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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº33, 20 août 2012  >  Interreg IV – la politique régionale de l’UE et la Suisse [Imprimer]

«L’initiative Interreg est d’autant plus importante, parce qu’elle introduit quelque
chose de tout nouveau: la ‹gouvernance› transnationale. Une nouvelle forme d’un
guidage politique, qui laisse supposer, à quoi pourrait ressembler une politique européenne, qui dépasse réellement les frontières traditionnelles.»

Michel Barnier, alors (de 1999 à 2004) Commissaire européen pour la Politique régionale et les Réformes institutionnelles (depuis 2010, de nouveau Commissaire européen pour le Marché intérieur et les Prestations de services). In: Europäische Kommission. Die Politiken der Gemeinschaft und die Berggebiete. Konferenzbeiträge. Brüssel, 17–18 octobre 2002, p. 46

Interreg IV – la politique régionale de l’UE et la Suisse

Avons-nous négligé de surveiller le Gouvernement fédéral?

mw.km.thk. Entre 2007 et 2013, l’UE dépense 8,7 milliards d’euros pour un programme de soutien de projets transfrontaliers, transnationaux et interrégionaux. Ce programme européen s’appelle Interreg IV. Depuis 1990, il y a déjà eu trois périodes de ce programme (Interreg I–III). Interreg IV vise à dissoudre les Etats nationaux. A l’origine, le plan «Europe des régions» provient d’une idéologie verte.1 Sur les cartes correspondantes, la Suisse n’existe plus en tant qu’Etat mais est divisée en régions linguistiques, attachées à la France, à l’Italie et avant tout à l’Allemagne.
La Suisse est entièrement intégrée à Interreg IV de l’UE. Officiellement, il est écrit: «Au niveau suisse, cette participation est réglée depuis le 1er janvier 2008 dans le cadre de la NPR [Nouvelle politique régionale].»2
Interreg IV comprend trois volets:
1.    La coopération des régions limitrophes (la Suisse participe entre autre aux programmes d’«Interreg Rhin supérieur» et d’«Interreg Alpes rhénanes/Lac de Constance/Haut-Rhin»).
2.    La coopération transnationale «entre régions voisines appartenant à des régions plus larges» (la Suisse participe avec l’Allemagne, la France, l’Italie, la Slovénie, l’Autriche et le Liechtenstein au projet «Espace alpin» et avec l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne au projet «Europe du Nord-Ouest»).
3.    La coopération interrégionale entre des régions non limitrophes.
La Suisse participe aux trois programmes.3 C’est la Loi fédérale sur la politique régionale du 6 octobre 2006 qui en définit les bases légales.4

1er exemple: Région du Lac de Constance

Le programme officiel d’Interreg pour les «Alpes rhénanes/Lac de Constance/Haut-Rhin» comprend 108 pages.5 Les cantons Argovie, Schaffhouse, Zurich, Thurgovie, Saint-Gall, Appenzell Rhodes Extérieures, Appenzell Rhodes Intérieures, Glaris et les Grisons font partie de la Région du Lac de Constance, bien qu’ils ne fassent pas partie de l’UE. Les cantons suisses limitrophes du Lac de Constance ont depuis toujours collaboré avec les pays voisins, jusqu’à présent en respectant toujours la souveraineté nationale. Toutefois, dans le programme européen, il est écrit: «Les frontières entre les Etats sont ressenties comme grande faiblesse et comme obstacle au développement». Ce programme de l’UE représente «une contribution durable dans le but de surmonter les frontières dans la région». Plus loin, il est écrit: «Le programme vise à l’extension et l’édification de réseaux dans les domaines les plus divers» et il représente «une étape importante vers une Europe commune». Pour les projets de ce programme, l’UE investit 23,7 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les fonds d’aides suisses pour Interreg.

Edifice imaginaire «Espace de formation du Lac de Constance»

Le programme Interreg pour la Région Lac de Constance veut entre autre réorganiser le domaine de l’enseignement en passant outre à la souveraineté des cantons et des Länder. Selon le programme, l’UE encourage «des projets qui apportent une contribution à la promotion du capital humain en vue de créer une société du savoir». Les structures existantes doivent «être utilisées encore mieux que jusqu’à présent aussi de manière transfrontalière». Cela vaut «en particulier pour les domaines de l’enseignement et de la formation continue». L’UE veut créer un «Espace de formation du Lac de Constance». Depuis 2010, Interreg IV et l’UE encouragent d’un commun accord avec la Confédération helvétique, dix cantons suisses et le Land de Voralberg le projet de recherche «Ecole alpine» qui permettra d’intervenir directement dans les structures scolaires et le déroulement de l’enseignement.

Le tout sans aucune légitimation

Pour la réalisation de l’ensemble du programme Interreg dans la Région du Lac de Constance, une énorme structure a été mise en place avec des autorités administratives, des institutions de certification, un secrétariat technique, divers postes de réseaux, des autorités de contrôle, des commissions de suivi, des commissions de guidage etc. Dans tous ces «organes» d’un «Etat dans les Etats» siègent des fonctionnaires allemands, autrichiens, du Liechtenstein et de la Suisse – pour tous les pays sans mandat du souverain correspondant et uniquement sur la base d’ordonnances établies par l’Union européenne.

2e exemple: la «Région Basiliensis» suisse au sein de la «Région du Rhin supérieur»

Le programme officiel de l’UE comprend 100 pages.6 Le territoire de la Région Basiliensis s’étend du nord de la Suisse jusqu’au Palatinat du Sud. Les cantons suisses de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, du Jura, de Soleure et ici aussi le canton d’Argovie font partie de la Région Basiliensis bien qu’ils ne fassent pas partie de l’UE. Bâle, située dans le triangle des trois pays Suisse–Allemagne–France, a depuis toujours coopéré librement avec les pays voisins et en respectant la souveraineté de chacun d’eux. Mais les frontières nationales dérangent l’UE également ici. Elle se justifie ainsi: «[Pour l’UE] les frontières du Rhin supérieur continuent à former un obstacle pour exploiter à fond le potentiel du développement régional.»
Du côté suisse, les programmes sont réalisés par l’«Association Région Basiliensis». Cette association a 400 membres individuels et 200 membres collectifs. Elle coordonne la «coopération» d’Interreg et de la NPR (Nouvelle politique régionale) au-delà des frontières sur ordre des cantons participants du nord de la Suisse. Du fait de la relation étroite entre Interreg et la NPR, la Nouvelle politique régionale s’oriente selon les directives européennes. «Les projets de la NPR» obtiennent «des subventions fédérales ou cantonales […] uniquement si les projets remplissent les conditions-cadre du programme Interreg correspondant et en même temps si ils contribuent à atteindre les objectifs de la politique régionale de la Confédération, respectivement des cantons.»
Les objectifs de la Région Rhin supérieur (avec la Région Basiliensis suisse) sont:
•    l’utilisation commune du potentiel économique de l’espace du Rhin supérieur;
•    la promotion de l’espace du Rhin supérieur en tant que région intégrée de formation, de travail et d’habitation;
•    l’organisation durable du développement de l’espace du Rhin supérieur.
«Il est particulièrement mis en avant la plus-value transfrontalière et le caractère innovateur des projets de coopération subventionnés.»

Le souverain est mis à l’écart

On peut s’imaginer les conséquences qu’aura une «Région de formation intégrée» pour la Suisse quand on considère la situation de l’enseignement en Bade-Wurtemberg après l’entrée en fonction du Gouvernement vert-rouge. Il est prévu d’installer des «écoles uniques» [«Gemeinschaftsschulen»] sur tout le territoire, ce qui correspond à la dévastation du paysage scolaire et à long terme à l’anéantissement de la démocratie.
L’«Association Région Basiliensis» prend en charge, en passant outre au souverain, des tâches revenant à la Confédération et aux cantons. «La IKRB (Région Basiliensis) remplit ainsi pour les cantons des fonctions étatiques dans le sens d’une ‹petite politique extérieure›. Le financement de la IKRB est garanti par les cinq cantons de la Suisse du Nord-Ouest dans le cadre d’accords de subventions d’une durée de plusieurs années.» •

1    Pierre Hillard, La décomposition des Nations européennes – de l’Union euroatlantique à l’Etat mondial, 2e edition, François-Xavier de Guibert, 2010; Pierre Hillard, Les Verts, partisans d’une Europe des ethnies.
2    www.regiosuisse.ch/etz/interreg
3    www.regiosuisse.ch/etz/interreg
4    www.regiosuisse.ch/etz/interreg
5    www.interreg.org 
6    www.interreg-oberrhein.eu/dokumente ,10286,de.html
(Toutes les citations sont extraites du programme officiel de l’UE et traduites par Horizons et débats)

Cette carte montre les régions du programme INTERREG de l’UE. On y ignore les frontières nationales. (Infographie roho d’après www.regiosuisse.ch/etz/interreg)