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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°21, 30 mai 2011  >  Le franc-or et le mark-or sont des alternatives [Imprimer]

Le franc-or et le mark-or sont des alternatives

par Bruno Bandulet*

Le conseiller national Ulrich Schlüer exige un franc-or comme monnaie parallèle pour la Suisse. Pourquoi pas aussi un mark-or pour l’Allemagne?

Le 8 mars le conseiller national Ulrich Schlüer (Union démocratique du centre) a déposé une initiative qui pourrait devenir une date-clé sur la voie vers un meilleur ordre monétaire. Le texte déposé est le suivant: «La Constitution est modifiée comme suit: Art. 99 al. 2 (nouveau): La Confédération institue un franc-or officiel comportant des pièces de différentes valeurs nominales ayant chacune une teneur en or fixe. Elle règle les concessions octroyées aux établissements autorisés à frapper les pièces; la frappe des pièces n’est pas imposable.»
Concrètement cela signifierait tout d’abord que des pièces de monnaie en or de différents poids, par exemple de 1 à 50 grammes, seraient mises en circulation de manière non imposable; ce n’est pas la Banque nationale qui serait responsable de la frappe des pièces mais les banques d’affaires intéressées; en outre des billets de banque et des comptes-or couverts à 100 % par l’or seraient offerts.
De cette manière on ne toucherait pas aux réserves d’or de la Banque nationale suisse, car les banques d’affaires autorisées à frapper la monnaie seraient obligées de couvrir la demande par l’achat d’or sur le marché libre. La Confédération n’aurait qu’à surveiller que les règles soient respectées. Le franc-or circulerait comme monnaie parallèle à côté du franc suisse non couvert comme moyen de paiement légal – pas comme monnaie monopole de l’Etat, mais en monnaie libre de l’économie du marché, dans le sens des propositions du Prix Nobel Friedrich August von Hayek. Les Suisses pourraient décider eux-mêmes quelle monnaie ils préfèrent comme moyen de paiement, et laquelle comme garantie de valeur.
Et le franc-or pourrait ralentir la pression de revalorisation qui pèse sur le franc suisse, ce qui est particulièrement important. Car les investisseurs étrangers qui, depuis la crise de l’euro, s’enfuient dans la monnaie-refuge du franc suisse, pourraient alors se tourner vers le franc-or comme alternative.
L’initiative d’Ulrich Schlüer a été co-signée par presque tous les parlementaires de l’UDC. Après les vacances d’été, la Commission des finances du Conseil national s’occupera probablement du projet. En 2012, une loi pourrait suivre – puis la votation populaire requise, car l’introduction du franc-or nécessiterait une modification de la Constitution.
Je ne peux que recommander à la FDP allemande qui, comme chacun sait, manque de propres thèmes, de s’emparer de l’idée de cette initiative suisse. L’idée d’un mark-or a encore plus d’attrait que le franc-or. Pourquoi? – c’est clair: le franc ne disparaîtra pas et en tout cas il sera moins soumis à l’inflation que les autres monnaies-papiers. Personne ne sait si l’euro existera encore dans dix ans et ce qu’il vaudra. Les Allemands auraient particulièrement besoin d’une monnaie parallèle stable – la crise de l’euro serait alors plus facile à supporter.
Aux USA la méfiance envers le dollar-papier grandit: L’Etat d’Utah par exemple prend les devants et décide d’utiliser l’argent et l’or comme moyens de paiement.
Impensable en Allemagne que par exemple l’Etat libre de Bavière prenne l’initiative de reconnaître l’or et l’argent comme moyen de paiement légal. Mais c’est exactement ce que le Parlement de l’Etat fédéral d’Utah vient de décider par une loi. Des mesures semblables sont proposées et discutées dans douze autres Etats fédéraux des USA. Ce qui est peu connu: Dans l’Etat du Colorado, l’or et l’argent sont déjà depuis des décennies des moyens de paiement légaux.
Cette décision de l’Utah avec ses 2,7 millions d’habitants n’a pour l’instant pas de conséquences concrètes – mis à part le fait que l’impôt sur le revenu du capital est annulé pour ce qui est de la vente de métaux précieux. C’est uniquement aux impôts fédéraux qu’Utah ne peut rien changer. Du moins, des membres du Parlement ont chargé un comité de délibérer sur d’autres pas en direction d’un étalon-or officiel. Les chances en sont minimes, car la condition pour un étalon-or serait que la masse monétaire en dollars soit couverte par l’or à un pourcentage défini – et avec cela les élites de Washington se déposséderaient elles mêmes de leur pouvoir.
Egalement significative de l’ambiance régnant aux USA est une information du 17 avril dernier. Elle relate que la commission de gestion des biens de l’Université du Texas, gérant 20 milliards de dollars, s’est fait livré physiquement de l’or, jadis acheté sur papier pour un milliard de dollars. Les lingots sont maintenant déposés dans la grande banque britannique HSBC à New York – probablement pas la meilleure solution non plus – mais les Texans manquent de coffres-forts à eux. Comparé aux 66 milliards de dollars qui en 2010 ont été investis en or dans le monde, de l’or pour 1 milliard de dollars représente vraiment un gros morceau. Qu’une institution aussi sérieuse ne fasse plus confiance à sa propre monnaie en dit long. Reste la question de savoir si la banque d’émission des USA ne devrait pas rapidement prendre des mesures pour stabiliser le dollar au moins temporairement.
Après Martin Hohmann, cela a été au tour de Peter Gauweiler de vouloir savoir où est déposé l’or allemand. Et une fois de plus le gouvernement fédéral mure dans le silence.
Contrairement aux réserves de devises qui n’existent que dans l’ordinateur et qui peuvent être bloquées et dévalorisées en cas de crise, l’or ne fait jamais faillite car il ne représente aucune exigence envers des tiers. L’or est donc la «couverture» la plus précieuse de la masse monétaire de l’euro déclarée dans le bilan de la Banque fédérale allemande, une partie des biens du peuple et un trésor national qui devrait par principe être stocké dans le pays. Mais malheureusement, depuis les temps de la guerre froide, la plus grande partie des réserves d’or allemandes se trouve dans les caves de la Federal Reserve Bank (FED) de New York à Manhattan. Une anomalie qui a, il y a déjà plusieurs années, incité le député de la CDU Hohmanm à demander des renseignements au gouvernement fédéral. En vain. Maintenant c’est Peter Gauweiler (CSU) qui est devenu actif en ce sens. Ci-dessous on peut lire un résumé du questionnaire adressé au gouvernement fédéral et les réponses de ce dernier:
En novembre 2010, Gauweiler a voulu savoir où se trouvent les réserves de la Banque fédérale et si celles-ci sont prêtées en tout ou en partie, et si oui, à qui.
Voici la réponse du ministère fédéral allemand des Finances (BFM) du 17 novembre 2010: «Une partie des réserves d’or (d’un total de 3401,8 tonnes) est détenue par la Banque fédérale dans ses propres coffres-forts à l’intérieur du pays. D’autres réserves sont stockées dans des places de commerce d’or importantes auprès des banques centrales locales. (Londres: Bank of England, New York: Federal Reserve Bank).» Quelle quantité de cet or se trouve où, Gauweiler ne l’a pas appris. Il fut ajouté: «Actuellement il n’y a pas d’or prêté».
Le député n’a pas été satisfait de cette réponse, il a redemandé le 2 décembre 2010: «Est-ce que le gouvernement fédéral sait combien d’or des réserves de la Banque fédérale se trouve actuellement auprès de la Federal Reserve Bank aux USA?»
La réponse du 8 décembre: «[…] malheureusement, je ne peut pas vous donner de renseignements détaillés.» Ensuite le BFM a rassuré Gauweiler: «L’or de la Banque fédérale allemande est stocké sous forme de lingots bien identifiables. Les réserves d’or sont examinées dans le cadre d’une révision régulière.»
Mais Gauweiler ne s’est pas non plus contenté de ces réponses. En décembre encore, il a voulu savoir quel était le rythme de ces contrôles de l’or auprès de la FED et quand pour la dernière fois.
Réponse du 16 décembre 2010: Des collaborateurs de la Banque fédérale sont entrés pour la dernière fois en juin 2007 en compagnie de collaborateurs de la FED de New York dans les locaux fortifiés de la banque et «ont visité les coffres-forts où l’or est stocké dans 122 compartiments». Et de préciser qu’il était séparé des réserves d’autres banques émissaires: «Le directeur de la révision de la FED NY a donné aux collaborateurs de la Banque fédérale allemande une confirmation des réserves.»
Gauweiler, toujours méfiant, a demandé en janvier 2011 si cela suffisait aux principes d’une comptabilité correcte, et si la Banque fédérale allemande avait reçu de la FED, ou bien des autres banques émissaires à chaque jour de référence du bilan, une confirmation que le trésor d’or allemand existait bel et bien.
Réponse du 10 janvier 2011: «Pour répondre à cette question, la confirmation annuelle du lieu de stockage est suffisante.»
Restons-en là, faut de mieux. Mais ce qui demeure sans réponse, c’est pourquoi autant d’or allemand se trouve en fait stocké à New York – et quel en est la quantité. Apparemment, la Banque fédérale n’a jamais insisté pour examiner les numéros des lingots (mis à part quelques échantillons) pour les comparer à sa propre liste d’inventaire. Parmi les experts de l’or américains, avec lesquels je suis en contact depuis des années, court le soupçon que les USA auraient emprunté une partie de l’or allemand pour manipuler le marché monétaire.
On n’en sait pas trop. Mais pourquoi diable prendre un tel risque? En avril, lors d’un souper à Zurich, j’ai rencontré un ancien collaborateur du Crédit Suisse. Il a raconté l’histoire suivante: Un jour, des responsables de la Kuwait Investment Authority, l’un des plus grands fonds d’Etat du monde, sont venus à Zurich pour contrôler l’or qu’ils avaient acheté pour leur dépôt. Grande nervosité dans la banque. Les Arabes ont d’abord été occupés par autre chose et invités à déjeuner. Pendant ce temps, les employés ont dû rassembler la quantité d’or nécessaire dans la banque et même aller en chercher davantage au dépot franc sous douane pour les empiler et les munir d’un écriteau créé en vitesse «Kuwait Investment Authority». Les Arabes ont vu leur trésor et ont été contents.    •

Source: eigentümlich frei, no 112, mai 2011
(Traduction Horizons et débats)

*    L’éditeur, journaliste et auteur Bruno Bandulet a été entre autre chef de service au journal «Die Welt» et membre de la rédaction de l’hebdomadaire «Quick». Il est l’éditeur du service d’information «Gold & Money Intelligence (G&M)». De 1995 jusqu’à fin 2008, il a été l’éditeur du service d’analyse «Deutschland Brief», qui continue à être publié depuis 2009 sous forme de chronique dans eigentümlich frei.