Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°30, 14 octobre 2013  >  Exiger la restitution de la sincérité et de l’honnêteté comme base de toute action étatique [Imprimer]

Exiger la restitution de la sincérité et de l’honnêteté comme base de toute action étatique

Commentaires à l’issue de la votation sur la Révision de la Loi sur les épidémies

par Erika Vögeli

Même si on avait préféré un autre résultat de la votation sur ce qu’on appelle la Loi sur les épidémies révisée (LEpr), on doit toutefois interpréter les 40% de Non comme un succès d’estime pour les adversaires de la Loi.
Considérons: pas un seul parti ne s’y est opposé au Parlement. A l’exception des Verts, ils n’ont pas mis la révision de la LEp à l’ordre du jour de leur assemblée des délégués, et encore moins, ne l’ont discutée. Dans les explications officielles de la Confédération concernant la votation, la population a pris acte du fait que le Parlement s’est prononcé en grande majorité en faveur de la Loi. On peut se demander si les parlementaires ont vraiment lu la Loi. Un conseiller national a eu la sincérité et le courage, de réviser ultérieurement sa crédulité (entre autre face à ses collègues, membres de la commission compétente) par la lecture de la Loi et l’a avoué publiquement. Personne ne croira qu’il était le seul, mais plutôt qu’il en alla de même pour beaucoup.
Dans les grands médias, il n’y a pas eu de véritable discussion sur les points problématiques. L’oligopole médiatique des quelques grands quotidiens encore existants à l’unisson avec la radio et la télévision de droit public, avant tout dans les prises de position rédactionnelles, a presque uniquement donné la parole aux partisans et ceci à la manière d’une action de relations publiques. Les quelques articles d’apparence contradictoire ne peuvent pas masquer ce fait. La discussion controversée présentée dans les pages du courrier des lecteurs est certes intéressante, elle ne remplace cependant pas une véritable discussion sincère de la part de la rédaction. Beaucoup d’adversaires de la Loi n’ont pas été pris en compte. On a seule­ment mentionné en passant le fait qu’un comité politique contre la LEpr avait donné une conférence de presse. Dans l’émission d’informations principale de la radio de droit public, «Echo der Zeit», seul Daniel Trappitsch a obtenu brièvement la parole. En tant que promoteur du référendum, il était déjà connu du grand public. Les conseillères et conseillers nationaux présents ainsi qu’un député du canton de Berne n’ont même pas été mentionnés. Au contraire, on a profité de la conférence de presse des adversaires pour offrir aux partisans une fois de plus une plate­forme.
Vu les intérêts indéniablement grands qu’une certaine branche industrielle prête à cette loi, le lecteur bienveillant se pose encore d’autres questions. (Remarquons en passant: on a lu avec étonnement dans les documents officiels sur la votation, que la LEpr était nécessaire pour informer nos enfants et adolescents sur le virus VIH et sur la méningite. Personne ne comprend pourquoi on a besoin d’une LEpr pour cela. Indépendamment de la discussion qui dure depuis des années à propos de l’information sur le sida, on s’étonne pourquoi les enfants doivent être informés sur la méningite. Quelques jours après la votation, on peut lire que Novartis veut sauver son secteur avec un vaccin contre la méningite.1 Certes, il n’est pas encore pris en compte dans le plan de vaccination. Hasard ou nécessité?).
Les documents officiels relatifs à la votation étaient justement de cette non-qualité. Un rapport de fin de semestre sur les formulations et arguments utilisés émanant des Spin-doctors vaudrait la peine. Tout comme sur les différentes contributions dans les grands médias. On a donné avec astuce à la Loi une connotation positive avec la «protection» de la population et dans un certain sens interpellé la peur des citoyens devant les maladies – et par la même astuce on a affirmé que les adversaires sont seulement guidés par la peur de la vaccination. La peur peut être un handicap quand elle est irréelle, souvent elle est une réaction naturelle et très utile à la vie. En vérité, il ne s’agit pas dans ce contexte simplement d’une réaction de peur mais d’un scepticisme raisonnable qui en face d’un désastre vécu dans ce domaine (mot clé grippe H1N1, Tamiflu ou entretemps le plan interrompu d’une vaccination générale des filles contre le cancer de l’utérus) est très réaliste.
Malgré tout, 40% des citoyens ont voté Non et ainsi donné raison aux représentants du référendum. Beaucoup parmi eux auront réfléchi sur les arguments non dis­cutés contre la Loi. Les réflexions tout à fait fondamentales sur la politique d’Etat par exemple émises contre l’affaiblissement du fédéralisme par une centralisation toujours plus croissante, n’ont pas été discutées. En particulier, la concentration incroyable du pouvoir dans un seul office fédéral – une unité administrative, qui n’est élue ni par le peuple ni par le Parlement – contredit au plus haut point les bases de notre Etat fédéraliste. On se demande pourquoi le Parlement, avant tout les représentants des partis conservateurs qui, un an auparavant, ont justement tiré le verrou sur cette extension de pouvoir en rejetant la Loi sur la prévention, n’ont pas réalisé ce qui revient ici par la porte de derrière. Les représentants des Verts et beaucoup d’adversaires du génie génétique doivent se demander pourquoi la Loi assimile d’un côté les organismes génétiquement modifiés aux agents pathogènes habituels et cette même Loi permet à l’Office fédéral de tolérer la libération de tels agents pathogènes sans autorisation. Les représentants de tous les partis doivent aussi se demander pourquoi ils n’ont rien dit contre l’affirmation selon laquelle la Loi introduisait pour la première fois une protection des données. On n’aurait pas eu besoin de trop grands efforts. L’article sur le système d’informations à créer par l’OFSP relatif aux données de personnes quant à leur santé, leurs résultats d’examens médicaux, leurs routes de voyage, leurs contacts avec les personnes, les animaux et les objets tout comme la transmission de toutes les données à d’autres Etats et organisations internationales n’éclipsent pas seulement chaque scandale du passé relatifs aux fichiers, mais soulève dans le contexte du scandale de la NSA encore de toutes autres questions.
Au plus tard ici, on doit exiger de nouveau ce que nous avons plus ou moins perdu les vingt dernières années: Sincérité et honnêteté comme base de toute action étatique. Celui qui veut activer les citoyens au moyen d’«informations» préparées à la manière des RP, abuse du principe de la bonne foi indispensable dans les relations communautaires, mais en première ligne entre les institutions et le souverain. La dignité de l’homme signifie aussi ne pas devenir l’objet d’un autre – aussi bien dans la discussion intellectuelle et que par l’éveil ciblé d’émotions sans livrer les informations nécessaires. Un débat sincère exige une balance objective du pour et du contre. Si nous ne voulons pas en arriver là où un auteur américain a situé son pays, quand il a écrit un livre intitulé «The Best Democracy Money Can Buy», il est urgent d’exiger à nouveau ce débat.     •

1        «Ein Impstoff soll Novartis-Sparte retten: Ohne die Erlöse eines neuen Mittels gegen Hirnhautentzündung droht Verkauf der Division» par Isabel Strassheim, Aargauer Zeitung du 25/9/13, p. 9. «Un nouveau vaccin contre la méningite doit non seulement protéger contre la maladie qui, dans certains cas, peut être mortelle, mais aussi sauver le secteur des vaccins du groupe pharmaceutique Novartis.» Maintenant autorisé par l’UE, il s’agit d’introduire dans le programme de vaccination national des divers pays le vaccin Bexsero. Certes, le médicament arrivera tôt ou tard sur le marché. «L’introduction dans le plan national de vaccination est cependant décisive pour le secteur de Novartis.» Certes, il existe déjà sans nouvelle loi sur les épidémies, mais pas la possibilité d’une large prescription par les institutions comme c’est le cas dans la nouvelle loi.»