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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°9, 7 mars 2011  >  Autriche – la suppression du service militaire obligatoire signifie la création d’une armée de grande puissance européenne [Imprimer]

Autriche – la suppression du service militaire obligatoire signifie la création d’une armée de grande puissance européenne

«… voulue avec force par les élites régnantes allemandes»

hep. Lors de sondages auprès des citoyens la réponse est claire: Il faut préserver la neutralité.
Le quotidien «Kurier» estime dans son édition du 26 février que 67% des Autrichiens pensent que la neutralité est de mise. Ce qui veut dire qu’il y a davantage d’acceptation que lors du sondage d’août 2010. Il est remarquable que, selon un sondage de la Société autrichienne pour le marketing (OGM) les «moins de trente ans soient plus favorables à la neutralité que les plus anciens». Le débat mené en Autriche, à grand battage média­tique, sur l’éventualité de structurer une armée de métier est suivi avec beaucoup de circonspection par la population. Selon un sondage de l’OMG, il semble que la tendance va croissant vers le maintien d’un service militaire obligatoire. Le fait que de hauts gradés se soient prononcés dans ce sens n’est pas étranger à cette situation.

Plusieurs centaines de personnes ont soutenu en peu de temps une lettre ouverte du «Solidarwerkstatt» [atelier solidaire] qui enjoint les conseillers nationaux d’empêcher la participation de l’Autriche aux groupes de combat de l’UE («EU-Battlegroups»). La réaction: mutisme – pas un seul des 183 conseillers nationaux n’a eu le courage de s’opposer à la participation à ces troupes de combat européennes.
Depuis le 1er janvier 2011, des soldats et soldates autrichiens doivent se tenir à disposition arme au pied pour servir dans ces troupes de combat pour des engagements militaires de l’UE. C’est pourquoi le «Solidarwerkstatt» a envoyé, avant la dernière séance du Parlement en décembre, une lettre ouverte aux parlementaires du Conseil national, leur enjoignant d’élever la voix contre la participation à ces groupes de combat. Car, ces derniers
•    participent à des opérations de guerre dans le monde entier, même sans mandat de l’ONU,
•    peuvent être engagés, suite à l’adoption du Traité de Lisbonne, pour combattre à l’intérieur même de l’UE des manifestations de protestations civiles,
•    sont incontestablement contraires à la neutralité et au traité d’Etat,
•    suppriment toute possibilité d’opposition du Parlement, devant être prêts au départ dans les 5 jours à dater de l’appel par le Conseil européen.
(cf. www.solidarwerkstatt.at)

Les parlementaires eux-mêmes se tiennent à disposition. En peu de temps des cen­taines de personnes ont apporté leur soutien à cette ­lettre ouverte. Les parlementaires, eux, ont reçu la lettre il y a un mois. Quelle fut leur réaction? C’est très simple: le mutisme – aucun des 183 conseillers nationaux n’ose s’opposer à la participation de l’Autriche à ces groupes de combat européens. Les parlementaires, toutes couleurs politiques confondues, se tiennent politiquement à disposition pour la militarisation de l’UE, tout comme les soldats le font militairement pour ces groupes de combat. Certains peuvent se sentir mal à l’aise de constater combien on met en danger la vie des citoyens pour la volonté de domination de l’UE, et à quel point la neutralité du pays est bafouée, mais pas un n’a le courage de s’y opposer. Bien payés, ils se soumettent aux ordres de leurs chefs de files et se taisent. Le silence des agneaux.

Fonctionnaires syndicaux contre décisions du syndicat

Ce qui est particulièrement décevant, c’est le silence des représentants de la Fédération syndicale autrichienne (ÖGB) au Parlement. Le dernier congrès de la Fédération s’était prononcé clairement contre la participation de l’Autriche à ces groupes de combat, ces derniers étant incompatibles avec la notion de neutralité ancrée dans la Constitution autrichienne. Mais pas un seul des fonctionnaires syndicaux au Conseil national ne se sent tenu de respecter les décisions du congrès. Il semble bien que le souci de sa carrière et la discipline de parti prennent le pas sur la Constitution et les décisions des militants. D’un côté le nouveau programme de l’ÖGB s’exprime avec véhémence contre la participation de l’Autriche à la militarisation de l’UE. Mais en même temps, on a supprimé la neutralité perpétuelle de l’Autriche. Le comportement des représentants au Conseil national démontre bien que ceux, qui d’entrée avaient vu que ces belles paroles n’étaient que de la poudre aux yeux pour mieux cacher l’abandon de la neutralité, avaient raison.

Les «pacifistes» du parti des Verts se prononcent pour une armée européenne et contre la neutralité

Le silence des parlementaires écologistes laisse aussi rêveur: ces pacifistes d’autrefois accordent maintenant leur soutien inconditionnel à la militarisation de l’UE. Ce n’est toutefois pas très surprenant: déjà en 2004, le chef des Verts, Alexander Van der Bellen, s’était déclaré en faveur d’interventions des groupes de combat de l’UE, même sans mandat de l’ONU (Falter du 1/12/04). Le comité national des Verts modifia sa ligne politique la même année où les ministres militaires des pays de l’UE mirent en place l’idée de groupes de combat. Cela implique l’abandon de la neutralité en faveur de la mise en place d’une armée européenne centralisée. Curieusement, cette prise de position des Verts va dans le même sens que la politique européenne du FPÖ. En particulier, Peter Pilz1 et Andreas Mölzer2 se sont prononcés à plusieurs reprises pour la fin de la neutralité en faveur d’une armée européenne centralisée. Les groupes de combat sont un pas décisif dans la mise en place d’une armée de grande puissance européenne voulue essentiellement par les élites politiques allemandes.3
On assiste à une coalition entre socialistes, conservateurs, parti écologiste et libéraux en faveur de ces troupes de combat européennes. Toutes ces forces politiques s’entendent, alors même qu’on fait semblant de débattre sérieusement du problème de la suppression du service militaire obligatoire, pour participer aux engagements militaires de l’UE, à la militarisation de l’UE, au démontage de la neutralité. La mise en place d’une armée de métier doit permettre de transformer l’armée autrichienne pour la mettre encore plus facilement au service des guerres de l’UE menées partout dans le monde.
Nous, membres du «Solidarwerkstatt», estimons que les forces qui prennent la défense de la neutralité et veulent la consolider, doivent s’unir pour combattre cette hypocrisie qui nous est présentée en matière de politique de sécurité. Nous avons besoin d’un référendum, non pas en premier lieu concernant le service militaire obligatoire, mais concernant la question de la neutralité contre la participation aux troupes de combat européennes. Voici la question essentielle, car les élites politiques tentent de tromper le peuple qui dans sa grande majorité est en faveur de la neutralité. Et l’on ne peut qu’être reconnaissant au député conservateur Othmar Karas qui, dans un moment d’honnêteté, a incité les partis gouvernementaux à en finir avec les «mensonges concernant la neutralité» (cf. «Standard» du 16/1/11), ceci en mettant le doigt sur l’incompatibilité de la neutralité avec la politique de sécurité européenne.

La neutralité, c’est l’avenir

Dans la mesure où nous voulons vivre en paix à l’avenir, la neutralité, c’est l’avenir. Toutefois, Karas se trompe. Ce n’est pas la neutralité qui est une «conception du XIXe siècle», mais bien la tentative des grandes puissances européennes de renouer avec leur funeste passé colonial sous le couvert de l’UE et à l’aide de leurs troupes. La neutralité, c’est l’engagement de ne pas participer à des guerres, ni à des organisations qui les préparent et les mènent. C’est l’engagement de renoncer à la violence pour imposer ses propres intérêts dans les relations internationales. Particulièrement pour les petits pays, c’est une chance de pouvoir éviter les compromissions avec les grands pays et conclure des alliances avec d’autres pays neutres pour régler de façon pacifique les difficultés rencontrées et s’opposer aux velléités guerrières des grands Etats. La neutralité, c’est le garant d’un avenir pacifique. C’est le peuple qui doit mener ce combat, étant donné que nos représentants au Conseil national nous font défaut, n’ayant pas le courage de prendre position.    •

Source: WERKSTATT-Blatt 4/2010

1    Peter Pilz (Verts): «Nous voulons dans l’UE une armée commune avec un ministre de la Défense commun […]. Ainsi la neutralité sera remplacée» («Standard» du 9/10/07)
2    Andreas Mölzer (FPÖ): «L’Europe de l’avenir devra être un facteur fort et indépendant dans la politique mondiale. Cette Europe doit être une grande puissance indépendante qui non seulement garantisse la sécurité de ses membres, mais soit capable de s’engager pour ses intérêts vitaux dans le monde entier et de les imposer. Une politique étrangère et de sécurité commune en est la condition préalable. Une forte armée européenne avec une troupe d’intervention internationale […] en est la condition […]. La nouvelle Europe […] ne peut que se rattacher à l’ancienne conception du Reich. La neutralité, le neutralisme pas plus que l’idée d’être neutre n’ont quelque intérêt pour cette Europe, elles lui sont même néfastes.» (In: Europa im rechten Licht, Vienne 2004, et Servus Österreich, Berg 1996)
3    Guido Westerwelle (ministre allemand des Affaires étrangères): «Avec le Traité de Lisbonne, nous avons ouvert un nouveau chapitre. […] Il ne s’agit pas d’un point final, mais bien d’un point de départ. Ce traité prévoit une politique de sécurité et de défense commune. Le gouvernement allemand veut avancer dans cette direction. Le but à long terme est la mise sur pied d’une armée européenne […]. L’Union européenne doit prendre conscience de son rôle d’acteur global. Le projet européen d’une politique de défense et de sécurité commune sera un moteur pour le rapprochement continu au sein de l’Europe. (Intervention lors de la Conférence sur la sécurité de Munich du 6/2/10)

La neutralité au lieu d’une armée de métier et de troupes de combat européennes!

Une nouvelle plate-forme a été formée

Les élites politiques veulent que l’Autriche participe corps et âme à la militarisation de l’UE, c’est le fond du débat sur l’armée de métier. Les récentes déclarations du maire de Vienne Häupl montrent aussi qu’au cours de la suppression du service militaire obligatoire planifiée actuellement, il ne s’agit pas d’une étape vers la paix et le désarmement, mais à la suppression de la neutralité par la porte arrière. Le projet de la création d’une armée de métier coopérant étroitement avec l’UE concernant la recherche, la formation, les capacités des hélicoptères et des avions de transport stratégique, sont fondamentalement incompatibles avec la neutralité. Il s’agit d’une projection mondiale de la puissance militaire pour «préserver l’accès aux ressources naturelles et les voies de libre-échange» (selon l’agence européenne EU-ISS). Une armée de milice y apparaît gênante. Une armée de métier, cependant, peut être détachée immédiatement, sans traces de débats. Les cercueils qui reviennent peuvent être considérés comme «risque professionnel». Afin de faire de la résistance contre ce développement la plate-forme «neutralité au lieu d’une armée de métier et de troupes de combat européen» s’est créée récemment. La plate-forme cherche à gagner les hommes qui considèrent nécessaire une armée de défense pour sauvegarder la neutralité, mais aussi les hommes qui soutiennent en principe une abolition de l’armée autrichienne. La plate-forme veut les convaincre à devenir actifs maintenant. Se défendre contre cette attaque sur la neutralité est presque considéré comme condition préalable pour que le peuple autrichien, étant souverain, puisse répondre lui-même à cette question.
 

Source: WERKSTATT-Blatt 4/2010

A l’invitation du «Solidarwerkstatt Österreich» et des «Syndicalistes contre l’énergie nucléaire et la guerre» a été fondée le 13 février à Linz une plate-forme «Neutralité au lieu d’une armée de métier et de troupes de combat européennes». Nous mettrons tout en œuvre pour trouver des soutiens.

Plate-forme: «Neutralité au lieu d’une armée de métier et de troupes de combat de l’UE»

La mise en place d’une armée de métier conduirait l’Autriche à participer à la militarisation de l’UE et à sa politique belliciste. Ceci n’augmenterait pas la sécurité du pays. Bien au contraire: l’Autriche participerait alors à des interventions guerrières et de ce fait deviendrait elle-même une cible.
Nous refusons ces plans. Nous prenons la défense de la neutralité ancrée dans la Constitution et exigeons donc une poli­tique de paix et de neutralité active.
Une éventuelle élimination du service militaire obligatoire ne correspond pas à un désarmement. Que la neutralité soit, à l’avenir, défendue par les armes
ou désarmée, cela dépend essentiellement du refus d’une armée de métier (dénommée armée de volontaires) et du refus de participer à la militarisation de l’UE.
Nous exigeons de la part du gouvernement fédéral et du Conseil national:
•    le retrait des unités autrichiennes des «groupes de combat européens», pas de participation à la mise en place d’une armée européenne, retrait de l’agence de l’armement de l’UE, pas de lien avec l’OTAN,
•    en revanche le maintien de la neutralité perpétuelle et dans ce sens, une politique étrangère et de sécurité qui corresponde aux exigences de la Constitution,
•    des fonds en faveur de la formation et du social au lieu de milliards dilapidés pour l’armement et la guerre.
Si l’on veut éviter que des Autrichiens et Autrichiennes soient embarqués dans des guerres d’agression sous les ordres de l’UE, il faut s’activer dès à présent. Nous voulons une politique qui règle les conflits de façon pacifique, sur la base de la neutralité.
Nous disons donc «Non» au projet de suppression du service militaire obligatoire, «Non» à la formation d’une armée de métier et «Oui» à la neutralité!

Contacts: Solidarwerkstatt, Waltherstr. 15, A-4020 Linz. office(at)solidarwerkstatt.at

Mercenaires avec un quotient intellectuel 70?

«Un problème particulièrement épineux dans les armées de métiers a été constaté dans d’autres pays, comparables à l’Autriche: c’est de trouver le personnel nécessaire en quantité nécessaire, mais surtout en qualité nécessaire.
Des personnes bien informées des pays qui ont déjà introduit une armée de métier, nous avertissent toujours d’un revirement. Car ils ont fait de très mauvaises expériences avec le nouveau système. Quelques-unes de ces armées ont déjà été obligées à réduire le seuil du quotient intellectuel à 70, ou bien de faire de la publicité dans les prisons ou auprès des sans-abri pour obtenir tant bien que mal un nombre suffisant de personnel.»

Source: Franz Teszar, brigadier à la retraite, il a été jusqu’à sa retraite, fin 2002, commandant de la zone d’entraînement Allensteig. Dans: Die Presse du 10/2/11
(Traduction: Horizons et débats)