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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°32, 17 août 2009  >  Les loups du Valais peuvent enfin être tués [Imprimer]

Les loups du Valais peuvent enfin être tués

100 moutons ont été tués au printemps

thk. On imagine mal un scénario plus absurde. Supposons que quelqu’un commette un vol dans un grand magasin et s’enrichisse ainsi de manière illicite. Le magasin signale le larcin à la police qui lui répond: Nous regrettons ne pas donner suite à cette plainte. En effet, s’il est possible de commettre des vols dans votre magasin, c’est que le système de protection est insuffisant. La faute en incombe au propriétaire et il n’y aura pas de procédure.
C’est dans la même situation que ce propriétaire que se trouvera un berger qui, après avoir subi la perte de plusieurs moutons, ne peut pas compter sur l’abattage du loup, même si celui-ci a tué, pendant une courte période (trois mois), plusieurs dizaines de bêtes et qu’il est susceptible d’en attaquer d’autres. On prétendra que le berger «n’a pas pris les mesures de protection appropriées».
Ces mesures supposeraient que l’on dispose d’un nombre suffisant de chiens, si possible d’un âne et d’un ou plusieurs bergers pour accompagner les troupeaux la journée, et qu’on les enferme dans un enclos la nuit.
Si ces mesures sont praticables en plaine, sous certaines conditions, elles ne le sont pas dans les montagnes valaisannes, où l’estivage se pratique normalement à 1500 mètres d’altitude depuis des siècles. Les terrains sont si vastes qu’un troupeau de cent moutons ou plus nécessiterait plusieurs chiens et qu’ils auraient même toutes les peines du monde à protéger tous les moutons dispersés sur l’alpage. Il n’y a pas d’autre moyen de protéger efficacement les moutons des griffes du loup que d’empêcher sa réintroduction.
C’est d’ailleurs ce qui s’est avéré puisque, en dépit des «mesures de protection appropriées» le loup du Bas-Valais, a fait de tels ravages que le conseiller d’Etat Melly a autorisé qu’on l’abatte. Dans le val de Dix, la nuit du 1er au 2 août, le prédateur a fait un carnage: 16 moutons ont été victimes, dont une partie sont morts tout de suite tandis que les autres étaient si grièvement blessés qu’il a fallu les abattre.
Le «Plan loup» de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage fixe à 15 le nombre de victimes permettant d’abattre le loup. Ce loup a atteint l’effectif en une seule nuit bien que le troupeau ait été gardé par deux chiens et un âne.
Le Plan loup prévoit différents niveaux de protection. Au premier niveau, au moins une mesure de protection doit avoir été prise: Il faut un chien de berger, un berger ou un enclos pour la nuit. Si l’un de ces critères est rempli, le loup peut être abattu s’il a tué 35 (!) moutons en 4 mois. Or, le deuxième loup, qui sévit dans le Chablais, a déjà tué plus de 40 moutons. Aussi les deux loups «valaisans» ont déjà dépassé les limites fédérales fixées de manière arbitraire et extrêmement contestable.
Dans l’Entlebuch (LU), le loup a également fait des ravages. Pendant un mois, 27 moutons ont été victimes du prédateur qui, dans les premiers jours du mois d’août, en a encore tué trois autres. Ce qui a amené Joseph Muggli, chef de la division Pêche et Chasse du canton de Lucerne, à en autoriser l’abattage. Cette décision a été prise par la Commission intercantonale pour la gestion des grands prédateurs de l’Ouest de la Suisse centrale qui se compose des administrateurs de la chasse des cantons de Berne, Lucerne, Uri, Unterwald et l’Inspecteur fédéral de la chasse. Là aussi, les bergers avaient pris des mesures de protection, mesures qui n’avaient absolument pas impressionné le loup.
Or, l’argument selon lequel on pourra maîtriser la réintroduction du loup par des mesures de protection appropriées de la part des éleveurs de moutons et de chèvres est absolument cynique. Les exemples récents montrent que ces mesures ont une efficacité restreinte ou nulle.
Acheter un chien de berger dressé ­revient à 2000 francs, sans compter les frais d’entretien. Les grands troupeaux nécessitent plusieurs de ces chiens, ce qui augmente les coûts. Mais il s’est avéré que même cela ne garantissait pas que les moutons puissent paître sans risque en alpage.
Jusqu’ici les loups sont apparus isolément, mais si, à l’avenir, ils formaient des meutes, ce qui constitue l’objectif à long terme des milieux promouvant leur réintroduction, des armées entières de chiens devraient être formées en vue d’une protection suffisante qui reste conjecturale. Dans ces milieux, on peut entendre l’argument selon lequel il n’y a pas de protection à 100% et que les opposants n’ont qu’à renoncer à l’estivage de leurs moutons. Or ainsi on ne punit ni l’auteur du crime ni ses complices: il faut que les ­victimes changent leur façon de vivre au profit du plus fort. Les conséquences négatives d’une telle attitude pour les habitants de ces régions ont été présentées en détail par Jürgen Rohmeder dans sa brochure intitulée «Ein Wolf gegen 50 Schafe» (ISBN 3-907624-37-8, cf. Horizons et débats, no 21 du 1er juin 2009).
La décision du Conseil d’Etat valaisan d’autoriser l’abattage des deux loups était la bonne. On ne peut qu’approuver la décision identique permettant de se débarrasser du loup qui sévit dans la région de Lucerne. Et maintenant, une question de principe se pose: L’idéologie est-elle plus importante que le bien-être des hommes et des animaux? Faut-il vraiment que soient sacrifiés tant d’animaux avant qu’on obtienne l’autorisation à se débarrasser du malfaiteur? Une réflexion urgente sur ces questions s’impose, avant tout sur les objectifs réels de la réintroduction de grands carnassiers chez nous (cf. article ci-dessous).    •