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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°20, 25 mai 2010  >  On trahit les fondements sociaux et démocratiques [Imprimer]

On trahit les fondements sociaux et démocratiques

Le programme et l’«Agenda politique européen» du Parti socialiste suisse trahissent le peuple

par Marianne Wüthrich

Le 26 mars, la direction du Parti socia­liste suisse a approuvé le projet de nouveau programme sur lequel le Congrès des 30 et 31 octobre doit se prononcer. Comme il se doit, ce document contient quelques prin­cipes fondamentaux que les sociaux-démo­crates de tous les pays ont toujours défendus: la lutte pour plus de justice et l’émancipation des travailleurs, la solidarité envers le prochain au sein du pays et dans le monde de même qu’envers les générations futures. La lutte contre le clivage toujours plus profond entre les riches et les pauvres, contre la faim et la pauvreté dans le monde, pour une bonne éducation de la jeunesse, pour un système de santé plus juste, pour l’intégration des immigrés fait également partie des fondements de la social-démocratie, de même que le développement de la protection sociale et des services publics sous le contrôle de l’Etat et l’utilisation durable des ressources naturelles.
Il est donc d’autant plus inquiétant que le programme contienne des atteintes massives à ces principes qui valent la peine qu’on les défende. En particulier, les prises de position à propos de l’intégration de la Suisse dans l’Union européenne, de même que la problématique de la globalisation ne relèvent pas d’une pensée sociale et démocratique mais sont imprégnées de projets et de contre-vérités effarants. L’auteur du programme est Hans-Jürg Fehr.
Il faut espérer que le texte ne sera pas accepté tel quel mais qu’il suscitera des débats approfondis et sincères et que ceux qui restent fidèles aux principes démocratiques et refusent la dissolution de la Suisse dans le monstre centraliste européen feront entendre leur voix. Tant que cette question ne sera pas tirée au clair, toutes les autres propositions concernant des questions sociales et toutes les affirmations sur la promotion de la démocratie perdront leur crédibilité.

A juste titre, le PS se prononce contre «l’idéologie néolibérale du marché, du moins d’Etat et de la trinité désastreuse de la privatisation, de la libéralisation et de la dérégulation délibérément encouragée par les gouvernements de certaines puissances occidentales (USA, GB)». Il condamne à juste titre l’«accroissement marqué du pouvoir des entreprises transnationales» et la «perte d’influence des Etats nations démocratiques […] au détriment de l’état social.» (Projet de programme du Parti, p. 5) Mais au lieu d’aller à la racine du mal et de demander avec insistance la dissolution des instruments de pouvoir du grand capital, avant tout de l’OMC, au lieu de viser au renforcement de la souveraineté des Etats nations et de l’économie des petites structures, le PS s’empêtre dans les contradictions, se souvenant des anciens projets de l’Internationale socialiste qui cherche à utiliser la globalisation pour ses visées hégémoniques.
«Depuis ses débuts, le socialisme constitue une grande famille internationale de partis organisés en conséquence.» […] «De fait, la construction européenne et la globalisation mondiale représentent des évolutions stratégiques transnationales par essence analogues au socialisme.» (PP, p. 8)
Pour diffuser les idées socialistes, le PS propose également des procédés discutables. Ainsi, le programme vante «la globalisation de la communication grâce à Internet et aux plateformes digitalisées internationales. Cette évolution est ambivalente, car elle peut être employée de diverses manières, mais il serait faux de l’évaluer seulement sous l’angle de son utilisation sur les marchés financiers. Les technologies de l’information et de la communication possèdent des qualités et un potentiel subversif que nous voyons plutôt d’un bon oeil.» (PP, p. 7)

Le PS est-il oui ou non opposé à l’ouverture totale des marchés?

En ce qui concerne la globalisation économique, le PS refuse certes «la globalisation capitaliste, les ouvertures totales de marchés qui échappent à toute régulation étatique et provoquent d’énormes dégâts sociaux et écologiques.» (PP, p. 6). Il estime que «la Suisse doit progresser vers le passage du libre marché au commerce équitable» (PP, p. 38). Mais il oublie totalement cet objectif tout à fait souhaitable dès qu’il s’agit de propositions concrètes: alors il sacrifie sans hésiter son opposition au commerce mondial libéralisé à l’objectif qui domine tout, c’est-à-dire l’adhésion à l’Union européenne. Pour s’approcher de cet objectif, on approuve n’importe quel accord bilatéral sans y regarder de plus près, même s’il est en contradiction to­tale avec les objectifs socialistes du parti et si l’UE est avant tout au service de la haute finance internationale.

1er exemple: le PS soutient l’accord avec l’UE sur le marché de l’électricité

«L’objectif est d’assurer la sécurité de l’approvisionnement sur le marché européen largement libéralisé. L’ouverture du marché suisse est conforme aux étapes prévues par la Loi sur l’approvisionnement en électricité entrée en vigueur en 2008. Elle a tout d’abord entraîné des hausses de prix massives et a dû être vite corrigée. En même temps, les négociations entre la Suisse et l’UE ont été interrompues». (Agenda poli­tique européen, p. 9)
Nous nous en souvenons tous: En septembre 2002, la libéralisation du marché suisse de l’électricité avait été refusée par référendum. Celui-ci avait été lancé par l’Union syndicale suisse. Quelques années plus tard, le Conseil fédéral présentait à nouveau au Parlement à peu près le même projet. Le Parlement approuvait une seconde fois, au mépris de la décision populaire, la Loi sur le marché de l’électricité afin que la Suisse puisse être à l’avenir embrigadée dans la réglementation du marché de l’électricité par la grâce de Bruxelles. Le peuple renonça à récolter une nouvelle fois 50 000 signatures pour le référendum facultatif. Le chef du Département concerné, le Conseiller fédéral socia­liste ­Moritz Leuenberger avait, pour faire passer la loi, à nouveau prétendu que les prix de l’électricité allaient baisser. Pourtant au moment de la votation, en 2002, on savait déjà que les prix avaient augmenté partout, que les infrastructures étaient négligées et que l’argent allait remplir les poches d’investisseurs privés.
Le PS, qui prétend protéger les services publics contre le marché, défend bec et ongles, dans son Agenda politique européen de mars 2009, la participation de la Suisse au marché de l’électricité libéralisé avec l’argument peu solide qu’il faut renforcer l’«électricité verte» et la sécurité de l’approvisionnement.
Une année plus tard, ce même PS, en contradiction avec lui-même, appelle «la Suisse» à s’opposer à la libéralisation des services publics: «Le service public est aussi sous pression sur le plan international: les principaux pays membres de l’OMC veulent transformer peu à peu les dessertes de base nationales en marchés à privatiser. La Suisse doit s’opposer à ces tendances, les bloquer et aider à maintenir l’importance du service public malgré les courants néolibéraux. L’accès gratuit à l’eau potable est particulièrement crucial.» (PP, p. 45).
La population suisse le fait déjà: elle s’oppose résolument aux efforts de l’OMC et de l’UE car elle éprouve une saine aversion pour la privatisation des services publics, comme elle l’a montré lors de la votation sur la Loi sur le marché de l’électricité. Les Suisses sont habitués à ce que les communes et les cantons gèrent avec soin et économie l’eau, ce bien précieux, et l’énergie hydraulique. Et ils veulent que les écoles, le système de santé, les routes, les canalisations, l’élimination des déchets, les transports publics et la poste restent aux mains des pouvoirs publics et puissent donc être contrôlés par le peuple. Les socialistes (comme les Verts), doivent plus que les autres partis défendre le peuple suisse et les autres peuples du monde et s’engager en faveur de la dissolution de l’OMC, qui est uniquement au service des multinationales, au lieu d’approuver docilement tout ce qui vient de Washington ou de Bruxelles et de trahir par là même leurs propres principes.

2e exemple: le PS soutient un accord sur le libre-échange agricole

Ici également, les socialistes se révèlent particulièrement favorables au marché: «Il faut tendre vers l’ouverture des marchés de toute la chaîne de production alimentaire ainsi que vers un renforcement de la collaboration dans les domaines de la sécurité des produits alimentaires ainsi que de la protection de la santé.» (APE, p. 8) La direction du PS reconnaît que l’UE s’intéresse à cet accord parce qu’elle exporte beaucoup plus de produits agricoles vers la Suisse que la Suisse vers l’UE. Elle fait miroiter aux paysans suisses un important débouché pour des «produits agricoles écologiques de qualité» bien qu’elle sache pertinemment que les paysans de l’UE produisent eux aussi à profusion des produits écologiques. La Con­seillère fédérale Doris Leuthard a reconnu il y a quelque temps qu’un accord de libre-échange agricole avec l’UE sonnerait le glas d’au moins la moitié des exploitations agricoles suisses.
Les paysans appartiennent eux aussi à la population des travailleurs, de ceux qui travaillent dur, et ils ont le droit de ne pas être abandonnés par un parti qui se dit socialiste. Au lieu de cela, le PS en rajoute en faisant croire aux paysans qu’en vendant des produits bio sur une large échelle dans l’espace européen, l’agriculture suisse a de meilleures perspectives et que cela vaudra en particulier si les négociations de l’OMC aboutissent. En clair, le PS, qui critique ailleurs à juste titre l’orientation exclusive de l’OMC vers les intérêts des multinationales, ne veut pas protéger les paysans suisses et la population tout entière, qui s’accommode très bien de la production régionale, contre la conclusion de l’accord de libre-échange mondial de l’OMC. En même temps, il trahit son objectif de solidarité avec les pauvres de ce monde qu’il prétend aider à parvenir à un «commerce équitable» plutôt qu’à un «commerce libre». Cela à l’aide d’un accord de libre-échange de l’OMC pour remplir les caisses de Monsanto et de Nestlé? C’est ridicule.
L’APE nous apprend de manière étonnamment sincère pourquoi la direction du PS souhaite vraiment un accord agricole avec l’UE: «Le PS souhaite cet accord. Il supprime un des derniers obstacles de politique intérieure à l’adhésion à l’UE et a une haute valeur symbolique (abandon de yla mentalité du Réduit, du mythe de l’autarcie).» (APE, p. 9)

Un tissu de mensonges

Depuis longtemps, la direction du PS soutient à fond l’adhésion à l’UE bien que certaines personnalités du parti soient scep­tiques, car lorsqu’on analyse attentivement la propagande poudre aux yeux du PS, on se rend compte qu’elle n’est qu’un tissu de mensonges.

Etats européens unifiés sous la direction des socialistes

Le principal argument de la direction du PS est le suivant: «La Suisse doit avoir là-bas son mot à dire en matière de décisions importantes. […] Seule l’adhésion apportera à la Suisse un plein droit de codécision.» (APE, p. 6) Bien que dans l’Agenda, le PS approuve sans les critiquer tous les accords avec l’UE, il déplore soudain que le bilatéralisme sape la souveraineté de la Suisse. Cette critique vaut également pour l’«adaptation autonome au droit européen». (APE, p. 5) Remarquons en passant que des eurosceptiques suisses mettent en garde depuis longtemps contre cette perte insidieuse de souveraineté et s’opposent pour cette raison à certains des accords. On les a chaque fois, le PS aussi, traités de Neinsager incompétents. Or les camarades savent pertinemment que le pays, comme les autres petits Etats, n’auraient, en tant que membre de l’UE, rien à dire mais devrait faire ce qu’ordonnent Merkel et Sarkozy, bras droit des Etats-Unis. En réalité, les cadres du Parti rêvent d’obtenir des sièges influents et bien rétribués à Bruxelles: «Les positions de l’UE en matière de politique mondiale sont proches de celles du PS. […] Si la Suisse (comprenez les cadres du PS! Rem. de l’auteur) veulent réaliser la globalisation dans un esprit social, écologique et pacifique, elle obtiendra davantage de résultats au sein de l’UE qu’à l’extérieur.» (APE, p. 7). A vrai dire, les camarades trouvent que l’incroyable centralisation atteinte aujourd’hui, qui se moque de la diversité des peuples et des cultures, ne va pas assez loin; ils ont des ambitions plus radicales: «La création d’un espace juridique communautaire améliore considérablement la qualité de vie des citoyens et des citoyennes de l’Europe. Ce n’est qu’en adhérant à l’UE que la Suisse pourra participer pleinement à la collaboration et à l’harmonisation des systèmes juridiques des Etats membres.» (APE, p. 7)
Il y a deux ans, 18 conseillers nationaux se sont présentés comme de futurs membres du Parlement européen dans le projet virtuel du Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) intitulé «Membre-actif.EU – L’UE comme si nous y étions». Il comprend cinq socialistes mais d’autres socialistes, comme Andreas Gross et Hans-Jürg Fehr, seraient sûrement assez disposés à jouer un rôle à Bruxelles.

Le modèle social de l’UE est-il supérieur?

L’affirmation de la direction du parti socia­liste selon laquelle le modèle social de l’UE est très supérieur à celui de la Suisse est dépourvue de tout fondement: «Des systèmes d’assurances sociales développés, le libre accès à l’éducation, l’égalité des sexes, un système juridiquement contraignant de relations de travail (APE, p. 2), etc., tout cela existe aussi en Suisse. Et que l’on nous cite un pays européen possédant un meilleur système de formation professionnelle que le système dual de la Suisse, pays qui enregistre le plus faible taux de chômage des jeunes d’Europe. Si nous avons moins de comités d’entreprise que nos voisins, cela n’empêche pas ces derniers de venir travailler en masse chez nous: manifestement parce que nos conditions de travail ne sont pas si mauvaises.

L’UE est-elle un facteur de paix?

«L’UE est un facteur de paix qui a réduit presque à zéro le risque de guerres destructrices qui existait depuis des siècles en Europe.» (PP, p. 8). «C’est dans l’intérêt absolu de la Suisse de participer au sein de l’UE à son projet de paix.» (APE, p. 6). Affirmation audacieuse lorsqu’on songe que les membres déterminants de l’UE, en particulier l’Allemagne, en association avec les Etats-Unis et Israël, ont, avec leurs bombardements, fait retourner la Yougoslavie à l’âge de pierre, qu’ils sont responsables, depuis 60 ans, des souffrances du peuple palestinien et qu’ils participent aux bombardements des civils afghans.
En outre, la collaboration économique pacifique dans l’Europe de l’après-guerre n’a pas commencé, en 1948, avec la CEE, mais avec la création de l’OECE, précurseur de l’OCDE. En 1957, à la demande des Etats-Unis, un certain nombre de pays ont pris leurs distances et se sont regroupés dans une union interétatique mieux pilotable, la CEE. Son objectif alors lointain d’union politique est pratiquement atteint aujourd’hui. Pour s’imposer face à ce club séparatiste, les autres Etats européens n’eurent d’autre choix que de créer une association de libre-­échange, ­l’AELE, dont les membres conservèrent leur entière souveraineté. Nous laissons à nos lecteurs le soin de décider laquelle de ces deux organisations est la plus apte à garantir la coexistence d’Etats nations souverains dans la paix et la liberté.
Un autre pilier de l’UE est la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) dont les troupes sont notamment stationnées en Bosnie-Herzégovine et au Congo, tirent sur des «pirates» au large des côtes somali­ennes et qui, depuis 2003, est capable de mettre sur pied en 60 jours des forces terrestres de 60 000 hommes ainsi que des forces aériennes et maritimes.

Participer aux guerres de l’UE ou pratiquer la neutralité armée?

La Conseillère fédérale Calmy-Rey et la direction du PS tiennent absolument à ce que la Suisse participe aux engagements mili­taires de cette organisation de guerre. Selon le programme du Parti, l’armée de dé­fense, qui fait cependant partie intégrante de la neutralité armée de la Suisse, doit être abolie: «La distinction absolue entre l’intérieur et l’extérieur ne convient plus à notre ­époque. La politique de sécurité axée sur l’armée et orientée vers la défense du territoire est dépassée.» En conséquence, la Suisse doit abolir le service militaire obligatoire et l’armée doit être transformée de manière à assurer avant tout, à part la protection de la population civile, la promotion de la paix dans le monde.» (PP, p. 39) Dans son Agenda, le PS défend un accord-cadre «servant à faciliter la participation aux missions internationales de promotion de la paix dirigées par l’UE» et reproche au Conseil fédéral d’«hésiter depuis des années à engager des négociations» avec l’UE. (p. 10). Entre-temps, une ­grande partie des conseillers et conseillères nationaux se sont courageusement opposés de manière indépendante, en septembre 2009, au projet d’opération Atalante sous commandement de l’UE, prévu par la Conseillère fédérale Calmy-Rey et ont provoqué son rejet. La direction du PS devrait peut-être tenir compte du fait que nombre de ses parlementaires et surtout une grande partie de sa base ne ­veulent pas que la Suisse ­participe à des opérations militaires de l’OTAN. Le fait que les dirigeants du Parti soient favorables à la participation à des guerres étrangères n’a qu’une explication possible: ils aspirent à l’adhésion qui doit leur valoir des postes à Bruxelles.

Politique d’armement: «moins de défense du territoire et davantage de proximité avec le marché»

Mais il y a pire: Ce même PS qui prétend «vouloir que la Suisse abandonne toutes activités d’encouragement à la guerre comme les exportations d’armes à des partenaires à risques» (PP, p 40) et dont on sait que depuis des années, il s’oppose à l’exportation de la moindre vis qui pourrait être utilisée pour construire des armes, se montre favorable, pour couronner sa «politique de paix», à la collaboration avec l’Agence européenne de défense (AED) dans le domaine de l’armement. Ce qu’il écrit est à peine croyable:
«La coop  ération internationale dans le domaine de l’armement est beaucoup moins coûteuse que l’industrie d’armement purement nationale. En Europe, cette coopération a lieu avant tout dans le cadre de l’Agence européenne de défense. […] Dans son document sur l’avenir de l’armée du 23 septembre 2008, le groupe parlementaire socialiste s’est clairement prononcé en faveur d’une politique d’armement caractérisée par moins de défense du territoire et davantage de proximité avec le marché.» (sic!) (APE, p. 11).
Il ne reste plus qu’à espérer qu’il se trouvera quelques socialistes droits qui ne se prêtent pas à ces petits jeux indignes dont l’unique objectif est de voir la Suisse adhérer prochainement à l’UE et qui soutiennent une authentique politique de paix, comme celle que la Suisse a toujours menée et que mène Micheline Calmy-Rey lorsqu’elle n’est pas motivée par son activisme international.

Transformer la Suisse pour préparer l’adhésion à l’UE

Comme les dirigeants du PS savent que la structure politique de la Suisse unique au monde, faite de démocratie directe et de fédéralisme est tout à fait incompatible avec l’UE antidémocratique et centraliste, ils ­estiment qu’elle doit être démantelée pour la rendre compatible avec l’UE.

Tout le pouvoir aux agglomérations?

Certes, la direction du PS reconnaît que la structure fédéraliste contribue à la séparation des pouvoirs et à la proximité avec les citoyens, mais pour elle, «la division en trois niveaux: Confédération, cantons et com­munes […] doit être complétée par un quatrième, le niveau européen. […] Le fédéralisme doit être réformé. Cela vaut essentiellement pour l’importance structurelle exagérée des petits cantons ruraux, qui date du XIXe siècle. De par la répartition des sièges au Conseil des Etats et grâce au prin­cipe de majorité des cantons, ils ont une importance exagérée qui ne correspond plus depuis longtemps à la répartition réelle de la population entre la ville et la campagne. Le PS défend une adaptation du fédéralisme à l’évolution réelle de la société. La position des villes et des agglomérations doit être renforcée.» (PP, p. 33)
Maintenant nous savons qui fait avancer la création d’espaces métropolitains pilotés par l’UE d’une part et la désertification des zones rurales et de montagne d’autre part. Nous savons maintenant pourquoi certains hommes politiques de Suisse orientale s’agitent fébrilement pour inventer un canton de «Suisse orientale» afin que leur canton ne soit pas rabaissé au rang de «province» par Bruxelles. Les Thurgoviens, les Saint-Gallois, les Appenzellois et les Grisons seraient bien inspirés de s’opposer à ce projet incroyable. Ajoutons que l’auteur du projet socialiste est Hans-Jürg Fehr, conseiller aux Etats du petit canton de Schaffhouse, dont il veut combattre l’«importance structurelle exagérée» en supprimant le principe de majorité des cantons et la transformation du Conseil des Etats en une représentation régionale. La population schaffhousoise va-t-elle le réélire quand elle saura cela?
Logiquement, le PS est gêné par la structure fédéraliste très morcelée en 26 cantons et presque 3000 communes. Il s’engage en faveur de fusions de communes et de districts et demande le regroupement des cantons en grandes régions: «A longue échéance, le nombre des cantons devrait être considérablement réduit afin de permettre à des unités plus grandes et plus autonomes qu’aujourd’hui de remplir avec une nouvelle vitalité leurs missions orientées vers l’avenir.» (PP, p 34) Par «nouvelle vitalité», le PS veut dire que, dans des communes et des cantons plus grands, il compte sur davantage d’électeurs et de sièges car c’est dans les villes et les cantons les plus peuplés qu’il a le plus grand nombre d’électeurs. Les petites communes élisent en effet surtout des conseillers sans étiquette et rarement des membres du PS, et il faut changer cela. Mais le programme ne dit pas en quoi les grandes régions seraient plus «autonomes» que les cantons qui sont souverains dans de nombreux domaines.

Abolition de la démocratie directe

Sous le titre orwellien «Développer la démocratie», le programme évoque très abondamment la démocratie directe pour ensuite s’empresser de la relativiser»: «Quelle que soit l’importance pour nous de la démocratie, il est également important d’en mentionner les limites, car le peuple ne peut pas tout faire.» (sic!)
La démocratie trouve ses limites dans le «droit prioritaire» qui, de son côté, est légitimé démocratiquement, c’est-à-dire par les droits de l’homme et le droit international». (PP, p. 31)
Ce prétendu «droit prioritaire» qui devrait, pour les socialistes, supplanter les droits démocratiques des Suisses, comprendrait naturellement, après l’adhésion de la Suisse, la totalité de la législation de Bruxelles. Or personne ne sait en quoi ce droit est «légitimé démocratiquement».

Le peuple va-t-il être privé de ses droits?

Pour contrôler l’abondante législation sur l’initiative et le référendum, les dirigeants du PS veulent placer le pouvoir judiciaire au-dessus du peuple et du Parlement: «Le PS considère la séparation en pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire comme un acquis historique essentiel et la défend sans réserves. [On doit manifestement insister sur cette évidence lorsqu’on veut adhérer à l’UE! Rem. de l’auteur]. Les procédures et les décisions démocratiques doivent aussi se conformer au cadre imposé par les droits de l’homme et l’Etat de droit. C’est pourquoi il faut renforcer le pouvoir judiciaire.» En conséquence, la direction du PS demande la création d’une Cour constitutionnelle «qui examine la conformité des décisions du gouvernement, du Parlement et du peuple avec le droit prioritaire, notamment avec les droits de l’homme. A l’avenir, les initiatives populaires ne devraient être valides que lorsqu’elles respectent les principes fondamentaux de la Constitution et du droit international.» (PP, p. 33)

Une «motion populaire internationale» pour remplacer les droits politiques perdus?

Andreas Gross, expert en démocratie qui parcourt le monde entier et explique aux autres peuples ce qu’est la démocratie di­recte, a mis un point d’orgue à l’abolition des droits politiques très développés des ­Suisses aux trois niveaux (Confédération, cantons et communes): «Andreas Gross dépose l’initiative parlementaire 09.417 sur la création d’une motion populaire internationale. Signée par 20 000 citoyens, elle demande au Conseil fédéral d’agir d’une certaines manière au plan international pour autant que les deux Chambres l’approuvent après que le Conseil fédéral se soit prononcé sur son contenu.» (APE, p. 18)
La Suisse serait ainsi définitivement coulée dans un moule euro-compatible. On voudrait que nous autres Suisses nous satisfassions d’un simple droit de pétition, c’est-à-dire d’une demande non contraignante adressée à nos autorités de faire quelque chose lorsque Bruxelles légifère à notre place? Non, messieurs les dirigeants du PS!
Espérons que de nombreux socialistes s’opposeront au projet de programme du parti et à l’Agenda politique européen.    •