Courrier des lecteurs

La désindustrialisation de l’Europe

Il est compréhensible que les physiciens ne se soient pas exprimés sur la catastrophe nucléaire de Fukushima (Horizons et débats n° 20 du 23/5/11)

1.    La sûreté des centrales nucléaires est la même après Fukushima qu’avant. On avait tout dit, tout étudié et tout décidé. Du point de vue de la physique, il n’y a rien de neuf.
2.    Pour les physiciens, seul un débat entre experts aurait eu un intérêt. Mais il est inutile, comme le démontre le point 1, et de toute façon il ne pourrait guère être ex­pliqué à l’opinion publique.
3.    Les physiciens ne sont pas disposés à se mêler de l’euphorie politique, car il est bien clair qu’on a affaire à une attitude hypocrite: ce que l’on désire, c’est la désindustrialisation de l’Europe, notamment de l’Allemagne (cf. les projets américains de transformation de l’Allemagne en un pays uniquement agricole!) qu’on pourrait d’ailleurs obtenir par une raréfaction de l’énergie. Mais la question ne peut être abordée objectivement car elle est politiquement incorrecte.

Hans Berger, chimiste et biologiste moléculaire, Birsfelden

hd. Nous remercions vivement M. Berger pour sa prise de position honnête et instructive.
A propos de 1: Si la sûreté des centrales nucléaires était déjà si précaire avant Fukushima qu’il aurait fallu les désactiver, pourquoi n’a-t-on pas informé les populations de nos pays démocratiques de manière honnête et objective?
A propos de 2: Dans la mesure où l’on en­seigne la physique dans les lycées et les écoles supérieures (cette discipline relève des sciences de la nature et possède donc des contenus solides qui ne sont pas faits d’opinions et ne dépendent pas de ­l’esprit du temps comme les interprétations de la poésie), il doit aussi être possible de transmettre les faits les plus importants aux citoyens responsables. Actuellement, nous aurions les moyens techniques de transformer nos chaînes de télévision en universités populaires offrant du téléenseigne­ment.
A propos de 3: On a de bonnes raisons de penser qu’il existe des projets de désindustrialisation, comme les Américains les avaient envisagés après la Seconde Guerre mondiale. Les adeptes de l’écologie des profondeurs travaillent dans le même sens (il s’agit d’un groupe mis en place au début des années 60 sous la forme d’une opération secrète américaine). Les membres du comité fondateur étaient Arne Naess, Martin Heidegger avec son réseau de contacts datant de l’époque hitlérienne et Hans Jonas, membre du Haganah. Jean-Christophe Rufin donne un aperçu de ce groupe malthusien dans l’épilogue de son ouvrage intitulé «Le parfum d’Adam». Le fait qu’à présent des représentants des Eglises s’en mêlent avec une espèce de «théologie du nucléaire» ne contribue pas à rendre les choses plus rationnelles. S’il existe vraiment des projets visant à revenir à l’époque d’avant les Lumières, les populations des pays démocratiques ont droit à un débat ouvert et honnête. Et la phy­sique, tout comme les autres sciences de la nature, n’a pas le droit de se tenir à l’écart de ce débat.

Chacun d’entre nous doit effectuer un travail sérieux et fiable dans sa discipline. Pourquoi cela serait-il impossible en politique?

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