment.
Mais une telle chose comme perspective pour la vie? C’est quel modèle de société qui devrait fonctionner selon ces principes? En quelle mesure est-ce qu’une telle société peut être sociale, juste et démocratique?
Outre les enseignants et les hommes politiques, les parents ont eu la parole dans les médias. Le «tageszeitung» a cité une mère qui résumait les parents ayant des enfants plus âgés qui vont au lycée et des jeunes enfants qui vont dans une école communautaire: «Les plus jeunes rentrent de façon détendue et heureuse, sans aucune pression.»
Une question sera permise: Quelles sont les normes pour une bonne école? La détente, la gaieté, absence de pression? Est-ce que cela est le point? Ou est-ce que l’école sert avant tout à quelque chose d’autre? Au fait que les enfants et les adolescents apprennent à faire leurs preuves dans la vie! Qu’eux – cultivés, donc avec un sens solide des réalités, avec la compréhension des rapports, humanitaires et confiants - aident à former le monde dans lequel ils vivront pour le bien de tous! N’est-il pas un déni énorme de la réalité si quelqu’un prétend que «l’apprentissage» fonctionne de façon détendue, toujours heureuse et sans aucune pression?
Quelle vision grotesque du monde est-ce que les adultes imposent aux jeunes s’ils essaient de leur faire gober que la satisfaction instantanée de leurs besoins, si possible immédiatement, serait pour leur bien. «Carpe diem», a déclaré l’époque baroque. Mais ce n’était qu’un slogan sans perspective, un mode de pensée et de vie sans lendemain, une animalisation de l’existence humaine.
Où en sommes-nous aujourd’hui, alors que les «arguments principaux» pour les dernières réformes du système scolaire vont exactement dans cette direction? Y a-t-il vraiment encore des citoyens qui se font avoir avec une telle chose? Et quel en est le but? Cui bono?    •