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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 5, 24 février 2015  >  Motif d’espérance, mais également de vigilance [Imprimer]

Motif d’espérance, mais également de vigilance

Au sujet de l’Accord de Minsk

Interview de Willy Wimmer

Willy Wimmer a été porte-parole du groupe parlementaire de la CDU/CSU au Bundestag allemand, secrétaire d’Etat parlementaire au ministère fédéral de la Défense, 33 ans député CDU au Bundestag. De 1994 à 2000, donc à l’époque des guerres en Yougoslavie, il était vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Depuis de nombreuses années, il critique une politique de l’Ouest qui ne respecte plus le droit international public. Dans son dernier livre «Wiederkehr der Hasardeure. Schattenstrategen, Kriegstreiber, stille Profiteure 1914 und heute» (ISBN 978-3-943007-07-7), il analyse avec l’historien Wolfgang Effenberger le chemin ayant mené à la Première Guerre mondiale et ses conséquences jusqu’à nos jours. Il reconnaît dans le présent une série de parallèles dangereuse avec le chemin qui a mené à la catastrophe du siècle. Cependant, Wimmer ne présente cela pas de manière abstraite ou théorique, mais se base sur un trésor riche en expériences personnelles concernant la politique étrangère avec des reportages de synthèse fort intéressants durant de nombreux voyages sur les lieux des évènements de la politique mondiale. Nous avons interrogé Willy Wimmer à propos du résultat des négociations ayant eu lieu à la capitale biélorusse Minsk.

Horizons et débats: Après une longue nuit de négociations, les présidents Hollande, Porochenko et Poutine ainsi que la chancelière allemande Merkel se sont mis d’accord sur une déclaration commune à Minsk. Peut-on déjà formuler un premier jugement concernant cet accord?

Willy Wimmer: Le résultat des négociations est la conséquence nécessaire de la situation effective en Ukraine et des événements depuis le printemps de l’année dernière. L’Est du pays est le centre économique de l’Ukraine, mais il n’a pas le droit de décider de l’argent qu’on y gagne. Kiev dépense l’argent qu’on gagne à Donetsk. Il n’y a aucun pays en Europe qui fonctionnerait de cette façon. Depuis les événements sur le Maïdan, ceux qui ont le pouvoir à Kiev passent outre les intérêts de ceux qui parlent le russe dans le pays. Ils ont mené une guerre contre eux, bien qu’ils fassent partie de la même population. Si le gouvernement de Kiev veut garder l’intégrité territoriale du pays, il doit reconnaître la réalité et aussi la souffrance qu’il a causée.

L’année passée, il y a eu plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu en Ukraine orientale. Pourquoi la situation est-elle différente actuellement?

Jusqu’à présent, on a toujours mandaté des experts ou les ministres des Affaires étrangères pour de telles négociations et ce sont eux qui ont tenté d’assumer la responsabilité. Mais cette fois ce sont les présidents et la chancelière fédérale allemande. Et cela est un motif d’espérance. Maintenant Merkel, Poutine, Porochenko et Hollande doivent personnellement assumer la responsabilité, c’est une nouvelle qualité.
Maintenant c’est plus facile d’atteindre un accord dans les détails techniques importants; car les principes ont le soutien de Poutine, Hollande, Merkel et Porochenko. Il faut faire très attention à la disposition de ces détails, à l’application concrète de l’Accord de Minsk, sinon nous risquons que les personnes à Kiev et à Washington, qui veulent mener – 70 ans après la Seconde Guerre mondiale – une autre grande guerre sur le territoire européen, gardent le dessus.

C’est-à-dire qu’il y a des motifs d’espérance, mais aussi de vigilance.

Il faut bien se rendre compte que des forces contraires continuent à agir. Les uns veulent changer le caractère politique de l’Ukraine, les autres – c’est l’idée des Américains – sont les forces qui veulent utiliser l’Ukraine pour éliminer la direction politique à Moscou. Les deux forces vont continuer à s’activer et c’est la raison pour laquelle les quatre chefs d’Etat et de gouvernement sont si importants.
Il faut faire en sorte que Kiev prenne en compte les intérêts de l’Est du pays, si l’on désire que cette région reste une partie de l’Ukraine. Les pensions et les salaires des gens en Ukraine orientale doivent être payés et les institutions doivent fonctionner comme on l’attend dans la région.

Avant la rencontre de Minsk, le président ukrainien Porochenko a annoncé vouloir décréter la loi martiale si les négociations échouaient. Qu’est-ce que cela aurait signifié?

Cela signifie bien sûr que les droits des citoyens ukrainiens auraient été réduits à zéro. Cette déclaration illustre ce qui a été déclenché en Ukraine, après qu’on ait commencé à changer les structures intérieures du pays sur le Maïdan de manière à ce que la minorité russophone n’ait plus d’avenir dans cet Etat.

Pourquoi les négociations ont-elles maintenant abouti?

Le succès de Merkel et Hollande repose surtout sur le fait d’avoir brisé l’embargo à tout entretien décrété par les Etats-Unis. Avec cette rencontre à Minsk, on a montré qu’on veut s’entretenir au sein de l’Europe. Les chefs des républiques populaires auto-déclarées de Donetsk et Lougansk étaient également arrivés à la réunion du groupe de contact ukrainien le matin. Le fait que des gens, qu’on ne voulait d’abord pas ou qui ne devaient pas y venir, aient pu participer aux entretiens est dû au développement positif des négociations.

La série de mesures décidée à Minsk attribue à l’OSCE un rôle encore plus important pour l’avenir. Est-ce à saluer?

Il faut faire très attention avec les organisations de surveillance internationales. Ces organisations se sont avérées dans le passé comme des instruments des Etats-Unis qui continuent à faire avancer les choses dans les intérêts des Américains.
L’OSCE doit faire revivre ses possibilités contractuelles qui ont été piétinées par la guerre d’agression des Etats-Unis contre la Yougoslavie. L’OSCE ne doit plus à nouveau être utilisée abusivement pour des opérations de services secrets qui visent à préparer une prochaine guerre, cette fois contre la Fédération de Russie.

Monsieur Wimmer, merci beaucoup pour cet entretien.    •

(Interview réalisée par Karl Müller)

Déclaration du Président de la Fédération de Russie, du Président de l’Ukraine, du Président de la République française et de la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne en soutien au «Paquet de mesures pour la mise en œuvre des Accords de Minsk», le 12 février 2015

Le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, le Président de l’Ukraine, Petro Porochenko, le Président de la République française, François Hollande, et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne, Angela Merkel, réaffirment leur plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils sont fermement convaincus qu’il n’existe pas d’alternative à une solution exclusivement pacifique. Ils sont pleinement déterminés à prendre toutes les mesures individuelles ou communes possibles à cette fin.
Dans ce contexte, les dirigeants endossent le «Paquet de mesures pour la mise en œuvre des Accords de Minsk» adopté et signé le 12 février 2015 par tous les signataires qui ont également signé le Protocole de Minsk du 5 septembre 2014 et le Mémorandum du 19 septembre 2014. Les dirigeants contribueront à ce processus et useront de leur influence sur les parties concernées pour faciliter la mise en œuvre de ce Paquet de mesures.
L’Allemagne et la France fourniront une expertise technique pour restaurer la partie du système bancaire dans les zones affectées par le conflit, éventuellement à travers la mise en place d’un mécanisme international permettant de faciliter les transferts sociaux.
Les dirigeants partagent la conviction qu’une coopération améliorée entre l’UE, l’Ukraine et la Russie favorisera la résolution de la crise. A cette fin, ils soutiennent la poursuite des discussions trilatérales entre l’UE, l’Ukraine et la Russie sur les questions énergétiques afin de définir les mesures qui prendront la suite du paquet gazier pour l’hiver.
Ils soutiennent également les discussions trilatérales entre l’UE, l’Ukraine et la Russie afin de trouver des solutions pratiques aux préoccupations soulevées par la Russie concernant la mise en œuvre de l’Accord de libre échange complet et approfondi entre l’Ukraine et l’UE.
Les dirigeants restent attachés à la perspective d’un espace humanitaire et économique commun de l’Atlantique au Pacifique fondé sur le plein respect du droit international et des principes de l’OSCE.
Les dirigeants resteront mobilisés en vue de la mise en œuvre des Accords de Minsk. A cette fin, ils conviennent d’établir un mécanisme de supervision en format Normandie qui se réunira à intervalles réguliers, en principe au niveau des hauts fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères.

Source: www.elysee.fr, déclaration du 12 février 2015