La démocratie directe suppose un niveau élevé d’intégrationSession de printemps: mercredi, 13 mars 2013 au Conseil national Au sujet de la révision totale de la Loi fédérale sur la nationalité suissepar Marianne Wüthrich, juristeLe Conseil national examinera en premier les détails du projet de Loi sur la nationalité. Si nous observons ici quelques modifications fondamentales de manière critique, nous ne le faisons que sous l’angle des exigences élevées que notre structure fédéraliste et notre démocratie directe avec son système de milice qui y est relié, impose à ses citoyens. Il n’est que juste et bon que nous accueillions volontiers chaque étrangère et chaque étranger – de quelque pays, groupe ethnique, croyance ou continent qu’ils proviennent – pour autant qu’ils se soient bien intégrés à notre pays et Parmi mes amis il y a bien des étrangers qui se sont établis en Suisse. Ils travaillent ici, leurs enfants vont à l’école communale, ils participent à la vie, essaient d’apprendre le dialecte alémanique – ce qui avouons-le n’est pas si simple – ils s’intéressent aux sujets des projets de votation et au système politique de leur commune, du canton et de la Confédération. Plusieurs font partie d’une société locale et occupent leur fonction en tant que milicien: chez les samaritains, à la protection civile, chez les sapeurs-pompiers. Bref: ils contribuent activement à leur intégration. Plus ils vivent ici et se familiarisent avec notre pays, plus la plupart d'entre eux prenne conscience qu’il faut beaucoup d’efforts pour être réellement capable de remplir son rôle un jour de citoyen suisse. Comment devient-on citoyen suisse?Durant ma longue activité comme professeur d’école de formation professionnelle, j’ai fait la connaissance de nombreux jeunes originaires de divers pays et continents. La plupart avaient déjà la nationalité suisse en entamant un apprentissage professionnel, quelques-uns l’acquerraient durant leur apprentissage. Ils avaient passé une bonne partie ou la totalité de leur scolarité en Suisse, y avaient appris plus ou moins bien le suisse-allemand (selon qu’ils le parlaient aussi en famille ou qu’ils avaient l’occasion de le parler dans leur temps libre) et s’intégraient. En tant qu’apprentis ils faisaient leurs preuves, étaient volontaires et motivés. Bien entendu pas tous – mais cela concerne aussi bien des jeunes qui sont nés avec le passeport suisse. Mes élèves apprenaient des métiers plutôt simples et beaucoup parmi eux – dont quelques-uns Suisses de naissance – ne connaissaient pas particulièrement bien la structure de l’Etat suisse et n’osaient pas se renseigner avant une votation populaire ou apprendre à connaître et à juger le paysage des partis politiques avant les élections. Une partie de ma tâche comme enseignante de culture générale consistait à les familiariser avec notre structure d’Etat et notre politique, à lire et à comprendre avec eux les documents de votations sur le pour et le contre, à remplir avec eux des listes d’élections au Conseil national et à les inciter à participer comme citoyens actifs. Un jour au cours de leur apprentissage, je demandais à mes élèves d’aller voir l’administration de leur commune ou une de ses institutions et de rédiger un petit reportage à ce sujet. Ainsi, les rédacteurs et leurs camarades apprenaient à mieux connaître le contexte dans lequel ils vivaient, du contrôle des habitants aux sapeurs-pompiers jusqu’à la station d’épuration des eaux. La visite à la station de police était leur préférence, mais le président de la commune et le secrétaire communal ont été aussi interviewés. A la fin de leur apprentissage, quelques-uns de mes élèves naturalisés Suisses me racontaient fièrement qu’ils allaient faire leur école de recrues. J’ai souvent fait l’expérience qu’un grand nombre parmi eux savait mieux apprécier le fait d’être Suisse que quelques camarades pour qui cela allait de soi. Je garderai toujours en mémoire ce jeune Kosovar qui, le dernier jour d’école, est venu me remercier pour les leçons de civisme et qui ajouta: si je rentre dans mon pays, je dirai à mes compatriotes comment une démocratie peut fonctionner. Durée de séjour assez longue indispensableCependant, en Suisse la barre est placée beaucoup plus haut. Pour pouvoir participer aux décisions sur le plan des affaires communales, cantonales et fédérales, une accoutumance est nécessaire, ce qui ne peut se faire en un jour. Nous devrions accorder le temps nécessaire à notre prochain qui est venu dans notre pays et qui désire s’intégrer et participer à la vie sociale et politique. Comment mesure-t-on l’intégration?Le Conseil fédéral propose les critères d’intégration suivants: Art. 12 Critères d’intégration1 Une intégration réussie se manifeste en particulier par: A juste titre, bien des Conseillers nationaux s’offusquent de la formulation minimaliste du point c. La «l’aptitude à communiquer dans une langue nationale» ne suffit certainement pas pour profiter des droits et pouvoirs sociaux du citoyen suisse. La majorité de la commission demande donc sous c «l’aptitude à bien communiquer au quotidien dans une langue nationale, à l’oral et à l’écrit». Une minorité de la commission va encore plus loin en ne supposant pas seulement des connaissances dans l’une ou l’autre des langues nationales, mais «l’aptitude à communiquer aisément par oral et par écrit dans la langue officielle de la commune auprès de laquelle a été déposée la demande de naturalisation». ConclusionLe passeport suisse n’est pas seulement un papier qui facilite le voyage de son détenteur et grâce auquel il peut élire tous les quatre ou cinq ans un parti gouvernemental. Il y a une telle abondance de droits et de devoirs politiques reliés au droit civique suisse, tant de possibilités de participer à la structure fédéraliste et de démocratie directe, que bien des gens et des groupes de citoyens d’autres pays aimeraient traduire à leur propre façon une partie du modèle suisse. Ne rendons pas l’acquisition du droit de cité suisse trop facile – car nous avons besoin de citoyens qui connaissent à fond le modèle suisse, qui veulent le conserver et qui sont capables de le transmettre à la génération future. • |