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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°26, 30 juin 2008  >  Pas un peuple mais un empire et une cheffe? [Imprimer]

Pas un peuple mais un empire et une cheffe?

Angela Merkel travaille entièrement dans l’esprit de sa «raison d’Etat»

km. Il y a trois ans, le 16 juin 2005, à l’occasion du 60ème anniversaire de la CDU, Angela Merkel, la Présidente de ce parti à l’époque et aujourd’hui chancelière allemande a défini à sa façon la «raison d’Etat» allemande: «La responsabilité de l’Allemagne pour l’Union européenne, pour le Partenariat transatlantique, pour l’existence d’Israël.»
Dans le dictionnaire internet Wikipedia, on trouve des explications très intéressantes à propos de la notion de raison d’Etat.
Par exemple, que ce terme désigne «une aspiration de sécurité et d’affirmation de soi de l’Etat à tout prix et par tous les moyens.»
On peut lire aussi que Machiavel, le chef d’Etat florentin, est considéré sans conteste comme «le principal défenseur de l’idée de la raison d’Etat».
De plus, on peut lire que l’idée de la raison d’Etat n’est certes «pas directement opposée» à la philosophie de la loi fondamentale allemande mais qu’elle part d’un statut de droit de l’Etat «qui est égal voire même supérieur à l’être humain», «qui a une valeur plus élevée par rapport à l’homme».
L’article 1 de la loi fondamentale allemande commence par cette énonciation connue: «La dignité de l’homme est inviolable. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger.» L’article 20 stipule que la République allemande est une démocratie et que tous les pouvoirs partent du peuple. La chancelière a prononcé un serment par lequel elle a juré «de protéger et de défendre la loi fondamentale et les lois fédérales.»
Dans sa célèbre dramaturgie «Intrigue et amour» qui traite d’une intrigue sans scrupule menée par un noble avide de pouvoir et par son secrétaire qui n’en est pas moins sinistre contre l’amour de deux êtres, Friedrich Schiller a abordé également la manière dont les honnêtes gens et la noblesse considéraient un serment: Pour l’honnête homme, le serment compte, par contre pour la noblesse, il ne compte pas du tout. Les temps ne semblent pas avoir changé.
Il y a trois ans déjà, Angela Merkel se référait à Adenauer, le premier chancelier allemand, dans la mesure où selon Merkel, celui-ci aussi a imposé sa politique contre la volonté de la majorité de la population. Elle pensait ainsi à la soumission au pouvoir hégémonial des USA («Intégration de la République fédérale allemande dans la communauté des valeurs occidentales»).
La chancelière est restée fidèle à sa devise de gouverner, même contre la volonté de la majorité de la population et elle l’a aussi annoncé fièrement à l’étranger. Par exemple à la Knesset le 18 mars 2008: Même «si dans les sondages, une majorité nette des personnes questionnées en Europe dit que la plus grande menace pour le monde vient d’Israël et non de l’Iran», elle ne craindra pas, «d’amener l’Iran par d’autres sanctions plus strictes à stopper son programme nucléaire».
Dans sa déclaration devant le parlement allemand le 19 juin et dans celles faites lors du sommet de l’Union Européenne à Bruxelles les 19 et 20 juin, elle a – et cela de manière tout à fait subtile – de nouveau montré, après le non des Irlandais, ce qu’elle pense quand la majorité décide autre chose que ce qui lui plaît à elle. On doit répondre à la décision des Irlandais par une violation éclatante du droit. Le traité doit continuer d’être ratifié, on ne doit en aucun cas prendre le temps de réfléchir (Merkel: «L’Europe ne peut pas se payer une nouvelle phase de réflexion.») – et les Irlandais doivent renouveller leur référendum – jusqu’à ce que le résultat convienne à Merkel. Tout dans l’esprit de la raison d’Etat de ­Merkel: «La responsabilité de l’Allemagne pour l’union de l’Europe.» Il faut s’imaginer les adversaires du traité de Lisbonne utilisant le même procédé et exigeant qu’on renouvelle tous les votes parlementaires qui ont eu lieu jusqu’à présent jusqu’à ce que le résultat leur convienne.
Maintenant, il faut encore traduire le tout, c’est-à-dire la raison d’Etat de Merkel: En Europe, nous voulons mener la barque et encore plus actuellement avec les nouvelles majorités au Conseil européen qui nous préfèrent clairement, nous les Allemands; avec l’extension des décisions majoritaires au Conseil afin que nous puissions prendre des décisions avec les autres grandes puissances prêtes à la guerre sans tenir compte des petits Etats de l’UE); les objectifs visés par les USA sont aussi les nôtres (par exemple en Irak, où les grandes multinationales occidentales du pétrole comme Exxon Mobil, Shell, Total et BP doivent justement ces jours-ci avoir accès au pétrole irakien – sans appel d’offres public des droits de forage, et bien sûr nous le livrer; cela ne nous dérange pas que, dans un rapport actuel de l’organisation «Physicians for Human Rights», on constate une nouvelle fois que le gouvernement américain est un régime de torture); Israël peut encore à l’avenir ignorer le droit international et les droits de l’homme et entamer une guerre dévastatrice contre l’Iran, nous couvrons (et soutenons) cela dans tous les cas.
A moins que les Allemands mettent Angela Merkel à la raison et n’admettent pas plus longtemps d’être ignorés par la chancelière.     •