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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°37, 10 septembre 2012  >  La Suisse est un pays d’herbages [Imprimer]

La Suisse est un pays d’herbages

Lait de consommation blanc à partir de fourrage vert

par Heini Hofmann

Presque plus imaginable: La Suisse était autrefois boisée jusqu’à la limite des arbres. Aujourd’hui, le pays d’herbages domine. Environ 80% de la surface utilisée pour l’agriculture de 1,5 millions hectares sont couverts par des prés et des pâturages. Cependant: Sans le travail des paysans, l’état originel serait de nouveau réalité dans peu de décennies!

Les conditions de l’environnement comme la constitution du sol et le climat favorisent la culture de fourrage dans notre pays, et elles sont pratiquement optimales pour la croissance de l’herbe. Tout cela à part le fait que c’est à peine s’il y a des alternatives à l’utilisation des terres pour la culture de fourrage (et forestière) dans le Jura, dans les Préalpes et dans les régions montagnardes elles-mêmes.
Pour cette raison, le lait blanc et la viande rouge sont produits ici à partir d’herbe verte. Et comme ce processus d’herbe et de foin se transformant en lait et en beurre se trouve dans la zone de tension entre l’économie et l’écologie, il affecte non seulement les producteurs, mais aussi les consommateurs.

Lait suisse = Lait de fourrage

La surface helvétique entière se répartit en gros en trois morceaux de gâteau: 30% de surface improductive, 30% de forêt et de buissons ainsi que 40% de surface d’utilisation agricole. De cette dernière, environ les quatre cinquièmes sont de la végétation de pays d’herbages (des prairies artificielles et naturels ainsi que des prairies d’alpages), dont résultent 8 à 10 millions de tonnes de fourrage par an (calculé en quantité de foin).
Les herbivores, parmi les animaux de rente, ennoblissent les herbes des prairies, le trèfle et les herbes en les transformant en aliments de haute qualité comme de la viande et du lait. Dans toute la Suisse ce sont environ 1,6 millions de bovins (dont plus de 700 000 vaches laitières), 430 000 moutons, 66 000 chèvres et 51 000 chevaux. Si on leur donnait à manger du fourrage concentré (p.ex. des céréales, du soja), ils seraient des concurrents de nourriture de l’homme. En moyenne, nos vaches laitières se nourrissent à trois quarts de fourrage et seulement à un quart de fourrage concentré. Dans certains pays, le rapport est exactement l’inverse.
Pour cette raison, le lait suisse est considéré comme lait de fourrage. Pour couvrir les besoins de substances nutritives, une vache laitière a besoin d’environ 100 kg de fourrage vert ou d’environ 15 kg de foin par jour (et de 50 litres d’eau). Et comme ni les insecticides contre les plantes nuisibles, ni les fongicides contre les champignons ne peuvent être appliqués sur des prés suisses, le lait de nos vaches a aussi un avantage de qualité.

La vache laitière – miracle d’ennoblissement

Contrairement au boeuf, l’homme (mais aussi le cheval et le cochon) n’a qu’un estomac de glande. La vache, en revanche, dispose d’un estomac de ruminant à plusieurs poches, se composant de trois panses (la panse à 150 litres, le réseau à 8 litres et le feuillet à 11 litres) ainsi que d’un estomac de glande (caillette à 15 litres).
Pour cette raison, la vache laitière est un véritable phénomène d’ennoblissement, ce que nous démontrons à l’exemple du Plateau à exploitation intensive: Une vache moyenne mange le rendement de fourrage d’un demi hectare de pré par an et elle génère 5500 litres de lait avec cette quantité de nourriture – une performance presque sur-animale. Car un fromager peut par exemple en fabriquer 100 meules d’Appenzeller à 5 kg, 38 kg de beurre ou environ 30 000 yaourts.
Cette transformation merveilleuse d’herbe en lait se produit en plusieurs pas: L’herbe est ramollie et traité à l’aide de bactéries dans la panse. Le réseau renvoie la matière trop peu broyée vers la bouche pour la faire ruminer. Le feuillet retire ensuite de l’eau à la purée de nourriture pendant que la véritable digestion s’effectue dans la caillette. Finalement, dans l’intestin, des substances nutritives de la bouillie assimilée sont transférées dans le sang qui les transporte à la mamelle où le lait se forme à partir d’eau et d’éléments nutritifs.

Le cycle des substances nutritives

Le principe de donner et de prendre est aussi valable pour l’utilisation des ressources agricoles. Le but du paysan doit être pour cette raison: cycle fermé de substances nutritives et bilan de substances nutritives équilibré. Car des herbes de prés, du trèfle et des herbes retirent au sol des substances nutritives comme de l’azote, du phosphore ou du potassium. Les animaux de rente mangeant de l’herbe absorbent celles-ci, ils en éliminent cependant de nouveau la majeure partie dans les excréments et l’urine. Ce cycle se referme par la distribution d’engrais naturels sous forme de fumier et de lisier.
Toutefois, 10 à 20% de substances nutritives quittent ce cycle en tant que lait et viande. Elles sont remplacées par des quantités minimales de fourrage concentré et d’engrais du commerce. En outre, la capacité des sortes de trèfle de fixer à l’azote de l’air rend inutile une fertilisation d’azote intensive, comme elle est d’usage dans la production artificielle de fourrage à l’étranger (= des herbes pures semées).
Les vaches sont aussi des gourmets et elles préfèrent manger de jeunes plantes de pré juteuses avec un taux élevé en énergie, en protéine, en substances minérales, en oligoéléments et en vitamines. Et comme nos vaches laitières reçoivent peu de fourrage concentré, elles sont deux fois plus dépendantes de fourrages de haute qualité. Ceci mène automatiquement à un exercice sur la corde raide entre l’économie et l’écologie, entre l’intensification et l’extensification.

Des types de prés divers

Comme nos animaux de rente doivent fournir de la performance et qu’on veut employer du fourrage concentré avec modération, la part principale du fourrage provient de prés cultivés de façon moyenne et très intensive. Si ces dernières sont fauchées quatre à six fois ou si on y laisse pâturer les bêtes, les plantes résistantes à la coupe ou à la morsure fréquentes domineront bientôt, à savoir l’ivraie, le pâturin des prés (Poa pratensis), le vulpin, le trèfle blanc et le pissenlit des prés.
Dans des prés à exploitation moyenne intensive se trouvent le dactyle (Dactylis glomerata), des herbes à grande taille, comme le cerfeuil des prés et l’acanthe, ainsi que dans des prairies artificielles du trèfle rouge et de la luzerne. Dans le domaine de l’agriculture, la prairie artificielle semée forme le fondement de la nourriture des bovins et le pré forme en même temps un maillon important dans l’alternance des fruits en repoussant les mauvaises herbes et des maladies des plantes et en améliorant la structure du sol.
Ce qui plaît davantage au profane, ce sont des prés intensivement ou même extensivement exploités. La prairie maigre est typique des premiers, avec des fleurs sauvages et une première coupe tardive. Leur rendement est faible, mais l’utilité pour la biodiversité est grande. L’exemple le plus important d’une prairie maigre avec seulement une à deux coupes par an est la pelouse maigre de brome dressé (Bromus erectus, famille des graminées) sans fumure et aux pentes ensoleillées sèches. C’est là qu’on trouve la communauté de plantes la plus riche.

Où les fleurs sont-elles restées?

A la suite d’une exploitation intensive, les prés à foin riches et fleuris sont devenus particulièrement rares sur le Plateau. Mais ce serait justement ces prés-là qui offrent de l’espace vital aux plantes en danger et à beaucoup d’animaux sauvages (insectes, oiseaux etc.), et qui ornent en outre le paysage et offrent aux yeux des touristes un véritable pâturage.
Pour que les plantes de tels prés à fleurs puissent disperser leurs semences, ils doivent être fauchés très tard, ce qui signifie que le rendement de nourriture et la qualité sont bas. Et comme la société est divisée (produits bon marché versus conditions paradisiaques) et que la concurrence étrangère peut produire sur de grandes surfaces et de manière plus rationnelle, donc meilleur marché, le paysan est pris entre le marteau et l’enclume.
Pour concilier de nouveau l’économie et l’écologie, soit les pots de lait remplis et les bouquets de fleurs, quelque chose s’est passé dans l’agriculture ces dernières années. Cette quadrature du cercle s’appelle exploitation graduée des prés d’une entreprise, c’est-à-dire d’une exploitation intensive (fourrage pour les animaux de performance) à l’exploitation peu intensive (nourriture pour jeune bétail, vaches taries, moutons ou chevaux). Une telle création de nouveaux espaces vitaux proches de la nature fonctionne seulement grâce à des indemnisations et, à long terme, seulement si la pensée des consommateurs suit aussi.

Des prés en comparaison

L’exemple qui suit montre à quel point les rendements de différents types de prés sont différents au même emplacement:
Sur un hectare (10 000 m²) des terres d’herbages dans le domaine de la vallée, on peut produire sur un pré de trèfle blanc d’herbe intensif avec cinq coupes par an 12 400 litres de lait. Mais sur un pré de foin extensif et richement fleuri, avec seulement deux à trois coupes par an, on produit seulement 6600 litres. Cette différence est aussi valable pour les domaines de montagne, seulement là le rendement en nourriture et en lait est généralement plus bas.    •
(Traduction Horizons et débats)