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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°8, 4 mars 2009  >  Ex-ambassadrice américaine: «La Suisse est un pays stable et conscient de ses responsabilités» [Imprimer]

Ex-ambassadrice américaine: «La Suisse est un pays stable et conscient de ses responsabilités»

par Faith Whittlesey, ambassadrice américaine en Suisse (1981-1983 et 1985-1988), présidente honoraire de l’American Swiss Foundation

Le gouvernement Obama sera confronté (le 2 mars) avec ce que beaucoup de gens considèrent comme un premier test pour le nouveau «partenariat» qu’il cherche à promouvoir dans sa politique étrangère. Si ­Eveline Widmer-Schlumpf, la conseillère fédérale suisse pour le Département de la police et de la justice, rencontre le ministre américain de la Justice, Eric Holder, ils parleront aussi de la demande des USA d’obtenir le nom des titulaires de comptes américains auprès de la banque suisse UBS. D’après un communiqué de presse de son département, cette problématique figure en dernier lieu sur la liste des thèmes à traiter.
Ce sujet – un petit accord final au sujet des banques en détresse aux Etats-Unis – fait depuis des jours la une des journaux et de la télévision suisses et cela semble loin d’être fini. La direction de l’UBS et de la Finma, l’autorité fédérale de surveillance des banques et des assurances, qui a autorisé la livraison de quelques données au ministère de la Justice américain, ont été mis au pilori – dans l’ensemble du paysage politique de la Suisse – parce qu’ils mettent en danger le secret bancaire et la souveraineté bancaire.
La colère la plus forte s’est dirigée pourtant contre le gouvernement américain, qui – de par le ministère de la Justice et de l’IRS (l’autorité fiscale américaine) – a piétiné deux accords bilatéraux qu’il avait signés à l’époque. Cela veut dire que les USA ont ignoré des accords formellement négociés avec un ami de long date, avec une Confédération constitutionnelle, où sont ancrés les principes de droit, et une nation qui était prête à collaborer – en accord avec leur rôle de haute partie contractante et d’Etat dépositaire des Conventions des droits de l’homme – avec les autorités américaines pour ramener les prisonniers de Guantánamo dans leur pays d’origine.
Cela a été un réveil dur pour les ­Suisses qui, comme beaucoup d’Européens, na­geaient encore sur la vague de l’excitation après la victoire de Barack Obama en espérant que les nouvelles paroles du gouvernement sur la coopération multilatérale seraient davantage que des lieux communs de la lutte électorale.
La première expérience de la Confédération suisse avec le nouveau gouvernement est celle d’une superpuissance qui exerce la violence brute d’un Goliath, ignore ses propres projets diplomatiques et tire en même temps avantage de la taille de la Suisse et du malentendu stéréotype autour du secret bancaire. Les autorités américaines apparaissent dans ce cas à nouveau arrogantes et tyranniques. Apparemment, c’était l’espoir de l’UBS et de la Finma que le règlement d’une plainte pour aide à la fraude fiscale apaiserait les autorités américaines. L’UBS a consenti à un accord à l’amiable comprenant le montant de 780 millions de dollars (615 millions d’euros, 546 millions de livres sterling) et la livraison d’informations sur environ 250 clients, soupçonnés de fraude fiscale.
L’UBS et les autorités suisses ont été décontenancés quand l’IRS a déposé quelques jours plus tard une action civile exigeant des informations sur 52 000 clients de l’UBS. Un tribunal suisse de surveillance des finances (Tribunal administratif fédéral) a assigné l’UBS à ne pas répondre à cette demande. Ainsi, la banque est dans la situation précaire que ses fonctionnaires devraient enfreindre le droit bancaire suisse pour répondre à la demande américaine.
La Suisse est une république stable et consciente de ses responsabilités, et un partenaire fiable dans la lutte contre le trafic de drogue, le terrorisme et d’autres menaces. Même si le nombre d’habitants en Suisse n’est pas très élevé, la Suisse joue un rôle important dans le monde des finances. En outre, ses investissements aux Etats-Unis donnent du travail à environ 500 000 Américains. Comme résultat de cette action, la confiance suisse dans les Etats-Unis pourrait disparaître et les nouveaux jobs pourraient être déplacés dans d’autres pays, peut-être en Europe de l’Est ou en Asie.
C’est un trait caractéristique typique (et constant) des Suisses de remplir ses contrats. La Suisse a conclu avec les USA une convention d’entraide judiciaire qui rend possible de donner des informations sur des comptes bancaires s’il y a un soupçon justifié d’activités criminelles ou de fraude fiscale. Les fonctionnaires suisses sont très habiles en répondant à des demandes qui concernent la lettres et l’esprit de cette convention. Les expéditions visant à puiser dans les richesses de la Suisse et qui semblent être motivées par les nécessités de la crise financière et misent sur le cliché très répendu d’une Suisse receleuse d’argent sale, agace l’opinion publique suisse.
Un des plus grands partis suisses se prépare pour des mesures de représailles, par exemple de ne plus continuer à représenter les intérêts américains dans des pays comme Cuba et l’Iran où les USA n’ont pas d’ambassades. Environ un million de postes de travail en Suisse dépendent du secteur des finances. Une politique raide et unilatérale des USA pourrait causer d’autres privations pour les Suisses, et cela pendant une crise mon­diale qui est plus ou moins considérée comme échec des USA. Cela pourrait mener à un anti­américanisme encore plus virulent.
Nous devons espérer que le gouvernement Obama se sera décidé – avant la rencontre du ministre de la Justice américain avec son homologue suisse – à traiter son ami fiable avec la même sollicitude et prudence que celle dont il fait preuve également envers des régimes qui n’avaient jusqu’ici pas été aussi aimables et sûrs.

Source: Financial Times US-Edition du 2/3/09
(Traduction Horizons et débats)