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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°52, 29 décembre 2008  >  Hans Ulrich Walder-Richli [Imprimer]

Hans Ulrich Walder-Richli

6 janvier 1929 – 30 octobre 2008

hd. La rédaction d’«Horizons et débats» a appris avec beaucoup de tristesse le décès du professeur Hans Ulrich Walder-Richli. Nous perdons avec lui un juriste d’envergure, un homme qui s’était fortement investi en faveur du droit, de la justice, d’une démocratie authentique, d’une souveraineté réelle et des fondements de la Confédération helvétique tels que la neutralité, la démocratie directe et l’indépendance. Ses idées claires et ses articles engagés qui avaient toujours trouvé place dans notre journal vont nous manquer. Nous rendons ici hommage à sa vie et à son action.

Le professeur de droit Hans Ulrich Walder-Richli est décédé le 30 octobre 2008, à la veille de son 80e anniversaire. Il fut de 1973 à 1994 professeur de procédure civile, de droit des poursuites et faillites ainsi que de droit privé à l’Université de Zurich. Il était particulièrement soucieux d’assurer à ses étudiants une bonne formation et de les faire bénéficier de son appui. Il les connaissait bien, sachant les noms de la plupart d’entre eux, et gardait avec eux une relation bien au-delà de la période d’études. Il fut le premier à introduire dans son enseignement des séminaires regroupés et des tutorats dont on ne peut maintenant plus se passer. Régulièrement, en automne, à Lugano, se déroulaient des séminaires consacrés au droit civil. Celles et ceux qui en ont suivi un resteront marqués toute leur vie non seulement par les travaux juridiques, mais aussi par ce qu’il organisait en marge des cours: promenade en bateau sur le lac Majeur, visite du Musée des douanes, surnommé «Musée des contrebandiers», à Gandria, balades parfois aventureuses et, pour couronner le tout, soirée d’adieux.
En 1977, il fonda l’Institut für zivilgerichtliches Verfahren (Institut pour la procédure civile) chargé d’organiser des journées consacrées à la procédure civile. En 2003, il mit en place le Mouvement pour l’Indépendance, forum de discussion sur des questions politiques.
Il était un éminent spécialiste de droit civil et de droit d’exécution forcée. Parmi ses nombreuses publications, citons deux manuels: Fritz­sche / Walder, Schuldbetreibung und Konkurs, Bd. I und II (3. Aufl, Zürich, 1984/1993) et Walder-Richli, Zivilprozessrecht nach den Gesetzen des Bundes und des Kantons Zürich unter Berücksichtigung von anderen Zivilprozessordnungen (4. Aufl., Zürich, 1996). Il a également collaboré à un ouvrage en trois volumes, Jaeger, Walder, Kull, Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs (commentaire de la loi fédérale sur les poursuites pour dettes et faillites), paru entre 1997 et 2001. Il a également poursuivi la rédaction du Präjudizienkommentar initié par Carl Jaeger et Maria Daeniker, dont la dernière édition a paru en 2007.
En tant que membre de la commission d’experts du Département fédéral de justice et police, il a marqué de son empreinte la révision importante de la loi fédérale sur les poursuites pour dettes et faillites en 1997.
Il ne se contenta pas d’être un théoricien. Il fut juge au tribunal cantonal de Zurich de 1967 à 1973 et membre de la Cour de cassation de 1974 à 1999.
Une autre facette importante de sa personnalité était son intérêt pour la politique. Il fut huit ans conseiller général à Zollikon et trois ans député au Grand conseil du canton.
Il mit sur pied l’Institut Felsenegg puis le Mouvement pour l’indépendance afin d’offrir un forum de discussion sur des questions politiques. Le Mouvement organise régulièrement deux journées par an consacrées à des thèmes d’actualité concernant la Constitution et surtout l’indépendance de la Suisse. Durant toute sa vie, il s’est engagé sans répit en faveur du droit de procédure civile et du droit des poursuites faillites et il terminait la 5e édition de son ouvrage sur la procédure civile qui devait paraître pour son 80e anniversaire. Au printemps prochain devait paraître, pour le 10e anniversaire de la nouvelle Constitution suisse, une étude portant sur la comparaison entre la Constitution de 1874 et le texte soumis à votation le 18 avril 1999 qui, à y regarder de plus près, s’est avéré être une nouvelle Constitution.
En plus des questions juridiques, il s’intéressait aux problèmes et aux destins des hommes et se révélait un interlocuteur avisé dans des situations critiques. Qu’on se rappelle son engagement lorsqu’il écrivit «Campagne contre une femme professeur». Il avait toujours placé ses besoins en retrait de ceux des autres et de ses travaux scientifiques. C’est pourquoi il dut constamment réfréner sa passion des promenades en bateau, des voyages en train de montagne, de l’opéra et des concerts.
Tous ceux qui l’ont connu et apprécié le regretteront beaucoup, mais ils garderont de lui un souvenir vivace non seulement grâce à ses nombreux ouvrages incontournables pour tout juriste, mais aussi grâce à sa personnalité. On se souviendra du gâteau des rois, de Sempach et de Zollikon. C’est dans cette dernière localité que se trouve sa maison familiale, alors que Sempach lui devint familier par son mariage avec Annemarie Richli. Les mélomanes n’ont pas oublié le 200e anniversaire de la naissance de Mozart le 27 janvier 2006, fêté en petit comité à Zollikon, où l’on put aussi admirer la bibliothèque consacrée à Mozart par le professeur.
Certes, le Mouvement pour l’Indépendance a perdu trop tôt son fondateur et ancien président, mais l’esprit de justice dont il l’a doté, l’attention portée aux faits politiques et l’engagement en faveur des hommes demeurent.

En tant que successeur du professeur Walder à la présidence du Mouvement pour l’Indépendance je désire évoquer son action politique et humaine.
En 2003, après l’échec de la votation sur Armée XXI, il fonda le Mouvement pour l’Indépendance, acte qui le caractérise parfaitement. Face à cet échec, il ne se retira pas de la vie politique. Il ne se résigna pas et forgea de nouveaux projets. Après une collaboration si fructueuse et intéressante, dit-il, il faut rester unis et continuer à observer le processus politique en cours d’une manière attentive, exhaustive et critique.
Pour lui, le nom de Mouvement pour l’Indépendance était tout un programme. Il a été traduit dans les quatre langues nationales et figure en en-tête des lettres. On mettait ainsi l’accent sur l’importance du plurilinguisme suisse:
•    Mouvement pour l’Indépendance
•    Bewegung für Unabhängigkeit
•    Movimento per l’Independenza
•    Moviment d’independenza
Chacune de nos quatre langues nationales peut exprimer à sa manière la personnalité et l’œuvre du professeur Walder-Richli.
La Suisse romande l’appellerait «citoyen» puisqu’il était un homme politiquement très actif, ne ménageant ni son temps ni ses efforts pour faire valoir ses idées, réveiller ses concitoyens et déranger les élites politiques.
La Suisse italienne verrait en lui le «combattente», le militant qui ne cessait de dénoncer et de combattre les irrégularités, exigeant imperturbablement qu’on respecte la Constitution et les lois.
Les Romanches lui donneraient le titre de «Visionar pro Svizra», car il était un visionnaire pour notre pays qui savait sur quelle base constitutionnelle la Suisse du XXIe siècle pourrait survivre; il était capable de penser l’avenir.
Les Suisses alémaniques, finalement, l’appelleraient «der Unbestechliche», l’incorruptible, qui suivait imperturbablement sa voie, ne cessait de s’indigner de l’ignorance quotidienne et ne se laissa embrigader au service d’aucune idéologie.
Walder-Richli était tout cela: citoyen, militant, visionnaire incorruptible.
Il y a six mois, il a, comme à son habitude, brillamment introduit notre réunion annuelle en nous mettant en garde contre une nouvelle ère de Re­stauration en cours en Suisse contre laquelle il a demandé, avec la clairvoyance qui lui était propre, un renouveau, comme celui qui eut lieu à partir de 1830. Repenser la Suisse est justement la devise de chacune de nos réunions.
Il sera impossible de combler le vide que laisse la mort de Walder-Richli. Il nous manque cruellement. Nous devons pourtant, chacun à notre manière, transmettre son héritage en agissant non pas en représentants de partis ou d’intérêts quelconques, mais en hommes et en femmes soucieux du bien commun.
Il y a un an, Walder-Richli avait commencé de préparer un séminaire intitulé «Dix ans de nouvelle Constitution fédérale – bilan et perspectives». Il pensait l’organiser en 2009. Dans sa présentation, il écrivait:
«Au centre [du séminaire], nous avons placé la question de savoir si nous sommes encore à la hauteur de notre système politique ou si nous devons opérer des modifications et, si oui, lesquelles. Il ne s’agira pas d’organiser des conférences de sommités des domaines politique ou scientifique – lesquelles sont cependant cordialement invitées. Les réponses doivent venir du peuple, donc des participants eux-mêmes.»
Ce séminaire, le Mouvement pour l’Indépendance l’organisera au cours de l’année prochaine, tout à fait selon les idées de Walder-Richli.

Béatrice Grob, membre du comité du Mouvement pour l’Indépendance

René Roca, président du Mouvement pour l’Indépendance.

Zurich, 17 décembre 2008