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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº33, 20 août 2012  >  Installation d’un piège du surendettement pour les communes scolaires [Imprimer]

«Aujourd’hui, nous sommes de très, très bons amis»

«D’habitude, nous entretenions une excellente concurrence entre les deux institutions [l’OCDE et la Commission européenne], l’OCDE était basée sur la recherche et nous sur la politique. Et nous avions besoin de cela. Eux avaient besoin des aspects politiques, pour pouvoir mobiliser la conscience européenne … C’était dans leur intérêt de collaborer avec nous … Nous avions quelques différences, mais nous travaillons de manière toujours plus étroite, nous sommes aujourd’hui de très, très bons amis, il n’y a plus de conflits.»

«L’Europe représente actuellement une partie essentielle du monde de l’OCDE»

«Mais il est important de reconnaître que l’Union européenne est tout autant un agent qu’un fil conducteur pour l’européisation; elle est un acteur dans un nouveau domaine politique, qui est peuplé aussi par d’autres organisations et agences internationales. En réalité, ce n’est pas une agence européenne qui est l’une des plus puissantes de tous les acteurs institutionnels qui s’engagent en faveur de l’européisation, mais une agence globale: l’OCDE. Depuis que les données sont devenues décisives pour la direction des gouvernements, les compétences croissantes et l’influence politique de l’OCDE ont transformé ses relations avec la Commission européenne.»

Interview d’un collaborateur de la Commission européenne, juin 2009
Cité dans: Martin Law und Sotiria Grek. Europeanizing Education: governing a new policy space. Southampton, 2012. P. 117sq. (Traduction Horizons et débats)

Installation d’un piège du surendettement pour les communes scolaires*

hd. Goldmann-Sachs nous présente un nouveau produit: les «social impact bonds» avec lesquels l’argent flottant librement des grandes banques et autres entités financières pourront investir dans le domaine du social dans les bas-fonds terrestres d’un monde miné par les crises. Grâce à l’énorme richesse des uns, on peut soudainement s’offrir, après 20 années d’euphorie mondialiste, de la «phil­anthropie» pour les autres. Mais il ne s’agit pas d’amour du prochain au sens chrétien ou de quelque chose de semblable étant actuellement très mal vu. Non, il s’agit de «philanthropie» solide, comme elle a été présentée aux auditeurs de la Radio suisse-alémanique DRS 1 du 30 juillet dans l’émission intitulée «Faces of America»: il est possible d’investir dans le secteur du social. L’argent est là. «social impact bonds have potential upside for investors» déclare le maire de New York, Michael R. Bloomberg. Et d’une voix enthousiaste, il ajoute «But citizens and taxpayers stand to be the biggest beneficiaries». (Traduction: «Les ‹Social impact bonds› offrent d’excellentes possibilités pour les investisseurs. Mais les citoyens et les contribuables en profiteront le plus.») L’argent extorqué aux peuples du monde n’est donc pas rendu aux pays et aux Etats (par exemple pour amortir l’ensemble des dettes publiques), mais il est réinvesti directement dans le secteur social: aux Etats-Unis, on nous présente comme projets modèles des établissements pour mineurs délinquants et des écoles privées; le tout est un domaine très prometteur.
En Suisse par exemple, il suffit d’avoir une décision de la commune scolaire et une signature sous un contrat suite auquel on vend ou loue les élèves de la commune en tant que matière première et on s’engage à assumer le paiement des intérêts pour une durée illimitée.
Celui qui est le plus «doué» pour lancer de telles affaires est un monsieur dénommé Fratton qui possède une entreprise nommée «Haus des Lernens» [«maison de l’apprentissage»] à Romanshorn. Etant donné que M. Fratton s’exprime exactement avec les mêmes termes au sujet de l’école que Gabriel Cohn-Bendit, le frère de Daniel Cohn-Bendit, il pourrait presque être leur petit frère. Sa femme est architecte d’intérieur et sur demande elle ne construit pas seulement de nouveaux bâtiments entièrement câblés pour 30–50 millions de francs et des bureaux haut de gamme en espace ouvert avec des plantes vertes émanant de l’écologie profonde pour le repos de l’âme. Elle évide aussi des bâtiments scolaires existants pour en faire des grottes à ordinateurs du dernier cri. Il y a trois options en promotion: 1. les «paysages d’apprentissage». 2. les classes «time-out» ou classes «relais» (pour les enfants avec des troubles de pulsions spéciaux qui ne supportent plus la superstructure bourgeoise et doivent en «être libérés» de cette manière). 3. les «écoles mosaïques» pour les établissements qui désirent avoir un triage des élèves selon l’ethnie, la religion, le QI ou toutes autres spécificités à l’intérieur de leur école. Les enseignants? On n’en a plus besoin. Selon la théorie de Marcuse, la libération passe obligatoirement par l’«apprentissage par soi-même». Et ne l’oublions pas: elle passe aussi par le piège du surendettement et la vente de nos enfants à la haute finance. Au lieu d’un enseignant, on y rencontre un barman qui installe les liens électroniques au bar des ordinateurs. Voulez-vous, en tant que citoyen d’une commune suisse, vraiment tomber dans ce piège? Analysez soigneusement les articles paraissant régulièrement dans les journaux économiques. Ils vous promettent de préparer vos enfants le plus vite possible et de la manière la plus performante à être des acteurs au sein d’une économie mondiale américanisée. La vie? Ce n’est qu’une «performance» en faveur de l’empire! Take it or leave it. La Grande-Bretagne et l’Australie sont en train de tester ce système. Goldmann Sachs supervise les projets et donne son okay pour le monde des investisseurs (cf. «Herald Tribune» du 3/8/12, p. 18).
Avant ce départ en direction d’une éducation martienne, il faut qu’on se remémore les bases fondamentales de toute démocratie – et spécialement de la démocratie suisse: Notre école obligatoire est un pilier central de la démocratie. Elle a été obtenue de haute lutte au cours de la Régénération après 1830. Le même droit à la formation scolaire pour tous:
pour la campagne et la ville
pour les pauvres et les riches
pour les filles et les garçons.
Les enfants des divers âges dans nos communes forment une communauté d’apprentissage et de vie par dessus les barrières sociales et les différences de langues et de religions. Selon Eros Ratti, enseignant tessinois ­d’instruction civique, cette conscience pour la chose commune dans un Etat de démocratie directe doit être posée avant le début de la 4e classe primaire. Tout le reste se construit ensuite sur cette base. Si l’on veut préserver et développer le bien commun pour la prochaine génération et en poser les bases au sein de la génération d’écoliers actuels, cela nécessite de la réflexion entre nous adultes qui dépasse de loin la seule euphorie concernant la bourse américaine. Il faut que ce soient des réflexions qui ne sont pas liées aux partis politiques – c’est uniquement de cette manière que la démocratie peut être sauvegardée et qu’on peu éviter l’entrée dans un nouveau fascisme financier.
En outre, dans son jugement du 31 mai, le Tribunal fédéral a renforcé le droit de la personnalité en défendant à Google de sauvegarder les visages et les numéros des plaques de voitures des citoyens sur les immenses supports informatiques américains.
Quelles en sont les conséquences pour l’école? Des informaticiens nous rendent depuis assez longtemps attentifs au fait qu’on peut, avec les nouvelles technologies, installer des espions visuels et acoustiques dans des appareils privés, sans que le propriétaire en ait connaissance. Il va de soi que cela sera aussi le cas dans les appareils informatiques placés dans les «paysages d’apprentissage», dans les «écoles mosaïques» et dans les classes «time out»: inclus gratuitement dans le piège du surendettement et l’obligation de payer les intérêts! Si ce jugement au sujet de Google est valable pour les adultes, la protection des données et de la personnalité de nos enfants ne devrait-elle pas être encore plus sévère?
La tentative d’acheter la Suisse se fait sur plusieurs niveaux. Les «agents de l’Interreg» sont très actifs tout en adoptant un profil bas. La défense de ces attaques mobilise beaucoup d’énergie. La tentative d’acheter aussi nos enfants pour pouvoir les commercialiser comme matière première à la bourse, rend visible les promoteurs. Il faut se rappeler de chacun d’eux. De chacun!    •

*Les cantons suisses-alémaniques connaissent les communes scolaires qui sont en grande partie indépendantes des communes politiques. Dans les cantons romands, de telles communes scolaires sont inconnues. A leur place on trouve les commissions scolaires qui sont intégrées dans les communes politiques, ndt.