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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°31, 9 août 2010  >  Un ancien artisanat revient [Imprimer]

Un ancien artisanat revient

De saules et de vanniers

par Heini Hofmann

Le métier du vannier est très ancien, à l’écart des modes. Jadis, les paysans plantaient des saules le long des ruisseaux, ils les taillaient et utilisaient les baguettes d’osier pour la fabrication de paniers. Aujourd’hui, l’art du vannier vit une renaissance et ce sont souvent des femmes qui font ce travail. Mais malheureusement l’osier doit être importé.
En cosmopolites, les saules sont répandus dans le monde entier (sauf en Australie et dans l’Archipel malaisien). Les côtes des mers tropiques leur plaisent tout autant que les régions froides de la montagne inhospitalière. En Suisse, on en rencontre plus de 30 espèces, ce qui représente environ un dixième de la totalité des espèces. Les saules des vanniers ou l’osier blanc représentent un élément traditionnel de notre espace cultivé. Leurs baguettes ont été utilisées depuis l’âge de bronze.

Les saules sont des vagabonds

Plante pionnière rustique, avide de ­lumière, les saules aiment les paysages ouverts et préfèrent les sols plutôt humides. Ils sont les vrais précurseurs de la formation des forêts, par lesquelles ils sont ensuite évincés. Pour cette raison ils sont, en comparaison avec d’autres plantes bocagères, quelque chose comme des tziganes botaniques et n’ont pas une très grande espérance de vie, au maximum 50 à 100 ans.
Quatre biotopes leurs plaisent avant tout: Des sols bruts, des pentes glissantes, des prairies et forêts fluviales, des bancs de gravier, des marais, ainsi que des éboulis et des pentes rocheuses alpins. Lors d’un ensevelissement ils forment tout de suite de nouvelles racines, et comme leur bois est traversé de cavités par lesquelles l’oxygène parvient jusqu’aux racines, ils peuvent aussi se développer dans des sols trempés.
L’esprit pionnier des saules va de pair avec leur apparence multiple. Tous les saules sont des plantes feuillues et presque tous perdent leurs feuilles en automne. Mais leurs variations vont d’arbres imposants jusqu’à de ­petits buissons herbeux. Dans les régions alpines où l’on rencontre jusqu’à 50% de ­saules indigènes, ils s’adaptent avec leur petite taille au climat rude et ils supportent facilement une couche de neige pendant huit à dix mois.

L’arbre le plus petit du monde

Représentant typique parmi les saules géants qui peuvent atteindre jusqu’à 25 mètres, le saule blanc, le saule le plus haut parmi les saules indigènes, est capable de s’imposer contre les autres arbres au bord des rivières. En revanche, on rencontre dans les zones marécageuses le saule cendré comme représentant typique d’arbustes pouvant atteindre jusqu’à 6 mètres.
Exemple par contre des saules minus­cules en montagne, c’est-à-dire les buissons nains ou les buisson tapissants, c’est le saule herbacé «l’arbre le plus petit du monde». Il peut se permettre de ramper à même la terre parce qu’il n’y a pas de concurrents pour la ­lumière, ainsi il profite de la chaleur du sol et en même temps il est protégé des ­tempêtes.
Les saules des régions chaudes de ­plaine et ceux des régions froides de montagne se distinguent non seulement par la grandeur mais aussi par divers détails botaniques, ainsi parmi d’autres, les chatons, les fleurs en forme d’épis, les premiers étant fécondés avant tout par des insectes et les derniers surtout par le vent. Les plus proches parents des saules, les peupliers, se distinguent entre autre par des chatons pendants.

Monsieur et Madame Saule

La plupart des plantes de notre terre – plus de 90% – portent des fleurs masculines et féminines en même temps. Mais pas le saule. Il n’a soit que des fleurs féminines ou que des fleurs masculines, ce qui s’appelle dans le langage spécialisé des plantes dioïques (exception des croisements de saules, par exemple le saule pleureur). Avantage d’une telle séparation stricte des sexes: pas d’auto-fécondation, donc pas d’union consanguine. Désavantage: La moitié de tous les saules ne produisent pas de semences.
Les graines des saules sont équipées d’une aigrette et sont ultra-légères (10 000 graines pèsent 1 gramme!) et peuvent voyager des kilomètres avec le vent. Comme elles ne contiennent pas d’éléments nutritifs, elles ne ­restent fécondes que quelques jours. Les poils de l’aigrette collent au sol après l’atterrissage et mettent le germe debout – comme les piliers d’une capsule atterrissant sur la lune.
Mais il y a aussi chez les saules la reproduction asexuelle; les pousses des saules font très vite des racines au contact du sol, même si elles sont séparées de la plante. Le saule fragile doit son nom à ce phénomène, le courant de l’eau emporte les pousses fragiles de ce saule des prairies et forêts fluviales et les dépose à terre plus loin, où ils font très vite des racines.

Utilité multiple

Comme plantes pionnières, les saules sont peu exigeants parce que leurs racines parviennent à de grandes profondeurs, ils sont très utiles pour la stabilisation des pentes humides glissantes. Des jeunes pousses du saule blanc et du saule pourpre servent à fixer des plantes, spécialement la vigne, parce qu’ils présentent l’avantage de ne pas entamer la plante.
Ce qui est le plus connu, c’est l’utilité de l’osier blanc, du saule des vanniers. Pour obtenir les baguettes appropriées pour attacher et pour tresser, les saules sont coupés ­chaque année à hauteur de poitrine ce qui épaissit le tronc en forme de tête arrondie. Le bois ne peut pas être utilisé pour la construction ni pour chauffer car il n’est pas assez dur; seuls les Hollandais utilisent le bois du saule blanc pour faire leurs sabots. Et au printemps, quand la sève monte, les enfants font des sifflets en bois de saule.
Les saules des vanniers aux troncs noueux offrent en plus des niches pour les oiseaux et pour les chauves-souris ainsi que de la nourriture pour de nombreux insectes, notamment pour les guêpes et les Tenthredininae, les chenilles du cossu gâte-bois (un papillon de nuit), plusieurs papillons comme la ­Grande Tortue, le Sphinx demi-paon ou Sphinx ocellé, ou le Morio, les coléoptères comme le Lamie tisserand et la Cétoine dorée, des abeilles sauvages, des fourmis et même pour des champignons et du gui. Et il ne faut pas oublier le castor qui a une prédilection pour les saules au bois tendre et qui s’y attaque de façon décisive!

Exposition à ce sujet

Le Musée d’histoire naturelle de Winterthur (Naturmuseum Winterthur) montre encore jusqu’au 24 octobre l’exposition créée par le Jardin botanique de Saint-Gall «Verflixt und verflochten» complétée par un jardin de ­saules en nature de la Stadtgärtnerei. Ouverture: tous les jours sauf le lundi de 10 à 17 heures. Informations supplémentaires: www.natur.winterthur.ch    •
(Traduction: Horizons et débats)

Les saules comme plantes médicinales

hh. L’écorce des saules contient de la salicine, qui est transformée dans le corps en acide salicylique qui soulage en cas de douleurs et baisse la fièvre. L’effet guérisseur de la tisane de saule était déjà connu par Hippocrate. En 1874, l’acide salicylique a été synthétisé pour la première fois mais il n’était pas absorbable car il abîmait la muqueuse gastrique.
En 1897 le Dr Felix Hoffmann a réussi a créer une synthèse absorbable ­appelée acide acetyl-salicylique – de laquelle est issue deux ans plus tard l’Aspirine, un remède contre tous les maux, comme l’Alka-Seltzer bien connu qui est ­apparu plus tard. Si l’on voulait aujourd’hui couvrir l’immense consommation des dérivés de l’acide salicylique avec l’écorce de saule, il faudrait un champ de la grandeur de l’Europe.

Un produit de niche oublié?

hh. Jadis, les produits de vannerie étaient très demandés et faisaient partie du quotidien. Des paniers, des hottes, des bonbonnes clissées, des barrières en ­baguettes de saule, des nasses pour attraper les poissons, des cages à oiseaux, des chaises en osier, des poussettes – et des paniers à munitions. Mais l’industrialisation de l’artisanat n’a pas favorisé la qualité. Finalement la marchandise importée et bon marché, et les produits de cartonnerie ont privé les vanniers de leur travail. Dès 1950, on a abandonné la formation d’apprentis.
Mais en 1977, le vent a tourné; de nouveaux contrats d’apprentissage ont été conclus, en 1987, un règlement de la profession reconnu a été réalisé et en 1989 a été fondée l’Interessengemeinschaft Korbflechterei Schweiz, IGK-Schweiz (Association d’intérêt des vanniers suisses). Actuellement, deux apprentis sont en première année de leur apprentissage qui dure 3 ans. Après la fin de leur apprentissage ils seront les premiers à porter le nom professionnel de «Vannier créateur CFC/Vannière créatrice CFC». La tendance chez les nouveaux apprentis: Ce sont les femmes qui dominent.
Ce qui est un peu étonnant c’est que les baguettes d’osier qui sont employées par les professionnels proviennent ­presque uniquement de cultures de saules étrangers, elles doivent être importées.
N’y aurait-il pas d’agriculteurs pionniers qui seraient prêt à évaluer si l’on ne pourrait pas générer une nouvelle production de niche?
En Suisse, il y a actuellement environ 40 vanniers à plein temps qui sont soit indépendants, soit chefs dans les vanneries faisant partie de certaines institutions sociales. Pepito F. Zwahlen, président très actif d’IGK Schweiz, a son atelier de vannier à Grabs SG et il est originaire de Rüschegg BE, qui fut autrefois le bastion de la vannerie.
Modeste, mais persuadé il constate: «Nous sommes certes les représentants d’un métier marginal, mais nous sommes fiers de notre artisanat, qu’il s’agisse de créations nouvelles ou de restaurations, d’ustensiles du quotidien ou d’objets d’art. L’idée de la concurrence n’existe pas chez nous; on s’aide les uns les autres et chaque membre se distingue par sa griffe de vannier.»