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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°49, 12 décembre 2011  >  La Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye … et maintenant aussi la Somalie, la Syrie et l’Iran? [Imprimer]

La Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye …et maintenant aussi la Somalie, la Syrie et l’Iran?

Avec le temps les citoyens n’accepteront plus de se laisser entraîner dans de nouvelles guerres, mais s’efforceront de traiter raisonnablement les difficultés

par Karl Müller

Reinhard Erös, fondateur de la «Kinderhilfe Afghanistan» [Aide à l’enfance en Afghanistan] a accordé le 16 novembre une interview radiophonique au «Deutschlandfunk» à propos de la situation en Afghanistan et a su trouver les mots qu’il fallait.
«Dans la région des Pachtounes, donc dans la majeure partie du pays, toutes celles et ceux avec qui je me suis entretenu, soit du maire ou du simple paysan jusqu’au président de district, voire du gouvernement (comme on les nommerait en Allemagne), estiment que les étrangers sont des occupants dont il faut se débarrasser. Les trois-quarts de la population afghane souhaitent voir partir les étrangers tout de suite, car ils sont considérés comme des forces d’occupation. Ce qui signifie que sans une évacuation visible il n’y aura pas de paix dans le pays.»
Le journaliste lui répond que, selon de nombreux politiciens allemands, nous aurions obtenu de grands succès au cours des deux ou trois dernières années, entre autre grâce à notre stratégie modifiée.
Mais, selon Erös, «nous avons eu en 2010, pour l’année entière, 30% de soldats de l’OTAN morts de plus qu’en 2009, et 60% de plus qu’en 2008. Nous n’avons jamais eu autant de morts dans la population civile que cette année-ci. L’année dernière, il y a eu 346 enfants tués lors d’attentats et de combats, dont 200 du fait de l’OTAN. Quelle amélioration peut-on donc espérer? La situation humanitaire et sociale dans le pays – mis à part les 10 ou 15% de privilégiés, demeurant surtout à Kaboul –, c’est-à-dire de la population normale, des paysans, des paysans de montagne, des nomades etc., soit les 80% de la population, ne s’est pas améliorée depuis 2002.
Le dernier rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), une organisation qui peut passer pour une autorité objective, exprime clairement le fait que la situation dans le cadre des soins de santé, de l’approvisionnement en eau potable, de l’enseignement est restée négative, voire même s’est détériorée au cours des cinq ou six dernières années. Il est donc clair que la situation ne s’est pas améliorée alors même que nous avons doublé le nombre de nos soldats en Afghanistan au cours des quatre ou cinq dernières années».
Reinhard Erös n’est pas du genre radical, pas plus qu’il n’est un agent des Talibans ou un idéologue coupé de la réalité. Il s’adonne à l’aide humanitaire depuis des décennies, recherchant la coopération avec les autorités.
Pourquoi ne trouve-t-on pas ces vérités dans les déclarations gouvernementales des pays de l’OTAN impliqués dans la guerre en Afghanistan? Pourquoi continue-t-on, dix ans après le début de la guerre, à vouloir tranquilliser, enjoliver, mentir et manipuler?
Est-ce que l’Afghanistan n’est qu’une exception? Dit-on, à part cela, toujours la vérité? Lors de la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie? Lors de la guerre de la «coalition des volontaires» contre l’Irak? Dans la guerre de l’OTAN contre la Libye? Dans le chahut guerrier contre la Somalie, la Syrie et l’Iran?
Veut-on se laisser entraîner dans de nouvelles guerres encore plus dévastatrices – de la même façon que nous nous laissons plumer par centaines de milliards pour de stupides «plans de sauvetage» tels que le FESF et le MES – pour le plus grand bien de la domination du dollar, pour contribuer au démontage de nos droits et de notre dignité, pour aider au pillage et à l’assassinat d’un nombre croissant de populations?
Ou voulons-nous accorder une chance à la raison, par exemple avec de bons arguments contre une nouvelle guerre au Moyen-Orient?
Les appels à la guerre contre l’Iran prennent de l’ampleur. Une partie du gouvernement israélien veut cette guerre. Si ces cercles bellicistes israéliens prennent le dessus, il est à craindre que le gouvernement des Etats-Unis suive – contre les doutes répandus aussi dans ce pays. Et qu’en sera-t-il de l’OTAN?
Ou bien y a-t-il une chance pour que les arguments contre une telle guerre prennent un tel poids politique, que la résistance politique contre le parti de la guerre prenne une telle ampleur qu’il ne serait plus possible de se lancer dans une telle guerre, la raison prenant le dessus sur cette folie guerrière?
On trouve rapidement les arguments adéquats quand les citoyens se mettent ensemble pour réfléchir sérieusement en apportant chacun son savoir et son expérience.
Par exemple, n’est-il pas vrai qu’une partie du gouvernement israélien et des troupes combattantes menacent d’attaquer l’Iran? N’est-il pas vrai qu’après la Seconde Guerre mondiale, on considérait que le fait de mener une guerre d’agression était le chef d’accusation dans les procès intentés aux criminels de guerre du régime national-socialiste?
Dans quel état se trouvent les pays contre lesquels les pays-membres de l’OTAN ont mené des guerres au cours des 20 dernières années? On peut passer en revue ces pays et constater que nulle part la situation ne s’est réellement améliorée, mais qu’au contraire, il y a eu un nombre considérable de victimes humaines et d’immenses destructions dans le domaine culturel. Peter Scholl-Latour estime dans son dernier livre intitulé «Arabiens Stunde der Wahrheit. Aufruhr an der Schwelle Europas» [L’heure de vérité pour l’Arabie. Soulèvement au seuil de l’Europe] (ISBN 978-3-549-07366-7), que l’Irak a été rejeté dans l’âge de la pierre du fait de la guerre. Autrefois, ce pays de la région du Tigre et de l’Euphrate était l’un des plus développés du Moyen-Orient. C’était un pays de grande culture. L’Europe peut-elle accepter qu’un autre pays de grande culture soit réduit en cendres, que les victimes se comptent à nouveau en centaines de milliers? Qu’on déclenche une guerre, dont l’évolution est imprévisible?
L’Europe peut-elle accepter 60 ans après Hiroshima et Nagasaki la menace d’un nouvel holocauste nucléaire? Et plus particulièrement, l’Allemagne peut-elle continuer de mettre de plus en plus d’argent à la disposition d’un pays qui l’utilise pour faire la guerre?
L’Europe veut-elle continuer à servir de vassal à ce système d’inculture dénommé «American way of life» ou veut-elle se souvenir de ses propres traditions précieuses et de ses conquêtes – ainsi que de sa terrible expérience de deux guerres au cours du XXe siècle?
Croit-on véritablement en Europe que les difficultés dues à l’endettement trouveront leur solution dans une nouvelle et coûteuse guerre? Les Etats-Unis sont arrivés au bord du gouffre du fait notamment de 20 années de guerres. Les Européens doivent-ils céder à leur instinct grégaire? L’Europe a suffisamment à faire pour reconstruire une solide structure économique, installée pour le bien des populations. L’Europe a besoin d’une ré-industrialisation, donc beaucoup d’investissements dans les domaines productifs.
Après la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale s’est dotée de la Charte des Nations Unies pour mettre en place une nouvelle forme de vie commune sur notre planète. Les Etats-nations souverains doivent pouvoir coopérer sur un pied d’égalité, les conflits sont à régler autour de la table de négociations. Faut-il négliger cela, comme ce fut beaucoup trop souvent le cas au cours des vingt dernières années? Avons-nous conscience du prix à payer?
Faisons donc en sorte que nos gouvernements se souviennent des principes de la Charte et disent non à une nouvelle guerre!    •