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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°38, 22 septembre 2008  >  En Géorgie l’Occident succombe face à sa propre erreur stratégique [Imprimer]

En Géorgie l’Occident succombe face à sa propre erreur stratégique


par Kishore Mahbubani, Singapour

Parfois les petits événements renvoient aux grands changements. Le fiasco géorgien pourrait être un tel événement. Il annonce la fin de l’après guerre froide. Mais il ne marque pas le retour de n’importe quelle nouvelle guerre froide. Il marque un retour plus grand: le retour de l’Histoire.
L’après guerre froide a commencé sous le signe d’un triomphalisme occidental, symbolisé par le livre «La fin de l’Histoire» de Francis Fukuyama. Le titre était d’un sans-gêne, mais il a saisi l’esprit du temps qui régnait à l’Occident. L’Histoire a connu sa fin avec le triomphe de la civilisation occidentale. Le reste du monde n’avait pas d’autre choix que de céder devant l’avance de l’Occident.
En Géorgie, la Russie a déclaré sans équivoque qu’elle n’entendait plus se soumettre à l’Occident. Aprés deux décennies d’humiliation, la Russie a décidé de riposter. Dans peu de temps, d’autres puissances vont l’imiter. En vertu de sa puissance écrasante, l’Occident a pénétré dans des espaces géopolitiques d’autres pays dormants. Mais ils ne dorment plus, en particulier en Asie.
En réalité, la majorité des pays du monde est surprise de voir l’Occident considérer la Géorgie comme une victime de la Russie. Les Etats-Unis ne tolérerait pas non plus que la Russie pénètre dans sa sphère géostratégique en Amérique latine. Les Latinoaméricains ont bien compris la double morale des Etats-Unis. De même tous les commentaires musulmans constatent que les USA ont envahi aussi l’Irak de manière illégale. Ni l’Inde ni la Chine ne se sont laissées amener à protester contre la Russie: Cela montre combien la vision occidentale de la Géorgie est isolée selon laquelle le monde devrait aider le parti discriminé, la Géorgie contre la Russie. En réalité, la plupart des pays soutiennent la Russie contre l’Occident tyrannique. Le décalage entre la présentation occidentale et le reste du monde ne pourrait être plus grand.
C’est pourquoi il est décisif pour l’Occident de tirer la bonne leçon de l’expérience en Géorgie. Il doit réfléchir stratégiquement aux options limitées dont il dispose. Après l’effondrement de l’Union soviétique, les penseurs occidentaux supposaient que l’Occident ne devrait jamais faire de compromis géopolitiques. Ils pensaient que ce serait l’Occident qui  pourrait dicter les conditions. Maintenant il doit reconnaître les réalités. Les populations occidentales de l’Amérique du Nord, de l’Union européenne et de l’Australasie (Australie, Nouvelle-Zélande, Océanie) comptent au total 700 millions, ce qui représente 10% de la population mondiale. Le reste, les 90%, se sont transformés d’objets de l’Histoire en sujets. Le «Financial Times» du 18 août a titré «Front unitaire de l’Occident à l’egard de la Géorgie». Il aurait fallu écrire: «Le reste du monde attribue à l’Occident la responsabilité du conflit géorgien.»     •

Source: The Financial Times du 20/8/08 (extrait)