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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°5, 6 février 2012  >  Réplique à: «Graves problèmes pour les Forces aériennes» [Imprimer]

Réplique à: «Graves problèmes pour les Forces aériennes»

par Alfred Ramseyer, Brigadier à la retraite, ancien chef EM forces aériennes

«Servir et disparaître!» C’est ce que je me suis proposé de faire il y a 14 ans. L’article paru le 15 janvier dans la «Neue Zürcher Zeitung» m’a incité à m’écarter pour une fois de ce principe.

Depuis de nombreuses années, tout ce qui a été «découvert» par ce compte-rendu de l’inspection du DDPS (rapport original de l’inspection du DDPS) et par Andreas Schmid, aurait pu être vérifié aux archives fédérales ou aux archives des forces aériennes, en tant qu’avertissement des conséquences de l’euphorie de réorganisation qui régnait alors, et on aurait pu avoir le tout à moindres frais.

Nous nous sommes battus durant environ deux décennies pour faire désigner un commandant d’aérodrome responsable sur nos aérodromes de guerre, comme c’est l’habitude dans toutes les forces aériennes de ce bas monde. Ce but fut finalement atteint, mais on a entre-temps et par la suite enlevé à ce commandant les moyens pour assurer les opérations aériennes à temps et de façon efficace. Aujourd’hui il dispose encore de quelques avions et pilotes, ainsi que du personnel de préparation des avions pour le vol. L’aérodrome, toutes les installations, la sécurité de vol, la surveillance aérienne locale, la maintenance des avions (réparations et révisions), ainsi que la logistique générale, font partie d’autres unités d’organisation qui ne sont pas subordonnées au commandant de l’aérodrome.

Le commandant de l’aérodrome a sombré au rang d’un coordinateur/administrateur qui doit essayer de concilier, en y consacrant énormément de temps, toutes les instances qui lui sont attribuées et qui selon l’organisation actuelle arrivera la plupart du temps trop tard en cas de coup dur.

Cependant, pour des missions de défense de l’espace aérien dans notre petit pays à la profondeur d’espace restreinte, ce sont les minutes et les secondes qui décident d’un succès ou d’un échec. Lorsqu’un F/A-18 – ou peut-être à l’avenir un Gripen – ne peut décoller qu’avec 45 minutes de retard, parce que selon le modèle helvético-administratif beaucoup de temps a été perdu au sol, un pilote ne peut – même avec la meilleure des guidances pour chasseur – identifier ou combattre son objectif à temps.

Comment en est-on arrivé là?

Au début des années 90, lorsqu’on planifia «Armée 95», il y avait encore une CDN (Commission de défense nationale) qui, sous la conduite du CDMF (Chef du département militaire fédéral), prenait des décisions. Dans cette Commission, une seule personne possédait une compétence effective en la matière dans le domaine de la guerre aérienne. C’était le commandant des forces aériennes. Celui-ci défendait avec véhémence, jusqu’à la limite du possible, son organisation qui fonctionnait bien à l’époque. Dans la plupart des cas, il était soutenu par ses collègues, mais le DMF/ GrA (Groupement de l’armement) a alors voulu procéder à une réorganisation selon des critères purement économiques.

En ce temps, on engagea pour quelques millions de francs des «experts» étrangers qui présentèrent des aspects avant tout économiques et qui cherchaient des potentiels d’économie. Les nécessités opérationnelles ne semblaient alors jouir d’aucune priorité.

Sous la pression d’économies, de réorganisations et de réductions, les forces aériennes furent démontées pièce par pièce:

•   d’abord dans le domaine de la maintenance des avions, des réparations et révisions pour arriver à l’actuelle RUAG,

•   plus tard la sécurité aérienne jusqu’à «Skyguide»,

•   plus tard l’infrastructure pour arriver à «armasuisse»,

•   les domaines de la logistique des forces aériennes furent transmis à la base logistique de l’armée,

•   et finalement la surveillance de l’espace aérien (FLORAKO), l’exploration aérienne des forces aériennes ainsi que le service des transmissions aériennes durent être remises à la Base d’Aide au Commandement de l’armée (BAC).

•   En passant: même les explorateurs parachutistes furent mutés des forces aériennes.

Ce «dégonflage sanitaire» et la réduction constante du personnel continuèrent lors de la planification d’«Armée XXI».

Il est d’ailleurs possible de prouver que ces «exercices d’économies» coûtent en pratique passablement plus aujourd’hui que dans l’ancienne organisation qui avait fait ses preuves.

Ce qui demeure, c’est une organisation de nos aérodromes qui, dans un tranquille temps de paix suffit à peine, mais qui lors d’opérations plus conséquentes, par exemple le «WEF» de Davos (46 jours) atteint déjà ses limites et qui en cas de coup dur échouera, selon une probabilité confinant à la certitude.

Depuis des décennies, on ignore de façon coupable le principe militaire – éprouvé et accepté dans le monde entier: «un espace – une mission – un chef doté des moyens appropriés».

Ceci ne se produisit pas, parce que les forces aériennes le voulaient ainsi! Mais parce qu’au niveau du Parlement et de l’armée, dans le domaine de la politique de la sécurité, des décisions furent prises qui favorisèrent cette évolution. Il n’y a jamais eu, et il n’y a pas beaucoup de parlementaires qui dans ce domaine disposent d’un savoir technique bien fondé et provenant d’expériences personnelles. La génération actuelle de nos «représentants du peuple» a été élevée dans l’abondance et il lui manque manifestement l’imagination pour concevoir que la paix éternelle avec un niveau de vie débordant pourrait un jour trouver sa fin.

De mon modeste point de vue il n’y avait, et il n’y a au sein du commandement suprême de l’armée pas assez de compétence spécialisée effective, acquise par une pratique durant de longues années, qui sache expliquer aux décideurs de façon convaincante les tenants et les aboutissants de la conduite de la guerre aérienne et les besoins organisationnels de nos forces aériennes. La nouvelle «structure faîtière de l’armée» actuellement en traitement prouve que dans ce domaine apparemment rien n’a changé.

Les organisations et les partis qui veulent officiellement supprimer notre armée et qui ne veulent pas non plus d’avions de combat – parce que superflus! – feront un jour partie des premiers qui appelleront l’armée au secours. Mais nos parlementaires assumant actuellement des responsabilités ne seront à ce moment plus en fonction et s’en tireront malheureusement sans dommage.

Il me reste à espérer que le reportage d’Andreas Schmid et les conclusions de l’inspection du DDPS auront enfin un effet concret et que les forces aériennes récupéreront les moyens et le personnel dont elles ont besoin pour remplir leur mission complexe à temps et avec l’endurance voulue.

Alfred Ramseyer, Brigadier à la retraite, ancien chef EM des Forces aériennes, Corcelles-près-Payerne

Publié le 19 janvier 2012 sur le blog des of EMG suisses, blog.ggstof.ch

(Traduction Horizons et débats)