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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 11, 20 avril 2015  >  Considérer la protection de la vie comme règle suprême [Imprimer]

Considérer la protection de la vie comme règle suprême

Interview de Marianne Streiff, conseillère national, PEV Berne

Horizons et débats: Pourquoi le Conseil national a-t-il élargi le projet de loi proposé par le Conseil fédéral également aux couples en bonne santé?

Marianne Streiff: Beaucoup de parlementaires pensent que ce qui est faisable est également juste. Du point de vue médical, on est capable d’élucider beaucoup de choses, par exemple des anomalies chromosomiques telle la trisomie 21. Donc, d’après la majorité du Parlement, on ne devrait pas se limiter aux maladies héréditaires mais pouvoir faire des analyses qui vont plus loin. Cela nous amène sur une mauvaise piste. On a déjà eu le débat sur les «bébés sauveurs» que beaucoup de membres du Conseil national et du Conseil des Etats auraient bien voulu introduire. C’est pour nous une voie que l’humanité ne devrait pas prendre.

Qu’est-ce que sont les «bébés sauveurs»?

C’est un embryon apte à donner des cellules souches génétiquement compatibles à une petite sœur ou un petit frère malade.
Un autre aspect est la question de la discrimination. Qu’est-ce qui est discriminatoire dans les procédures du DPI?
La discrimination consiste à déterminer quelle vie est digne d’être vécue et laquelle ne l’est pas. Celui qui vit avec un handicap comprend qu’avec le DPI il devrait être éliminé, il ressent qu’on ne veut pas de lui. C’est une discrimination claire et nette envers les handicapés.

Vous avez dit lors de la conférence de presse que le tout n’était en vérité pas une question de politique mais une question d’éthique. C’est absolument pertinent.

Notre façon de voir dépend de notre image de l’homme. Nous décidons quasiment quel être humain est digne de vivre et quel autre non. Là derrière ne se cache-t-il pas le but d’une société sans maladies ni handicapes? Est-ce que dans notre société les handicapés ont leur place? Considérons-nous les êtres humains porteurs d’handicap comme enrichissement ou comme obstacle pour nous tous? Tout dépend de l’image de l’homme que nous avons. La base est une conception éthique liée aussi à une conception religieuse.

Les partisans de cet article constitutionnel mettent en avant la pression de l’étranger et que la Suisse devrait s’y adapter. Qu’en pensez-vous?

Pour moi, c’est tout à fait clair. Nous ne devons pas réaliser tout ce qui est faisable. Nous ne devons pas nous plier à toute pression étrangère, pour la seule raison qu’à l’étranger, plus est permis à ceux qui veulent recourir à de telles méthodes. Le diagnostic préimplantatoire ne représente pour moi pas un progrès, mais un pas dangereux en arrière. A voir l’histoire, une certaine sélection a déjà été pratiquée une fois. Le voulons-nous à nouveau?

Dans quelle mesure l’aspect économique importe-t-il?

On ne peut pas nier le grand intérêt de l’industrie pharmaceutique et de la recherche. Lorsqu’on imagine que tous les couples qui font recours à l’insémination artificielle veulent faire ces analyses, l’enjeu financier est évident. Les intérêts économiques sont bien présents, on ne peut pas l’ignorer.

Comment pourrait-on animer le débat sur cette question éthique au sein de la population?

Qu’est-ce qui va se passer lorsque la protection de la vie n’est plus considérée comme valeur suprême? Cette question devra être discutée sérieusement dans la société. Nous devons démontrer quelles seront les conséquences lorsqu’on ne protège plus la vie, mais décide quelle vie devra être protégée et laquelle n’en vaut pas la peine. C’est ce qu’il faut thématiser.

Quelles seraient les conséquences si la protection de la vie n’était plus considérée comme principe suprême?

Cela nous amènerait à une désolidarisation totale envers les êtres humains porteurs d’un handicap. Cette question ne s’arrête pas là, il s’agit de discuter également sur la fin de vie ou les maladies graves. Combien l’être humain doit-il nous coûter? Est-ce qu’un accompagnement lors d’une maladie grave vaut encore la peine? Là, nous touchons vite à la question de l’euthanasie active. Lorsque l’être humain a l’impression qu’il n’est plus qu’une charge et qu’il coûterait trop à la société, alors nous sommes arrivés à un stade très dangereux pour notre société et la vie humaine. Nous devrons empêcher cela par un Non lors de la votation fédérale du 14 juin.

Madame la conseillère, merci beaucoup de cet entretien.    •

(Interviews réalisées par Thomas Kaiser)