Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°38, 4 octobre 2010  >  Motiver les élèves pour la lecture [Imprimer]

Motiver les élèves pour la lecture

gp. Quelques semaines avant les vacances d’été, j’ai visité avec ma classe de 10e le «Berliner Büchertisch» [Table des livres berlinoise].

Tous se sont réjouis de ne pas devoir rester à l’école où il faisait chaud. Je leur avais dit que nous allions écouter la lecture d’un écrivain. Beaucoup s’attendaient – comme ils me l’ont avoué après coup – à une manifestation ennuyeuse. Après avoir acheté un bouquet de fleurs, nous sommes tous arrivés à l’heure, dans la deuxième arrière-cour de la maison située au Mehringdamm. Quelle surprise: comme il faisait très chaud, la lecture n’allait pas avoir lieu à l’intérieur mais dans l’arrière-cour où des chaises avaient été placées en demi-cercle, à côté une table avec du thé froid et des biscuits et devant les chaises une table pour l’écrivain. Nous avons tout de suite ressentit la manière chaleureuse dont tout avait été préparé pour nous.
Monsieur Stephan Sarek, l’écrivain était déjà présent et les élèves lui ont remis les fleurs et l’ont remercié.
Tous ont pris place. Monsieur Sarek avait posé devant lui son livre qui venait de pa­raître, intitulé «Was versteht Horst denn schon von Lyrik?» [Horst, que comprend-il vraiment de la poésie lyrique?] et il regardait de manière bienveillante dans la ronde.
Madame Lichtwer nous a souhaité la bienvenue. En 2004, elle avait fondé l’institution «Berliner Büchertisch» où travaillent actuellement 30 personnes en partie bénévolement pour ce projet d’entraide. Elle a ainsi ré­ussi à créer des emplois pour des personnes au chômage. Son but était que les gens vivent et travaillent ensemble. Cette institution collectionne des livres et les revend, elle vit donc de dons. Une partie des livres est offerte aux écoles, aux églises et aux orphelinats, car Madame Lichtwer veut aussi contribuer à ce que les enfants et les adolescents soient initiés à la lecture. En coopération avec les enseignants, elle invite les écrivains pour des lectures devant des classes d’école.
Nous avons eu la chance de faire la connaissance de Monsieur Stephan Sarek.
L’histoire, qu’il a lue s’intitulait «Stille Wasser» [Eaux tranquilles].
Tous écoutaient attentivement et sans broncher.
L’histoire traitait d’un homme qui n’était pas satisfait de sa vie, qui pensait qu’il était complètement insignifiant et aspirait à devenir célèbre et à se retrouver sous les feux de la rampe. C’est pourquoi, il a décidé de répondre à une annonce d’une agence de figuration.
Dans cette satire, Stephan Sarek dé­masque avec humour l’ambition d’un individu à ré­ussir un «coming-out» grandiose et met ainsi en évidence la manière inhumaine dont les agences de figuration traitent les gens.
Ce sujet est très actuel. Aujourd’hui, il y a plus de jeunes qui se présentent à des offres de casting qu’à des offres de places d’apprentissage. En leur promettant une réussite ra­pide et beaucoup d’argent, on appâte les adolescents et comme dans l’histoire récitée, on en abuse.
Monsieur Sarek sait capter l’attention de ses auditeurs. Les élèves suivaient avec fascination la lecture et ont applaudi avec enthousiasme lorsqu’il avait terminé. Dans la discusion qui s’ensuivit, ils étaient d’abord un peu réservés. Lorsqu’ils sont devenus eux-mêmes actifs, de vives discussions sont nées. L’ambiance devenait vivante et allègre, car ils devaient répondre à un jeu de questions sur l’histoire. Celui qui répondait le mieux à ces questions, recevrait le premier prix, c’était le livre dont Monsieur Sarek avait lu un extrait.
Tous les élèves étaient concentrés et travaillaient ardemment. L’histoire les intéressait. Ils échangeaient vivement leurs idées. J’ai entendu dire une élève: «Il (le personnage principal de l’histoire) aurait dû davantage parler avec les gens. Il aurait dû s’engager dans une initiative, il aurait alors vu son importance. Il lui manquait des amis.» Une autre élève a ajouté: «Il est clair qu’on doit faire des efforts et apprendre, si l’on veut parvenir à quelque chose.»
Monsieur Sarek a lu ensuite toutes le réponses et les a valorisées. Il a dit qu’il donnerait un prix à chaque élève. Maintenant, un autre élève a souhaité écouter une autre histoire. Celle-ci traitait des incertitudes d’un écrivain. Alors, un élève après l’autre a posé des questions: «De quelle manière vous laissez-vous inspirer pour vos sujets? Quand écrivez-vous et comment écrivez-vous? Avez-vous vécu tout ce que vous décrivez?»
Tous ont réalisé que Monsieur Sarek connaissait ce sur quoi il écrivait et que les êtres humains l’intéressaient. Après une formation commerciale, il est devenu pompier, il a travaillé comme paysagiste, secouriste, radionavigant et figurant. Il a dit qu’il connaissait bien les gens des agences de figuration. Aujourd’hui, il écrit des livres.
Finalement, Monsieur Sarek a écrit une dédicace dans l’exemplaire du livre pour le lauréat. Une formule qui lui plaisait ne lui est pas venue tout de suite à l’esprit. Ainsi, plusieurs élèves ont fait des propositions, ont réfléchi sérieusement aux mots qui pourraient illustrer le souvenir de cette lecture. Ils se sont également rendu compte qu’un écrivain lutte pour chercher les mots appropriés.
Avant que tout le monde se disperse, chacun avait le droit de choisir un livre de la collection de la «Table des livres». Les élèves n’arrivaient pas à y croire, tous ont pu emporter un livre. Plein de joie, ils se sont dirigés  vers les rayons. Certains ont tout de suite trouvé un livre, qui les avait toujours intéressés. D’autres ne pouvaient pas se décider et me demandaient de leur raconter le contenu de l’un ou l’autre roman. Cela a duré un certain temps, mais à la fin, chacun avait trouvé son livre préféré.
Lors de la prochaine leçon d’allemand, tous sont tombés d’accord: C’était une expérience qu’on n’oublierait pas si vite. Un élève a déclaré: «Je ne savais pas qu’il existait quelque chose d’aussi formidable à Berlin. Je vais certainement y retourner.» Un garçon, qui ne se laisse pas si facilement enthousiasmer pour quelque chose, m’a demandé encore une fois le titre exact du livre dont Monsieur Sarek avait lu un extrait. Cela lui a tellement plu qu’il voulait l’acheter. Quelqu’un d’autre a ajouté: «Monsieur Sarek ne nous a pas snobés. Il est un homme comme nous.»
Le lendemain, j’ai reçu un courriel de monsieur Sarek, dans lequel il écrivait que la lecture et la discussion avec cette classe vivante lui avait procuré un grand plaisir.    •