On trahit les fondements sociaux et démocratiquesLe programme et l’«Agenda politique européen» du Parti socialiste suisse trahissent le peuplepar Marianne WüthrichLe 26 mars, la direction du Parti socialiste suisse a approuvé le projet de nouveau programme sur lequel le Congrès des 30 et 31 octobre doit se prononcer. Comme il se doit, ce document contient quelques principes fondamentaux que les sociaux-démocrates de tous les pays ont toujours défendus: la lutte pour plus de justice et l’émancipation des travailleurs, la solidarité envers le prochain au sein du pays et dans le monde de même qu’envers les générations futures. La lutte contre le clivage toujours plus profond entre les riches et les pauvres, contre la faim et la pauvreté dans le monde, pour une bonne éducation de la jeunesse, pour un système de santé plus juste, pour l’intégration des immigrés fait également partie des fondements de la social-démocratie, de même que le développement de la protection sociale et des services publics sous le contrôle de l’Etat et l’utilisation durable des ressources naturelles. A juste titre, le PS se prononce contre «l’idéologie néolibérale du marché, du moins d’Etat et de la trinité désastreuse de la privatisation, de la libéralisation et de la dérégulation délibérément encouragée par les gouvernements de certaines puissances occidentales (USA, GB)». Il condamne à juste titre l’«accroissement marqué du pouvoir des entreprises transnationales» et la «perte d’influence des Etats nations démocratiques […] au détriment de l’état social.» (Projet de programme du Parti, p. 5) Mais au lieu d’aller à la racine du mal et de demander avec insistance la dissolution des instruments de pouvoir du grand capital, avant tout de l’OMC, au lieu de viser au renforcement de la souveraineté des Etats nations et de l’économie des petites structures, le PS s’empêtre dans les contradictions, se souvenant des anciens projets de l’Internationale socialiste qui cherche à utiliser la globalisation pour ses visées hégémoniques. Le PS est-il oui ou non opposé à l’ouverture totale des marchés?
En ce qui concerne la globalisation économique, le PS refuse certes «la globalisation capitaliste, les ouvertures totales de marchés qui échappent à toute régulation étatique et provoquent d’énormes dégâts sociaux et écologiques.» (PP, p. 6). Il estime que «la Suisse doit progresser vers le passage du libre marché au commerce équitable» (PP, p. 38). Mais il oublie totalement cet objectif tout à fait souhaitable dès qu’il s’agit de propositions concrètes: alors il sacrifie sans hésiter son opposition au commerce mondial libéralisé à l’objectif qui domine tout, c’est-à-dire l’adhésion à l’Union européenne. Pour s’approcher de cet objectif, on approuve n’importe quel accord bilatéral sans y regarder de plus près, même s’il est en contradiction totale avec les objectifs socialistes du parti et si l’UE est avant tout au service de la haute finance internationale. 1er exemple: le PS soutient l’accord avec l’UE sur le marché de l’électricité«L’objectif est d’assurer la sécurité de l’approvisionnement sur le marché européen largement libéralisé. L’ouverture du marché suisse est conforme aux étapes prévues par la Loi sur l’approvisionnement en électricité entrée en vigueur en 2008. Elle a tout d’abord entraîné des hausses de prix massives et a dû être vite corrigée. En même temps, les négociations entre la Suisse et l’UE ont été interrompues». (Agenda politique européen, p. 9) 2e exemple: le PS soutient un accord sur le libre-échange agricoleIci également, les socialistes se révèlent particulièrement favorables au marché: «Il faut tendre vers l’ouverture des marchés de toute la chaîne de production alimentaire ainsi que vers un renforcement de la collaboration dans les domaines de la sécurité des produits alimentaires ainsi que de la protection de la santé.» (APE, p. 8) La direction du PS reconnaît que l’UE s’intéresse à cet accord parce qu’elle exporte beaucoup plus de produits agricoles vers la Suisse que la Suisse vers l’UE. Elle fait miroiter aux paysans suisses un important débouché pour des «produits agricoles écologiques de qualité» bien qu’elle sache pertinemment que les paysans de l’UE produisent eux aussi à profusion des produits écologiques. La Conseillère fédérale Doris Leuthard a reconnu il y a quelque temps qu’un accord de libre-échange agricole avec l’UE sonnerait le glas d’au moins la moitié des exploitations agricoles suisses. Un tissu de mensongesDepuis longtemps, la direction du PS soutient à fond l’adhésion à l’UE bien que certaines personnalités du parti soient sceptiques, car lorsqu’on analyse attentivement la propagande poudre aux yeux du PS, on se rend compte qu’elle n’est qu’un tissu de mensonges. Etats européens unifiés sous la direction des socialistesLe principal argument de la direction du PS est le suivant: «La Suisse doit avoir là-bas son mot à dire en matière de décisions importantes. […] Seule l’adhésion apportera à la Suisse un plein droit de codécision.» (APE, p. 6) Bien que dans l’Agenda, le PS approuve sans les critiquer tous les accords avec l’UE, il déplore soudain que le bilatéralisme sape la souveraineté de la Suisse. Cette critique vaut également pour l’«adaptation autonome au droit européen». (APE, p. 5) Remarquons en passant que des eurosceptiques suisses mettent en garde depuis longtemps contre cette perte insidieuse de souveraineté et s’opposent pour cette raison à certains des accords. On les a chaque fois, le PS aussi, traités de Neinsager incompétents. Or les camarades savent pertinemment que le pays, comme les autres petits Etats, n’auraient, en tant que membre de l’UE, rien à dire mais devrait faire ce qu’ordonnent Merkel et Sarkozy, bras droit des Etats-Unis. En réalité, les cadres du Parti rêvent d’obtenir des sièges influents et bien rétribués à Bruxelles: «Les positions de l’UE en matière de politique mondiale sont proches de celles du PS. […] Si la Suisse (comprenez les cadres du PS! Rem. de l’auteur) veulent réaliser la globalisation dans un esprit social, écologique et pacifique, elle obtiendra davantage de résultats au sein de l’UE qu’à l’extérieur.» (APE, p. 7). A vrai dire, les camarades trouvent que l’incroyable centralisation atteinte aujourd’hui, qui se moque de la diversité des peuples et des cultures, ne va pas assez loin; ils ont des ambitions plus radicales: «La création d’un espace juridique communautaire améliore considérablement la qualité de vie des citoyens et des citoyennes de l’Europe. Ce n’est qu’en adhérant à l’UE que la Suisse pourra participer pleinement à la collaboration et à l’harmonisation des systèmes juridiques des Etats membres.» (APE, p. 7) Le modèle social de l’UE est-il supérieur?L’affirmation de la direction du parti socialiste selon laquelle le modèle social de l’UE est très supérieur à celui de la Suisse est dépourvue de tout fondement: «Des systèmes d’assurances sociales développés, le libre accès à l’éducation, l’égalité des sexes, un système juridiquement contraignant de relations de travail (APE, p. 2), etc., tout cela existe aussi en Suisse. Et que l’on nous cite un pays européen possédant un meilleur système de formation professionnelle que le système dual de la Suisse, pays qui enregistre le plus faible taux de chômage des jeunes d’Europe. Si nous avons moins de comités d’entreprise que nos voisins, cela n’empêche pas ces derniers de venir travailler en masse chez nous: manifestement parce que nos conditions de travail ne sont pas si mauvaises. L’UE est-elle un facteur de paix?«L’UE est un facteur de paix qui a réduit presque à zéro le risque de guerres destructrices qui existait depuis des siècles en Europe.» (PP, p. 8). «C’est dans l’intérêt absolu de la Suisse de participer au sein de l’UE à son projet de paix.» (APE, p. 6). Affirmation audacieuse lorsqu’on songe que les membres déterminants de l’UE, en particulier l’Allemagne, en association avec les Etats-Unis et Israël, ont, avec leurs bombardements, fait retourner la Yougoslavie à l’âge de pierre, qu’ils sont responsables, depuis 60 ans, des souffrances du peuple palestinien et qu’ils participent aux bombardements des civils afghans. Participer aux guerres de l’UE ou pratiquer la neutralité armée?La Conseillère fédérale Calmy-Rey et la direction du PS tiennent absolument à ce que la Suisse participe aux engagements militaires de cette organisation de guerre. Selon le programme du Parti, l’armée de défense, qui fait cependant partie intégrante de la neutralité armée de la Suisse, doit être abolie: «La distinction absolue entre l’intérieur et l’extérieur ne convient plus à notre époque. La politique de sécurité axée sur l’armée et orientée vers la défense du territoire est dépassée.» En conséquence, la Suisse doit abolir le service militaire obligatoire et l’armée doit être transformée de manière à assurer avant tout, à part la protection de la population civile, la promotion de la paix dans le monde.» (PP, p. 39) Dans son Agenda, le PS défend un accord-cadre «servant à faciliter la participation aux missions internationales de promotion de la paix dirigées par l’UE» et reproche au Conseil fédéral d’«hésiter depuis des années à engager des négociations» avec l’UE. (p. 10). Entre-temps, une grande partie des conseillers et conseillères nationaux se sont courageusement opposés de manière indépendante, en septembre 2009, au projet d’opération Atalante sous commandement de l’UE, prévu par la Conseillère fédérale Calmy-Rey et ont provoqué son rejet. La direction du PS devrait peut-être tenir compte du fait que nombre de ses parlementaires et surtout une grande partie de sa base ne veulent pas que la Suisse participe à des opérations militaires de l’OTAN. Le fait que les dirigeants du Parti soient favorables à la participation à des guerres étrangères n’a qu’une explication possible: ils aspirent à l’adhésion qui doit leur valoir des postes à Bruxelles. Politique d’armement: «moins de défense du territoire et davantage de proximité avec le marché»Mais il y a pire: Ce même PS qui prétend «vouloir que la Suisse abandonne toutes activités d’encouragement à la guerre comme les exportations d’armes à des partenaires à risques» (PP, p 40) et dont on sait que depuis des années, il s’oppose à l’exportation de la moindre vis qui pourrait être utilisée pour construire des armes, se montre favorable, pour couronner sa «politique de paix», à la collaboration avec l’Agence européenne de défense (AED) dans le domaine de l’armement. Ce qu’il écrit est à peine croyable: Transformer la Suisse pour préparer l’adhésion à l’UEComme les dirigeants du PS savent que la structure politique de la Suisse unique au monde, faite de démocratie directe et de fédéralisme est tout à fait incompatible avec l’UE antidémocratique et centraliste, ils estiment qu’elle doit être démantelée pour la rendre compatible avec l’UE. Tout le pouvoir aux agglomérations?Certes, la direction du PS reconnaît que la structure fédéraliste contribue à la séparation des pouvoirs et à la proximité avec les citoyens, mais pour elle, «la division en trois niveaux: Confédération, cantons et communes […] doit être complétée par un quatrième, le niveau européen. […] Le fédéralisme doit être réformé. Cela vaut essentiellement pour l’importance structurelle exagérée des petits cantons ruraux, qui date du XIXe siècle. De par la répartition des sièges au Conseil des Etats et grâce au principe de majorité des cantons, ils ont une importance exagérée qui ne correspond plus depuis longtemps à la répartition réelle de la population entre la ville et la campagne. Le PS défend une adaptation du fédéralisme à l’évolution réelle de la société. La position des villes et des agglomérations doit être renforcée.» (PP, p. 33) Abolition de la démocratie directeSous le titre orwellien «Développer la démocratie», le programme évoque très abondamment la démocratie directe pour ensuite s’empresser de la relativiser»: «Quelle que soit l’importance pour nous de la démocratie, il est également important d’en mentionner les limites, car le peuple ne peut pas tout faire.» (sic!) Le peuple va-t-il être privé de ses droits?Pour contrôler l’abondante législation sur l’initiative et le référendum, les dirigeants du PS veulent placer le pouvoir judiciaire au-dessus du peuple et du Parlement: «Le PS considère la séparation en pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire comme un acquis historique essentiel et la défend sans réserves. [On doit manifestement insister sur cette évidence lorsqu’on veut adhérer à l’UE! Rem. de l’auteur]. Les procédures et les décisions démocratiques doivent aussi se conformer au cadre imposé par les droits de l’homme et l’Etat de droit. C’est pourquoi il faut renforcer le pouvoir judiciaire.» En conséquence, la direction du PS demande la création d’une Cour constitutionnelle «qui examine la conformité des décisions du gouvernement, du Parlement et du peuple avec le droit prioritaire, notamment avec les droits de l’homme. A l’avenir, les initiatives populaires ne devraient être valides que lorsqu’elles respectent les principes fondamentaux de la Constitution et du droit international.» (PP, p. 33) Une «motion populaire internationale» pour remplacer les droits politiques perdus?Andreas Gross, expert en démocratie qui parcourt le monde entier et explique aux autres peuples ce qu’est la démocratie directe, a mis un point d’orgue à l’abolition des droits politiques très développés des Suisses aux trois niveaux (Confédération, cantons et communes): «Andreas Gross dépose l’initiative parlementaire 09.417 sur la création d’une motion populaire internationale. Signée par 20 000 citoyens, elle demande au Conseil fédéral d’agir d’une certaines manière au plan international pour autant que les deux Chambres l’approuvent après que le Conseil fédéral se soit prononcé sur son contenu.» (APE, p. 18) |