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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°25, 27 juin 2011  >  Le cumul et le panachage entament le pouvoir des partis [Imprimer]

Le cumul et le panachage entament le pouvoir des partis

Hambourg possède la loi électorale la plus moderne de tous les Länder

par Burga Buddensiek

Le 20 février dernier ont eu lieu les pre­mières élections sous la nouvelle loi électorale. Alors qu’avant, les électeurs ne pouvaient se prononcer que sur les listes de candidats établies par les partis, ils ont eu cette année, avec 10 voix à attribuer, une influence nettement plus grande sur la composition du Parlement. Ils pouvaient répartir librement leurs voix sur différents candidats (panachage) ou les attribuer à un seul candidat (cumul) pour améliorer ses chances d’être élu. Aussi les places sur les listes des partis ont-elles perdu de leur importance. Il est maintenant possible d’élire les candidats selon leur compétence et leurs succès dans leurs mandats précédents.

Manfred Brandt constate que «la nouvelle loi électorale changera Hambourg davantage que la législation populaire». Cet agronome de 66 ans a lutté pendant plus de 10 ans en faveur de la nouvelle loi. En 1996, il a fondé avec quelques personnes partageant ses opinions le groupement régional hambourgeois «Mehr Demokratie» (Davantage de démocratie) et, deux ans plus tard, il a fait la première proposition de modification de la loi électorale par référendum. Brandt se souvient qu’à l’époque, le mouvement fédéral «Davantage de démocratie» ne s’intéressait absolument pas à ce sujet. Il était totalement focalisé sur la législation populaire. Aussi Brandt fonda-t-il le groupement «Mehr Bürgerrechte» (Davantage de droits civiques) en cavalier seul. Le succès se fit attendre. Comme il apparaissait que certaines modifications du premier projet de loi n’allaient pas réunir une majorité, la récolte de signatures en faveur du référendum fut interrompue au printemps 2001. Pour Brandt, élu municipal de longue date, «c’était moins grave qu’un échec», mais il savait qu’il faut attendre longtemps pour changer quelque chose.
Ils étaient encore trois lorsqu’en 2002, ils se remirent à la tâche: «Il nous a fallu ramer», estime-t-il. Le petit groupe chercha des alliés et les trouva finalement auprès d’«Omnibus für Direkte Demokratie GmbH» et à un moment donné, le groupement fédéral «Mehr Demokratie» se rallia à eux. Et l’union faisant la force, le 13 juin 2004, plus de 256 500 citoyens se prononcèrent par référendum en faveur de la loi électorale la plus moderne de tous les Länder. Son objectif principal était de réduire l’influence des partis sur la composition du Parlement. L’élément déterminant pour l’obtention d’un mandat devait être exclusivement le nombre de suffrages que le candidat pouvait obtenir au moyen du cumul et du panachage. Une contre-proposition de la CDU et du SPD, calquée sur la loi électorale fédérale et qui visait à bloquer les listes des partis, fut refusée par le peuple.
C’est qu’on avait fait des expériences: de nombreux citoyens se souvenaient encore que la Cour constitutionnelle de Hambourg avait, en mai 1993, invalidé les précédentes élections en raison de «graves déficits démocratiques dans la procédure de désignation des candidats de la CDU hambourgeoise». C’était un succès obtenu par un groupe d’opposants internes de la CDU, les «rebelles CDU» auxquels appartenait le professeur de droit constitutionnel Karl-Albrecht Schachtschneider.
La direction de la CDU hambourgeoise, qui s’était opposée pendant des années aux tentatives réformistes des «rebelles», ne voulait pas se laisser battre par la volonté populaire. Ne disposant que d’une très faible majorité absolue (trois voix) dans le gouvernement d’alors, les chrétiens démocrates adoptèrent en octobre 2006 une loi électorale qui abolissait à nouveau les caractéristiques déterminantes de la loi électorale voulues par le peuple et garantissait l’influence des partis sur le choix des candidats.
L’opposition se joignit à l’initiative. La «Grün-Alternative Liste» (les Verts) et le SPD déposèrent plainte contre l’amendement de la loi devant la Cour constitutionnelle de Hambourg, ce qui conduisit en 2007 à un nouvel amendement. Mais pour Manfred Brandt et ses alliés, cette modification n’allait pas assez loin. On redescendit dans la rue et l’on récolta à l’automne 2008 (initiative populaire) suffisamment de signatures pour un référendum qui aboutit en 2009.
Entre-temps, le vent avait tourné au sein de la CDU. Depuis février 2008, elle gouvernait avec les Verts et le référendum avait dû avoir lieu le jour des législatives fédérales de 2009. C’est sans doute davantage par calcul politique que par discernement que les deux partis s’inclinèrent devant la volonté populaire. La proposition de l’initiative populaire fut acceptée à une majorité confortable le 26 juin 2009. Elle ne pouvait désormais être modifiée que par une majorité de deux tiers du Parlement de Hambourg et plus contre la volonté populaire. Certes, la loi en vigueur actuellement est un compromis mais Manfred Brandt n’est pas mécontent. «Il faudra peut-être attendre deux ou trois législatures, estime-t-il, mais alors les électeurs et les candidats sauront ce qu’ils ont entre les mains.»
Avant le référendum de 2004, Hambourg possédait la loi électorale la plus rétrograde de l’ensemble de tous les Länder: Les circonscriptions électorales n’étaient qu’une utopie et les listes bloquées des partis la seule possibilité d’élire des candidats. Chaque citoyen ne pouvait donner qu’un suffrage à un parti et il acceptait par là même toute la liste de candidats.
Aujourd’hui, il existe 17 circonscriptions électorales dans lesquelles on peut, selon leur importance, élire directement entre 3 et 5 candidats. Ainsi, les citoyens savent quels députés au Parlement représentent leur circonscription et donc quels sont leurs interlocuteurs. 71 des 121 sièges du Parlement sont attribués par le biais des circonscriptions. Ici, des candidats non inscrits peuvent également se porter candidats. Les 50 sièges restants sont attribués au moyen des listes régionales et là, il est possible de donner ses voix à un parti et donc d’accepter sa liste, mais on peut également donner ses suffrages directement à un candidat.
Cette année, 1035 personnes s’étaient portées candidates aux 121 sièges du Parlement. Pour la plupart des électeurs, cela représentait un énorme défi, car presque personne ne connaissait les candidats. Le temps écourté en raison d’élections anticipées (après la dissolution de la coalition «noire-verte» en décembre) compliqua encore la familiarisation avec la nouvelle loi électorale. Toutefois, on put se rendre compte qu’un vent nouveau, un vent plus démocratique soufflait sur Hambourg: Lors de nombreuses manifestations, les candidats tentèrent de se faire connaître et d’expliquer le nouveau système aux électeurs. Les médias régionaux assumèrent leur rôle d’information grâce à des articles quotidiens d’une ampleur étonnante. Et Internet apporta également une aide importante aux Hambourgeois, soit en permettant de poser des questions directement aux candidats, soit grâce aux réponses données sur les sujets essentiels de la politique locale par les candidats qui représentaient le mieux leurs opinions (Abgeordnetenwatch et ­Kandidatencheck, portail Internet du politologue Gregor ­Hackmack), soit en comparant les programmes des différents partis (wahl-o-mat du «Centre régional de formation politique»), soit en s’informant sur le mode de décompte des voix (Brochure du Bureau électoral régional) ou sur l’apparence et la biographie des candidats (sites personnels des candidats). De nombreux Hambourgeois furent séduits par ce nouveau défi qui leur donnait le sentiment de pouvoir influer véritablement sur la future politique de la ville, mais certains, sans doute, capitulèrent.
A mesure que les élections approchaient, on observait une nervosité croissante dans les partis qui essayaient de contourner cette inhabituelle «liberté civique» par des consignes internes de campagne. Plus le scrutin approchait, plus la nouvelle loi était remise en cause. Plusieurs directions de partis firent savoir que les taux de participation et de bulletins non valables montreraient si la loi électorale avait vraiment besoin d’être modifiée.
Les résultats de l’élection révélèrent que le taux de participation avait atteint un niveau historiquement bas de 57,3% mais qu’il n’était pas plus élevé dans les Länder qui n’avaient pas modifié leur loi électorale. Le taux de bulletins non valables (3,1%) n’était pas nettement plus élevé que lors des précédentes élections parlementaires et était plutôt inférieur à celui des autres Länder. D’après une estimation de wahlrecht.de, les électeurs ont, dans 21 cas sur 121, élu des candidats différents de ceux qu’avaient imaginés les directions des partis. Ainsi, à la suite de coupes drastiques effectuées dans le budget de la culture par le Parlement sortant, les Hambourgeois éprouvaient apparemment le besoin de voir les intérêts de la culture mieux représentés. Ils catapultèrent à la 9e place la directrice du Théâtre Ernst-Deutsch Isabella Vértes-Schütter qui figurait à la 60e place sur la liste du SDP, ce qui lui a valu d’être élue. Walter Scheuerl, moteur du référendum contre la réforme scolaire et candidat non inscrit figurant sur la liste CDU (5e place) obtint deux fois plus de voix que le responsable régional et président du groupe parlementaire de la CDU Frank Schira qui figurait à la 2e place. D’une manière générale, on peut considérer cette première «manche» de la nouvelle loi comme une réussite. Des pro­blèmes peu importants, essentiellement dus au temps de préparation trop court, pourront être résolus facilement. Pour Manfred Brandt, «la nouvelle Loi est de toute façon une modification structurelle qui ne déploiera beaucoup de ses effets qu’à moyen et à long terme, notamment en ce qui concerne le degré de notoriété des candidats.     •

Un concept social sérieux qui a fait ses preuves

rr. Il y a une centaine de jours, les citoyens de Hambourg ont élu leurs représentants au Parlement régional. Le temps des expériences est révolu et également celui de la liste des Verts. Les citoyens ont opté pour une politique de la ville hanséatique qui a fait ses preuves. Un des éléments de cette politique consiste dans sa prise en compte de la responsabilité sociale. Et la poli­tique économique doit y trouver sa place. On ne doit mettre en œuvre des projets que si l’on est en mesure de les financer. Ajoutons en passant que la ministre de la Santé s’est exprimée de manière très claire sur la poli­tique en matière de drogues: On n’a pas besoin d’expériences et l’on peut très bien se prononcer sur les risques de la toxicomanie sans s’être drogué soi-même. Voilà une prise de position parmi beaucoup d’autres qui montre que la question sociale et les mesures sérieuses dont on dispose pour la résoudre continuent d’être déterminantes lors des élections.