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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°10, 14 mars 2011  >  Le déficit démocratique de l’Allemagne [Imprimer]

Le déficit démocratique de l’Allemagne

par Albert A. Stahel, Institut d’études stratégiques, Wädenswil

Alors que dans le monde arabe, les gens se révoltent contre leurs dictateurs, le gouvernement allemand tente, sous la houlette de la chancelière Merkel, d’imposer aux Etats malades de l’euro – Grèce, Irlande, Espagne et Portugal – la politique budgétaire et économique allemande par des mesures draconiennes. Ce procédé sans scrupules de la chancelière allemande révèle un déficit d’empathie envers les autres cultures et nations. Cela rappelle la Grande Allemagne.
Les causes de cette attitude arrogante du gouvernement allemand se situent dans le passé et dans la création de l’Allemagne d’aujourd’hui. Résultat de la guerre et de la victoire sur la France, le nouvel Empire allemand fut fondé en 1871 à Versailles par Bismarck et les princes allemands dirigés par l’Etat militaire prussien. Mais l’Empire allemand fut de courte durée. De 1914 à 1918, cette dictature militaire a, à la suite d’al­liances, réduit en cendres des parties impor­tantes de l’Europe et placé les territoires occupés de la Belgique et de la France sous la coupe d’un régime militaire brutal. En même temps, le commandement allemand fut également responsable du génocide arménien perpétré contre les Arméniens par les Jeunes Turcs de l’Empire ottoman.
La guerre une fois perdue, la République fut proclamée. Mais elle fut de courte durée. En 1933 déjà, le dictateur suivant, en la personne du caporal Adolf Hitler, arriva au pouvoir. Après le chantage exercé sur les pays européens, les hordes de la Wehrmacht allemande et de la SS ont attaqué la Pologne qui n’était pas prête à se défendre. Dès lors on se mit à tuer, à piller, à violer sans retenue. A la fin, l’Europe et l’Ouest de l’Union sovié­tique furent détruits et les Juifs gazés et incinérés en masse. Hitler et ses sbires tuèrent sans doute plus de 25 millions d’innocents. Ce n’est que grâce aux énormes sacrifices de beaucoup d’hommes et de femmes et au prix d’un immense effort financier que l’Empire allemand fut militairement vaincu et occupé par les Alliés.
En 1945, l’Empire fut divisé et les Allemands de l’Est et de l’Ouest se virent imposer de nouveaux Etats par les puissances d’occupation. A l’Ouest s’est constituée, sous le commandement des puissances occiden­tales, la République fédérale d’Allemagne et à l’Est, l’Union soviétique a créé la Répu­blique démocratique allemande. Alors que l’économie était en plein essor à l’Ouest grâce à l’aide massive du plan Marshall américain, l’Est subissait la répression et la stagnation. Au fil des décennies, il semblait que les Allemands de l’Ouest en particulier avaient appris leur leçon historique et avaient abandonné leur militarisme arrogant, contrairement à l’Etat militaire de l’Est.
Après la chute du Mur de Berlin, en 1989, les anciennes puissances victori­euses ont sanctionné la réunification. Le nouvel Etat allemand fut intégré dans l’OTAN et l’Union européenne. Surtout à titre de concession faite à la France, les Allemands renon­cèrent à leur mark et se mirent d’accord sur une nouvelle monnaie, l’euro. Dans un premier temps, ils donnèrent l’image d’une fidèle vassale des Etats-Unis et partici­pèrent en 1999 à la guerre aérienne contre la Répu­blique fédérale de Yougoslavie, guerre justifiée par les puissances occidentales au moyen de mensonges. En 2001 eut lieu la seconde intervention militaire aux côtés des Etats-Unis, la guerre en Afghanistan, qui se poursuit aujourd’hui.
Après la défaite électorale de Schröder, Allemand de l’Ouest, Merkel, Allemande de l’Est, prit le pourvoir avec la CDU, d’abord grâce à une alliance avec le SPD puis avec le FDP. Maintenant, il n’y a plus de limites à la politique extérieure hégémonique. Tandis que les pays pauvres du sud de l’UE ont littéralement été saignés par l’économie allemande, les petits pays voisins comme la Suisse ont été victimes d’intimidations par l’arrogante politique hégémonique allemande. Ainsi, la Suisse a toujours dû céder aux exigences allemandes en ce qui concerne les approches de l’aéroport de Kloten et le secret bancaire. L’Europe continue d’être livrée sans défense à l’arrogance et à l’autoritarisme des dirigeants allemands.
Ce qui frappe dans cette politique hégémonique, c’est le fait qu’elle ne soit menée que par une petite élite à Berlin. Le peuple allemand n’a pas son mot à dire. Un exemple de ce déficit de démocratie est la participation de l’Allemagne à la guerre en Afghanistan. Alors que la population allemande n’a cessé de demander le retrait des troupes allemandes de cette guerre désastreuse, le gouvernement Merkel a augmenté progressivement l’effectif de ses troupes. On peut donc se demander si l’Allemagne est vraiment démocratique. Une vraie démocratie ne pourrait être réalisée que si la situation en Allemagne provoquait un éclatement tel que celui qui a lieu actuellement en Egypte. Le peuple allemand devrait se soulever ensemble contre ses dirigeants de Berlin. Après un siècle de guerres et de dictatures, une démocratie authentique pourrait enfin être mise en place. Ce serait aussi la condition préalable à une paix véritable en Europe.    •

Source: www.strategische-studien.com
(Traduction Horizons et débats)