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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°6, 15 fevrier 2010  >  «Novena – Produits frais» en provenance du Valais [Imprimer]

«Novena – Produits frais» en provenance du Valais

 

par Hedwig Schär, gouvernante de maison BF

Le «Groupement suisse pour les régions de montagne» (SAB) s’engage en faveur de l’amélioration des conditions d’existence et des possibilités de développement de la population des zones de montagnes. Elle a reconnu au fur et à mesure que non seulement l’agriculture mais également les petites et moyennes entreprises jouent un rôle primordial pour la sécurité économique dans ces régions. Par conséquent, la SAB a formulé un plan d’action économie, adopté en septembre 2009, qui vise à poser et améliorer les bases respectives (www.sab.ch).

Une entreprise qui réalise depuis longtemps ces exigences est la «Novena – Produits frais» à Ulrichen en Valais, située à 1346 mètres d’altitude.
Quand on parcourt la magnifique vallée de Goms à skis de fond, on ne croirait pas découvrir derrière la façade de la baraque et du hangar d’avions de l’ancien aéroport militaire d’Ulrichen une production de pâtes.
Là, où beaucoup de gens passent leurs vacances, on produit des pâtes depuis 1994. Le nom de l’entreprise provient du col de Nufenen, passo della Novena en italien, qui mène au Tessin.
Le propriétaire de l’entreprise, Roman Bernegger, ingénieur en denrées alimentaires formé à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETH), est lié à la région montagnarde depuis son enfance. L’Appenzellois de naissance aidait ses parents à faire les foins aux Grisons, où il passait souvent ses vacances. Il a fait des expériences dans la production de pâtes au Canada, où il a vécu pendant quelques années. Revenu en Suisse, il ne pensait pas continuer dans ce métier. Il s’est tourné vers le lait, un produit fort intéressant. Mais en Suisse, n’est pas producteur de lait qui veut. Et voilà, Roman Bernegger et revenu à son ancien produit parce que les pâtes représentaient et représentent toujours un marché en croissance. Dans les régions urbaines la demande est grande malgré une constante fluctuation. Il livre ses produits dans toute la Suisse avec sa camionnette frigorifique.
Dès le début, Roman Bernegger désirait produire de manière régionale et biolo­gique. Il a maintenu la production biolo­gique, mais la Novena devait faire des achats en dehors de la région parce que beaucoup de ma­tières premières biologiques ne sont pas dispo­nibles en Valais. Avec son entreprise, Roman ­Bernegger a été le premier à produire des pâtes biologiques.
Pour avoir une bonne base, il s’est constitué un réseau de contact de fournisseurs et de clients. Dans ce métier, il s’agit de ­prendre d’une main et donner de l’autre, dit ­Bernegger.

La région de montagne

Le problème principal dans la région montagnarde est la saisonnalité qui dépend du tourisme, continue Roman Bernegger. Quand les touristes sont loin, plus rien ne se passe. Il ne voulait pourtant pas d’entreprise saisonnière mais une production durant toute l’année.
Les Valaisans ont un proverbe: tout descend «den Rotten nitschi» (tout descend le Rhône). Cela veut dire que la région de montagne perd de plus en plus d’entreprises. Le problème est que trop peu montent et viennent s’installer ici. Un exemple: l’argent des caisses de retraite ne doit pas être investi dans des régions marginales parce que l’économie y est trop faible. C’est pourquoi il est difficile d’y établir une entreprise; ceci d’autant plus que les banques hésitent à accorder des crédits. Bernegger a donc commencé seul et il a investi beaucoup de son argent. Heureusement, sa femme a toujours travaillé et ainsi ils ont pu joindre les deux bouts.
Roman Bernegger aimerait rencontrer plus de sens des affaires et moins de bureaucratie. Les moulins moulent trop lentement dans ce domaine. Il a rempli une quantité de de­mandes et de feuilles de papiers. La mise sur pied d’une entreprise doit avancer et ne peut pas toujours attendre jusqu’à ce que les demandes soient examinées.
Un autre problème des régions marginales a été le démantèlement du service public, notamment celui de la poste. Au début, il pouvait envoyer ses produits par la poste. Quand ces dernières années, on a démantelé ce service par une tactique du salami, il a commandé un camion frigorifique afin d’être plus indépendant et de pouvoir livrer constamment.
Avec un sourire, monsieur Bernegger déclare que l’emplacement de son entreprise est très central. Il ne lui faut que quelques ­heures pour atteindre Milan, Genève ou Zurich, trois métropoles mondiales.

L’entreprise

Dans la production d’aliments frais on travaille 52 semaines par an. Curieusement, les temps de pointe de la vente ne se situent ni à Noël ni à Nouvel-An. Tout au long de l’année c’est le mois de mars qui marche le mieux. Roman Bernegger en voit la raison dans le fait que c’est là qu’il y a le plus de monde en Suisse. Il y a des touristes et les habitants du pays ne sont pas en vacances.
Chaque matin le travail commence à cinq heures et se termine à huit heures du soir. On travaille en deux équipes qui se recoupent à midi. Les employés viennent de la région. En tout, il y a 15 emplois à plein temps chez Novena: des cuisiniers, du personnel vendeur, des boulangers, des mécaniciens et des chauffeurs. Beaucoup d’employés travaillent sur une base flexible, là où ils sont demandés et où sont leurs intérêts. Un boulanger par exemple aime également livrer les marchandises en voiture.

Les produits et leur production

Novena produit toutes sortes de pâtes. Très estimés sont les raviolis avec des farces délicieuses. Ces farces sont produites dans l’ancienne fromagerie du village et ensuite traitées dans l’ancien hangar de l’aéroport militaire d’Ulrichen, qui a été transformé en un lieu de production où les raviolis, les tortellini ou les cannellonis sont farcis. Beaucoup de farces sont produites selon la saison, ainsi au printemps avec de l’ail des ours et en automne avec de la courge ou des champignons. L’assortiment est régulièrement agrandi. Les idées proviennent en partie de la clientèle; mais le cuisinier donne aussi son avis.
Au milieu de l’ancien hangar se trouve une grande chambre froide avec une température de 0 à 2 degrés. C’est là que les produits prêts sont stockés jusqu’à leur livraison. Autour de ce lieu se trouvent la production et l’emballage des pâtes. A côté de l’entrée, il y a un barrage antisaleté et après on se retrouve devant une machine qui fabrique et étend la pâte. A cette machine on peut en ajouter une qui fait seulement des nouilles ou une autre qui produit des raviolis de différentes formes. Pour y arriver, on change tout simplement de cylindres selon la forme et la grandeur (voir la photo). Ainsi le personnel est en mesure de fabriquer selon les désirs des clients les pâtes d’une manière simple. Grâce au changement rapide une grande flexibilité est possible. Chaque jour selon les commandes reçues un plan est établi, déterminant combien de pâtes de quelle sorte doivent être fabriquées.
Sur demande les raviolis et les tortellinis sont confectionnés aussi à la main. Cela arrive surtout pour la gastronomie. Novena peut livrer toujours la même qualité parce que l’entreprise est spécialisée.
La qualité et la fraîcheur occupent la première place. Les livraisons doivent également être promptes. Le terme «frais» dans le nom peut être pris à la lettre.
Roman Bernegger a acheté les machines en Italie, mais il les a développées selon ses propres plans, améliorées et ainsi optimisées selon ses besoins. La plupart des séries de machines sont en double afin qu’on puisse continuer tout de suite si jamais une machine tombe en panne.

Distribution

Novena n’a pas de site internet et ne fait pas non plus de publicité dans les médias. Ses clients sont des hôtels, des restaurants et des épiceries fines.
Novena produit aussi des pâtes pour Gran Alpin, une coopérative des Grisons de 50 exploitations bio cultivant du blé, du seigle, de l’orge et de l’épeautre.
Depuis deux ans l’entreprise fabrique cinq produits différents pour Coop sous le label Pro Montagna.
Monsieur Bernegger vit de la mise sur pied d’une bonne et large clientèle d’habitués. Souvent aussi la propagande de bouche à oreille a du succès. Il y faut de la persévérance, parfois pendant de longues années. Par exemple, il s’est un jour présenté avec des échantillons dans un hôtel. Mais à l’époque il n’a pas reçu de commande. Dix ans plus tard, lorsque le patron a changé, le cuisinier qui était resté s’est rappelé la présentation et c’est ainsi qu’il a gagné un nouveau client. Dans la gastronomie surtout, il faut beaucoup de patience.
Pour avoir assez de demandes, la qualité est importante et l’on a besoin de plusieurs options. Ainsi Novena a aussi pu résister à la crise financière, il y a eu des changements mais grâce à la diversification, ils ont été supportables.
Dans l’entreprise de Roman Bernegger un grand nombre des exigences du plan d’action du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) sont réalisées: des employés qualifiés sur place, l’accès aux marchés suisses, la coopération avec d’autres entreprises, la création de réseaux, l’usance de l’infrastructure sur place et l’amélioration de l’image des régions de montagne comme lieu de travail. Tout cela a pour effet que la région se développe économiquement d’une ma­nière durable.
Roman Bernegger a donc, avec beaucoup de persévérance et de cœur, développé depuis déjà 15 ans les bases qu’en 2009 le SAB a adoptées.
Beaucoup d’engagement, d’initiative personnelle et de persévérance sont à la base de cette entreprise! Il est souhaitable qu’encore beaucoup d’établissements commerciaux soient créés et développés dans les régions marginales.•