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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°21, 30 mai 2011  >  Un pionnier du droit à la vérité [Imprimer]

Un pionnier du droit à la vérité

Attribution du «Kant-Weltbürgerpreis» au juge espagnol Garzón

par Eva-Maria Föllmer-Müller

«Seule la volonté unanime et unifiée de tous, dans la mesure où une personne peut décider d’une chose qui concerne tout le monde et où tout le monde peut décider d’une chose qui concerne une personne, peut avoir force de loi en tant que volonté populaire.» C’est sous le signe de cette phrase d’Emmanuel Kant tirée de «das Staatsrecht» (§ 46) qu’a eu lieu le 7 mai, à Fribourg-en-Brisgau, l’attribution du 4e Kant-Weltbürgerpreis de l’Europas Erbe als Auftrag. Freiburger Stiftung zur Förderung eines kantischen Weltbürger-Ethos (Le patrimoine européen comme mission. Fondation fribourgeoise pour la promotion d’une éthique kantienne de citoyens du monde).
Quelque 150 personnes ont participé à la cérémonie de remise du prix qui a été attribué cette année à la comtesse Anna von Bernstorff de Lüchov-Dannenberg et au juge d’instruction espagnol Baltasar Garzón.
Ce prix récompense des personnalités qui se sont illustrées par une attitude courageuse et éthique.
Baltasar Garzón, ancien juge d’instruction à la Cour suprême espagnole, l’Audience nationale, a été honoré en tant que «défenseur déterminé de l’Etat de droit démocratique qui combat résolument le trafic de drogue et le terrorisme en respectant avec la même détermination les droits des accusés.»1 Il est surtout connu pour œuvrer avec courage et détermination en faveur du développement d’une juridiction universelle tout en exploitant à fond les possibilités du droit espagnol. Il a traduit en justice des dictateurs sud-américains comme Pinochet et a également enquêté sur des hommes politiques américains coupables de violations des droits de l’homme et du droit international dans la prétendue guerre contre le terrorisme».1
Hans Christof von Sponeck, ancien adjoint au Secrétaire général de l’ONU, a salué les participants en attirant leur attention sur le fait que les bouleversements actuels de la société ne se faisaient pas loin de nous mais nous concernaient tous directement. Il a félicité les lauréats d’œuvrer pour la paix, la justice et l’humanité.
Le grand défi de notre époque consiste à surmonter l’écart entre ce que l’on considère comme juste et l’acquis. La paix ne doit pas être seulement une époque entre deux guerres. Le deux poids deux mesures dans la jurisprudence, l’économie et la politique doit être abandonné. C’est une question de volonté politique.
Ulrich von Kirchbach, adjoint au maire pour la culture, la jeunesse et les affaires sociales de la ville de Fribourg-en-Brisgau, a qualifié les lauréats de personnes responsables. Il a cité un passage de l’ouvrage de Kant «Réponse à la question: Qu’est-ce que les lumières?» (1784) «La paresse et la lâcheté sont les ­causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps d’une direction étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu’il soit facile à d’autres de se poser en tuteurs des premiers. Il est si aisé d’être mineur! Si j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui décide pour moi de mon régime, etc., je n’ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même.»
Le donateur Bertold Lange a commencé son introduction en précisant l’objectif et l’actualité du Prix Kant en évoquant la gravure de Goya «Le sommeil de la raison engendre des monstres». Il a mis l’accent sur l’importance du rapport entre l’Etat de droit et la démocratie et sur la sauvegarde du patrimoine culturel de l’Europe. Dans son tour d’horizon de l’histoire européenne du droit, il est remonté jusqu’à l’Ecole de Sala­manque et a rompu une lance en faveur du droit en tant qu’instrument de domestication de la violence.
Il a indiqué qu’aujourd’hui, on avait beau avoir la Charte de l’ONU et la Déclaration universelle des droits de l’homme, leur application et leur contrôle laissaient à désirer.
Il a rappelé que plus jamais une guerre ne devait être déclenchée par l’Allemagne mais que ce pays occupait le troisième rang mondial pour les exportations d’armes.
Le professeur de droit Alfred de Zayas, expert du droit international et des droits de l’homme auprès de l’ONU à Genève, a prononcé l’éloge du juge espagnol Baltasar Garzón, défenseur du droit international, des droits de l’homme et du droit à la vérité: «Il est bon qu’il existe des hommes ayant le courage de dire les vérités néces­saires.» Dans le monde entier, 22 universités ont décerné le titre de docteur honoris causa au juge Garzón qui a 55 ans aujourd’hui et est l’auteur de plusieurs ouvrages.
Dans ses remerciements, Baltasar Garzón a relevé l’importance de Kant pour le droit international: il a grandement contribué «à surmonter des incertitudes du droit international.» Garzón a souligné qu’il existait dans le monde des alternatives aux armes et à la violence: le dialogue, la tolérance, l’égalité et l’élimination de l’impunité. Une justice universelle crée les conditions préalables à la lutte contre l’impunité. En plus de sa mission juridique, la justice a aussi un devoir moral à accomplir. Il a rendu hommage à la Cour européenne des droits de l’homme, à la Cour interaméricaine et à la Cour pénale internationale. Mais il faudrait une «vraie communauté juridique internationale». Le combat pour l’humanité se manifeste dans la revendication d’une raison politique et de la tolérance humaine que Stefan Zweig avait présentée dans son ouvrage «Conscience contre violence: Ou Castellion contre Calvin».     •

1     Citations du texte de l’invitation à la cérémonie.