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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  N° 30, 22 décembre 2014  >  La Suisse a largement contribué au déclin de la violence [Imprimer]

La Suisse a largement contribué au déclin de la violence

par Thomas Kaiser

Depuis la fin de l’affrontement militaire concernant la province serbe du Kosovo à la fin du dernier siècle, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a de plus en plus disparu de l’actualité, surtout au niveau des médias. Au sujet de la mission d’observation de l’OSCE d’alors, conseillée par le colonel général allemand Heinz Loquai, l’OSCE a transmis à l’OTAN et à l’UE des rapports sur la situation du moment dans la région en crise du Kosovo. Selon ces rapports une intervention militaire n’était pas indiquée, car ils ne correspondaient en aucun point à l’image présentée par les médias occidentaux et la politique européenne. Lors de plusieurs prises de position Heinz Loquai avait rendu attentif à la présentation déformée de la situation contenue dans les communiqués de presse de l’OTAN et des médias européens. Ces derniers ne s’intéressaient nullement, à cette époque, à donner des informations objectives et à favoriser le maintien de la paix. Ce qui s’en est suivi est suffisamment connu. L’ancien chancelier fédéral Gerhard Schröder lui-même, bien qu’ayant jadis justifié à la télévision allemande les bombardements de la République fédérale de Serbie, a estimé rétrospectivement que ces attaques étaient une claire violation du droit international.
Si l’OSCE se trouve aujourd’hui dans tous les médias suisses et au centre de l’intérêt public, cela est surtout en lien avec la présidence actuelle de la Suisse et la crise ukrainienne. En outre, cet intérêt est aussi en relation avec la conférence ministérielle de l’OSCE ayant eu lieu à Bâle les 4 et 5 décembre.
Mardi 2 décembre, la presse était invitée à une rencontre à Berne avec la participation de la cheffe de la Task Force OSCE, l’ambassadrice suisse Heidi Grau, et le représentant permanent de la Suisse auprès de l’OSCE à Vienne, l’ambassadeur Thomas Greminger. En préambule de la conférence ministérielle de l’OSCE à Bâle, le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) a voulu donner à la presse un aperçu des activités de la Suisse au cours de l’année écoulée. Les deux diplomates ont, au cours de leurs interventions, donné une vue d’ensemble de leurs activités et des tâches devant lesquelles se trouvait et se trouve toujours la Suisse durant sa présidence de l’OSCE qui se terminera à la fin de l’année. Une importante condition du succès était une étroite et bonne coopération entre la Task Force OSCE à Berne et le poste diplomatique avancé de Vienne. Ce qui y était réalisé, devait d’abord être discuté et décidé à Berne. L’ambassadrice Grau a précisé que «la qualité des décisions dépendait bien sûr des informations transmises de Vienne à Berne». Elle a démontré à quel point cette coopération était étroite: des entretiens téléphonique quotidiens, plusieurs rencontres à Vienne, de nombreuses conférences, d’innombrables entretiens. En outre, il fallait entretenir des contacts avec les capitales des Etats membres. Dans le contexte de la crise ukrainienne, il y a eu des contacts avec Kiev et la partie opérationnelle de l’OSCE, dont faisait partie notamment la Special Monitoring Mission (SMM) puis, dès le milieu de l’année, le groupe de contact dirigé par l’ambassadrice Heidi Tagliavini, ce qu’elle faisait en tant que remplaçante du président de l’OSCE, Didier Burkhalter.
L’ambassadeur Thomas Greminger est le chef de la délégation suisse et représentant du président de l’OSCE Didier Burkhalter. Formellement, Greminger est le président du Conseil permanent de l’OSCE à Vienne. Ce conseil se compose des 57 ambassadeurs de l’OSCE. Cette année, ses activités ont avant tout été déterminées par la crise en Ukraine. Ce qui pouvait auparavant être discuté lors de séances hebdomadaires, exigeait actuellement souvent plusieurs réunions par semaine, dimanches inclus. Outre la tâche de présider les réunions, Thomas Greminger devait notamment être en étroit contact avec les représentants des Etats membres. L’OSCE est une plate-forme de dialogue, c’est pourquoi il y avait de nombreuses réunions menées avec l’objectif d’atteindre un consensus, ce qui est toujours très exigeant quand il s’agit de questions politiques. Selon les explications de l’ambassadeur Greminger, «60% de son travail concernait la crise en Ukraine». Un de ses points forts, cette année, a consisté en des négociations durant trois semaines et demie pour arriver à la mise en œuvre de la Special Monitoring Mission. Dans ce cas, la Suisse a réussi, grâce à une excellente coopération entre Berne et Vienne ainsi qu’une diplomatie habile, d’introduire la mission d’observation de l’OSCE déjà mentionnée. Cela a permis de pouvoir pénétrer dans la région en crise et de s’en faire une idée sur place afin de mieux agir en faveur de la paix. Selon l’accord de Minsk contenant un cessez-le-feu, la SMM s’est soudainement transformée en une mission de maintien de la paix (peace-keeping), une toute nouvelle tâche exigeant de nouveaux équipements et des moyens financiers adaptés.
Selon l’ambassadrice Heidi Grau, la Suisse était prédestinée, en raison de sa neutralité et de l’«absence d’agenda caché», de mener les pourparlers au sujet de la crise ukrainienne. La Suisse a tenté de contribuer à la stabilité de la situation, mais il faut constater qu’on est encore très loin d’une situation de paix en Ukraine. Le fait que la Suisse, en tant qu’Etat neutre habitué aux négociations de paix et grâce à sa tradition des bons offices, ait toujours été reconnu dans le monde comme étant un partenaire de négociation sincère et honnête, a fortement contribué à sa crédibilité. Avec des efforts acharnés, elle a donc tenté d’apporter une contribution décisive. Lors de diverses réunions internationales, la Suisse a tenté de réconcilier les Etats concernés. Selon l’ambassadrice Heidi Grau «la réunion en Normandie a été une situation décisive» au cours de laquelle on a réussi à créer le «groupe de contact». Ce groupe de contact existe toujours et en tant que président de l’OSCE Didier Burkhalter y a nommé l’ambassadrice Heidi Tagliavini comme sa représentante. C’est dans ce cadre qu’un important travail préliminaire pour le Sommet de Minsk a été entrepris aboutissant début septembre au protocole de cessez-le-feu de Minsk. Cela a été un pas décisif dans une situation de blocage. Avec l’aide de la direction suisse des négociations, on a pu obtenir une percée menant à un cessez-le-feu en Ukraine orientale. Voilà une importante contribution de la Suisse au déclin de la violence.
La situation dans les Balkans occidentaux est également un important domaine d’activité de l’OSCE. Il est vrai que cela n’a guère été placé sous les feux de l’actualité, mais on y a néanmoins fait un excellent travail. Il s’agissait avant tout de la réconciliation régionale entre les peuples. Là, c’était l’ambassadeur Gérard Stoudmann qui a été actif. La réserve initiale des Etats a changé au fil du temps. Selon Stoudmann, «les pays ont compris que c’était dans leur propre intérêt» de soutenir la coopération régionale pour atteindre ainsi une réconciliation. La Suisse a agi dans la zone de tension entre Belgrade et Priština. Outre quelques succès atteints au cours de l’année écoulée, il y a également eu des résultats ayant échoué. En font partie la crise en Ukraine qui n’a jusqu’à présent pas pu être placée sur une voie réellement constructive. De grands efforts seront encore nécessaires pour créer une situation de confiance, suite à laquelle un cessez-le-feu durable sera possible.
Après la description des domaines dans lesquelles la Suisse a été active au cours de son année de présidence de l’OSCE, on peut conclure qu’elle a grandement contribué au travail de paix – souvent de manière silencieuse et derrière les coulisses, mais toute aussi efficace pour autant.     •

 

«Le comportement de Vladimir Poutine est facile à comprendre»

«Mais cette analyse est fausse: les Etats-Unis et leurs alliés européens partagent l’essentiel de la responsabilité de la crise. L’origine du problème est dans l’élément central d’une stratégie plus vaste pour arracher à l’orbite de la Russie l’Ukraine et l’intégrer à l’Occident. Dans le même temps, l’expansion vers l’Est de l’Union européenne et le soutien de l’Occident au mouvement pro-démocratie en Ukraine – en commençant par la Révolution orange en 2004.»
[…]
«Quand les dirigeants russes observent l’«ingénierie sociale» [techniques de manipulation, ndt.] utilisée par l’Occident en Ukraine, ils craignent que leur pays puisse être le prochain sur la liste. Et ces craintes ne sont pas sans fondement.»
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«Le comportement de Vladimir Poutine est facile à comprendre. Il y a là une immense étendue de terres plates que les armées de la France napoléonienne, de l’Empire allemand et de Allemagne nazie ont traversée pour s’attaquer à la Russie elle-même. L’Ukraine est un Etat tampon de grande importance stratégique pour ce pays. Aucun dirigeant russe ne tolérerait qu’une alliance militaire, ayant jusqu’à peu été l’ennemi mortel de Moscou, envahisse l’Ukraine.» […]
Extraits de l’article de l’Américain John J. Mearsheimer: La responsabilité de l’Occident dans la crise en Ukraine, in: Horizons et débats no 22 du 15/10/14, première publication in: Foreign Affairs, édition de septembre/octobre 2014