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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°45, 10 novembre 2008  >  Cas de corruption lors de l’achat de matériel militaire par le DDPS? [Imprimer]

Cas de corruption lors de l’achat de matériel militaire par le DDPS?

par Albert A. Stahel, Institut d’études stratégiques, Wädenswil

Tous les citoyens suisses honnêtes croiront totalement infondés les soupçons de corruption lors de l’achat de matériel militaire par le DDPS. Toutefois une enquête approfondie de ce qui s’est passé ces dernières années pourrait les confirmer.
Le premier exemple nous est fourni par l’achat des blindés de combat CV 9030 CH de la firme Hägglunds par les Chambres en 2001. Certains aspects de cet achat sont étranges. Ainsi, ces blindés n’ont volontairement pas été présentés comme étant des chars de défense antiaérienne. Pourtant il était évident dès le début que le canon, grâce à son orientabilité, son appareil de mesure de distance et son moteur de tourelle, pouvait être utilisé efficacement contre des avions et des hélicop­tères. La condition était à vrai dire que le temps soit beau. En outre, le message sur les acquisitions d’armement en vantait l’utilité pour les missions de maintien de la paix. En fait, il était manifeste dès le départ qu’en raison de sa hauteur et de sa longueur, qui dépassait celles de la version suédoise d’origine, ce char ne pouvait pas être acheminé dans une région en crise par un avion de transport normal de la catégorie Hercule C-130 mais uniquement par de très gros avions de type C-5 ou C-17. Or un petit pays comme la Suisse ne pourrait pas s’offrir ces appareils américains. Sur ce point, le DDPS a menti au Parlement. Le fin mot de l’histoire, c’est que les membres des commissions de la politique de sécurité ont dû prendre leur décision au vu de la version suédoise plus ancienne, car la version suisse existait certes déjà mais n’était pas encore opérationnelle. La manière dont cette décision a été prise reste un mystère. A propos, on aurait parfaitement pu déceler l’intérêt de Ruag pour cet achat en lisant une brochure de Hägglunds. On y trouvait la description d’un char de combat CV 90120 qui n’était en principe rien d’autre que le CV 9030 CH armé d’un canon de 120 mm, projet de char de combat auquel s’intéressait la Malaisie. Les «bons» Suisses demandèrent donc un char de combat qui offrait un bon potentiel de développement pour d’autres pays. Toutefois, la firme Hägglunds n’en était pas responsable.
Evoquons un autre exemple: le projet d’acquisition de deux avions de transport C-295 de la firme espagnole Casa. Lors d’une évaluation, ce type d’avion l’avait manifestement emporté sur le C-27J du consortium italo-américain Lockheed Martin Alena (LMATTS). Il est intéressant de savoir que le C-295, contrairement au C-27J, était insuffisamment qualifié, comme prévu initialement, pour les missions dans les régions en crise et que le message sur les acquisitions d’armement avait dû être modifié. Un de ses inconvénients était l’insuffisante capacité de sa soute qui rendait impossible le transport de chars de type EAGLE. De plus, sa charge utile et son rayon d’action ne correspondaient pas au profil requis initial. Contrairement au C-295, le C-27J pouvait être qualifié de véritable avion de transport militaire. A vrai dire, ces faits étaient connus de tous à l’époque mais il existait manifestement des relations particulières avec l’Espagne qui imposaient l’achat des deux C-295. Heureusement, le Parlement s’opposa à ce projet extrêmement contestable.
Le cas suivant est celui de l’acquisition des hélicoptères d’Eurocopter. A l’époque, on savait que presque aucun pays n’avait acheté cet «hélicoptère polyvalent». Seule la Jordanie en possédait. A l’époque déjà, tous les pays occidentaux misaient sur des gros hélicoptères de transport ou de combat mais pas sur un hybride comme cet hélicoptère de transport armé. Seul l’hélicoptère de transport américain de taille moyenne Black Hawk peut être armé. Mais comme l’a montré son utilisation à Mogadishu en son temps, il peut être très vite abattu par des armes d’infanterie. Mais il fallait l’acquérir. Personne ne sait vraiment pourquoi. Cela était-il destiné à compenser le refus d’acheter les avions de transport de la firme Casa? Maintenant, l’armée suisse dispose d’un hélicoptère poly­valent instable qu’il faut probablement bricoler à grand frais.
Le dernier exemple est le projet d’achat de véhicules blindés de transport de troupes de type Duro. Bien que l’Armée suisse possède encore un nombre suffisant d’anciens M-113 qui sont suffisamment blindés pour le transport des troupes, on prévoit, en vue d’une guerre, l’acquisition d’un véhicule peu satisfaisant. On peut donc se poser la question de savoir si on ne poursuit pas des objectifs tout différents. Prévoit-on des interventions en faveur de l’OTAN ou s’agit-il simplement de services rendus à des amis?
Il serait temps que le Parlement examine de plus près les projets d’acquisition du DDPS au cours des 8 dernières années. On découvrirait probablement des choses étonnantes.    •
(Traduction Horizons et débats)