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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°10, 11 mars 2013  >  Se débarrasser de l’étau de la «stratégie du choc»: «Il faut cesser de brader l’Europe» [Imprimer]

Cela va tout aussi bien sans UE

Cela va tout aussi bien sans UE. Dès à présent, les autorités policières de la Suisse, de l’Autriche et de la principauté du Liechtenstein collaboreront plus étroitement. Tout dernièrement, le Conseil fédéral suisse a adopté un nouvel accord de police qui vise entre autre une répression plus efficace de la grande criminalité. De même, les Etats doivent collaborer plus étroitement dans le domaine de la protection des témoins et des victimes. Avec cet accord, le combat contre la migration illégale et la collaboration transfrontalière seront facilités. L’accord prévoit également que les trois Etats se soutiennent dans le domaine des infractions au code de la route. Les infractions, commises dans un des Etats partenaires par des automobilistes suisses, autrichiens ou liechtensteinois, peuvent mieux être punies. Ainsi, les amendes émises dans l’un des pays seront encaissées par les autres pays qui garantissent leur règlement. On élimine ainsi un des gros trous à passer qui existaient jusqu’à présent. [...]

Source: Vertraulicher Schweizer Brief, no 1348 du 2/2/13

Se débarrasser de l’étau de la «stratégie du choc»: «Il faut cesser de brader l’Europe»

par Dieter Sprock

L’UE fait pression sur la Suisse. Elle veut faire dépendre la participation de cette dernière au marché européen de l’électricité de la reprise automatique du droit européen. Mais dans la pratique, l’un n’a rien à voir avec l’autre. Depuis plus de 50 ans, on fait le commerce de l’électricité au-delà des frontières du pays sans diktat de l’UE. Cela a très bien fonctionné.
En même temps, le Département de Leuthard (Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication) fait avancer l’ouverture du marché de l’électricité, bien qu’une telle libéralisation n’ait apporté aucun avantage à aucun pays. Dans tous ces pays, les prix ont augmenté et la sécurité de l’approvisionnement a diminué.
La cheffe du département s’efforce d’effacer le rapport entre les deux objets. Pourtant celui-ci est si évident, que personne ne peut le nier. La «Neue Zürcher Zeitung» écrit le 23 janvier de cette année: «Leuthard veut séparer l’ouverture du marché de l’électricité du traité sur le marché de l’électricité que la Suisse est en train de négocier avec l’UE. Au niveau du contenu, il y a certes un rapport, l’accès au marché de l’électricité européen nécessite la libéralisation totale.» Pour cela, il n’y pas de raisons sensées.
Il est pourtant bien connu que l’UE est l’agence de la libéralisation en Europe et de la privatisation des grands monopoles d’Etat. Quand on lit le livre «La stratégie du choc» de Naomi Klein1 en tenant compte de cet aspect, on a les cheveux qui se dressent sur la tête. Les stratèges du choc sont capables de bien d’autres choses que seulement de chantage. Le livre, écrit déjà en 2007 et décrivant la «stratégie du choc» sur plus d’une trentaine d’années, n’a rien perdu de son actualité. Tout au contraire. Celui qui veut comprendre ce qui se passe aujourd’hui en Europe, doit le lire.

En partant du Chili de Pinochet, Naomi Klein montre, à l’aide d’innombrables exemples bien documentés, comment les guerres et les catastrophes ont été instrumentalisées pour imposer les idées radicales d’économie de marché de Milton Friedman et de ses élèves. La stratégie est systématique: les pays mis en état de choc au moyen de catastrophes, sont contraints d’ouvrir leur économie aux financiers internationaux, d’aliéner leur propriété d’Etat, de privatiser les services publics et de procéder à des économies massives dans leur système social. Souvent, le FMI et l’OMC, tous deux dominés par les USA, servent d’auxiliaires d’exécution. Ainsi, des développements sont imposés de manière accélérée, qui auraient été impensables sans choc ou bien auraient pris des années. Les paroles de Friedman: «Seule une crise – réelle ou supposée – peut produire des changements. Lorsqu’elle se produit, les mesures à prendre dépendent des idées alors en vigueur. Telle est, me semble-t-il, notre véritable fonction: trouver des solutions de rechange aux politiques existantes, et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles deviennent politiquement inévitable.»2 Pendant plus de trois décennies, Friedman et ses adeptes ont perfectionné cette stratégie: «Attendre une grande crise de grande envergure, puis, pendant que les citoyens sont encore sous le choc, vendre l’Etat morceau par morceau, à des intérêts privés avant de s’arranger pour pérenniser les ‹réformes› à la hâte.» (Klein p. 15)

Une trace de sang et de misère tout autour du globe

Des mensonges, de la propagande et du chantage; choc des dettes et de l’inflation; la guerre, la torture et la terreur sont les méthodes de la stratégie du choc, à l’aide desquelles on fait avancer la libéralisation des marchés. Voici quelques exemples:
Après le putsch militaire sanglant de 1973, le Chili se trouvait en état de choc. «Friedman conseilla à Pinochet de procéder aussitôt à une transformation en profondeur de l’économie – réductions d’impôts, libéralisation des échanges commerciaux, privatisation des services, diminution des dépenses sociales, et dérèglementation. Bientôt les Chiliens virent même leurs écoles publiques remplacées par des écoles privées, auxquelles donnaient accès des bons d’études.» (p. 16) Selon Friedman, l’Etat «n’a rien à voir avec l’enseignement». Une formation gratuite était pour lui «une intervention injustifiée dans le marché.»
En Argentine, trente mille personnes – avant tout des activistes de gauche – ont disparu lorsque fut imposée la «politique de l’école de Chicago» sous la Junte de Videla entre 1976 et 1978.
Margaret Thatcher a profité du chaos de la Guerre des Malouines en 1982 «permirent à Margaret Thatcher de recourir à une force extraordinaire pour étouffer la grève des mineurs du charbon en faisant recours à une énorme violence». Elle a ainsi déclenché la première «vague de privatisation» dans une démocratie occidentale.
En 1999 les bombardements de Belgrade par l’OTAN «créèrent des conditions favorables à des privatisations rapides en Ex-Yougoslavie – objectif, du reste antérieur à la guerre.» (p. 19)
Juste après les attentats contre les Twin Towers en 2001, on a profité du choc pour engager la guerre contre l’Afghanistan, avec jusqu’à présent d’innombrables victimes.
En 2003, le procédé éprouvé trente ans auparavant au Chili a été appliqué en Irak, mais de manière plus brutale! Après la guerre, les entreprises publiques et les gisements pétrolifères ont été privatisés et distribués à des groupes occidentaux.
Même des catastrophes comme le tsunami au Sri Lanka en 2004 et l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005 ont servi à faire avancer la restructuration radicale de l’économie de marché. La population indigène a été expulsée et les terrains de construction situés dans un environnement de meilleure qualité vendus à des investisseurs internationaux. A la Nouvelle-Orléans, sur les conseils de Friedman, les écoles publiques ont été remplacées presque complètement par des écoles charter privées, et ceci à une allure militaire «19 mois après les inondations, alors que la plupart des pauvres de la ville étaient encore en exil presque toutes les écoles publiques de la Nouvelle-Orléans avaient été remplacées par des écoles à chartes exploitées par le secteur public.» (p. 14) Pendant ce temps les instituteurs du réseau public, témoins du détournement des fonds alloués aux victimes de l’inondation – qu’on utilisait pour anéantir le réseau public et le remplacer par un réseau privé – qualifièrent le projet de Friedman de spéculation immobilière appliquée au monde de l’éducation. Pour eux, le projet de Friedman était une «expropriation pédagogique».
Naomi Klein admet qu’aucune des guerres mentionnées ci-dessus n’était motivée que pour des raisons économiques, cependant dans chaque cas «un grand choc collectif» a été instrumentalisé afin de restructurer radicalement l’économie.

USA: du libéralisme à l’Etat corporatiste

Lorsque le 11 septembre 2001, les avions se sont écrasés contre le World Trade Center, la Maison-Blanche était remplie d’élèves de Friedman, qui s’appelaient néoconservateurs aux USA de ce temps-là. «L’administration Bush profita de la peur suscitée par les attentats non seulement pour lancer sans délai la ‹guerre contre le terrorisme› mais aussi pour faire de cette dernière une entreprise presqu’entièrement à but lucratif, une nouvelle industrie florissante qui insuffla un dynamisme, renouvelé à une économie chancelante›, le ‹complexe du capitalisme de catastrophes›.» (p. 22) Celui-ci serait beaucoup plus large que le «complexe militaro-industriel», contre lequel Eisenhower a mis en garde vers la fin de son deuxième mandat présidentiel. Aujourd’hui, il s’agirait d’une guerre globale, menée à tous les niveaux par des entreprises privées et financée par les fonds publics: «Au bout de quelques années seulement le complexe a déjà pénétré de nouveaux marchés: ne se contentant plus de lutter contre le terrorisme il participe à des missions internationales de ‹maintien de paix›, organise des polices municipales et répond aux catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes. L’objectif ultime des grandes sociétés qui forment le cœur du complexe, c’est d’introduire le modèle du gouvernement à but lucratif – qui progresse rapidement dans des circonstances extraordinaires. […] Autrement dit, il s’agit de privatiser le gouvernement», écrit Naomi Klein. (p. 22)
En 2003, le gouvernement américain signa 3512 contrats avec des entreprises de sécurité et au cours des trois années suivantes le Departement of Homeland Security en signa 115 000. La «protection du patrimoine» globale est un commerce de «200 milliards de dollars.» Cependant, le véritable argent serait gagné avec la guerre d’outre-mer. «De nos jours, les interventions en cas de guerres et de catastrophes sont à ce point privatisées, qu’elles constituent en soi le nouveau marché. Pour le boom, inutile d’attendre la fin de la guerre. (p. 24)
Le système efface les frontières entre la politique et le grand profit et la désignation plus exacte de «libéralisme, conservatisme ou capitalisme» serait par conséquent, «corporatisme» respectivement «néo-corporatisme». Dans le néo-corporatisme, les associations ne sont soumises à aucun contrôle direct de l’Etat. «Il se caractérise au premier chef par d’immenses transferts de ressources publics vers le secteur privé, démarche qui s’accompagne souvent d’une explosion de l’endettement, d’un accroissement de l’écart entre les riches à outrance et les pauvres sans importance et d’un nationalisme exacerbé qui justifie des dépenses colossales dans le domaine de la sécurité.» (p. 26)

«La stratégie du choc» pour l’Europe

Il n’y a pas besoin d’être particulièrement doué pour reconnaître aussi en Europe l’effet de la «stratégie du choc». Selon le slogan: «Constance se situe près du lac de Constance, qui n’y croit pas, se rend là-bas et regarde.»
Sous le choc, déclenché par la faillite de Lehman et les papiers toxiques américains, on fait également avancer la libéralisation des marchés en Europe. Cela veut dire concrètement: Les pays qui se sont trop endettés perdent leur souveraineté. Après que les agences de notation le plus souvent américaines aient rétrogradé leur taux de solvabilité, une troïka composée de la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fond monétaire international (FMI) leur dicte les conditions sous lesquelles ils peuvent obtenir de nouveaux crédits. Au premier plan se situe la privatisation des grands monopoles de l’Etat: l’électricité, la télécommunication, l’administration publique, le système d’élimination des déchets, les transports publics, le système de santé, la formation et depuis peu aussi la privatisation de l’eau. En outre, la réduction du personnel et des salaires, des suppressions massives dans le domaine social et des retraites.
Les salaires sont déjà si bas dans de nombreux pays européens que le père et la mère doivent travailler tous les deux pour nourrir la famille; ce qui est cyniquement commercialisé comme «libération de la femme». Entre-temps, la politique est de plus en plus orientée par des usines à concepts et des conseils d’entreprises opérant sur le plan mondial. Des projets supranationaux tels que les parcs naturels et l’Europe des régions font partie de la stratégie. Ces projets servent à établir des structures parallèles, qui ne sont plus soumis au contrôle démocratique.

Chômage de masse et pauvreté

Pendant que les va-t-en-guerre dans l’UE rêvent d’un nouvel empire doté de souveraineté en matière fiscale et en matière d’éducation, et prônent une armée européenne opérationnelle dans le monde entier, la mondialisation laisse une trace de destruction dans toute l’Europe: depuis la Seconde Guerre mondiale le taux de chômage, et en particulier celui des jeunes, n’a jamais été si élevé. Dans quelques pays règne déjà une détresse aigüe.
Ainsi une touriste rapporte qu’au Portugal il y a des gens du pays qui demandent dans des restaurants s’ils peuvent manger les restes des hôtes.
En Grèce, il y a déjà maintenant «400 000 familles dont aucun membre n’a un travail. D’après des estimations, d’ici la fin de 2013, presque un Grec sur trois apte au travail sera sans travail.» («Neue Zürcher Zeitung» du 21/2/13). Il y a un manque de nourriture et de médicaments.
En France, le taux de chômage dépasse les 5 millions. «Depuis le début de l’année, le spectre de conflits sociaux violents menaçant de paralyser des secteurs industriels tout entiers, hante le pays.» («Neue Zürcher Zeitung» du 15/2/13)
En Grande-Bretagne des immigrants bulgares et roumains sont à la recherche de petits boulots dans la rue. «Comme journaliers en marge du secteur de la construction en expansion, ils s’offrent toujours comme forces de travail bon marché – utiles mais malgré tout pas bienvenus.» («Neue Zürcher Zeitung» du 14/2/13) Une conséquence de la pauvreté en Bulgarie et Roumanie. Et la libre circulation des personnes imposée au sein de l’UE a pour conséquence que les plus forts et ceux qui disposent d’une bonne formation quittent leur pays et y manquent pour reconstruire une société solide. Des situations pareilles dans nombreux d’autres Etats membres de l’UE. Un chaos généralisé!

Mise au pas internationale de la formation

De même la formation est un peu partout en mauvaise posture. Dans les écoles, les contenus sont remplacés par des compétences pour former ainsi une «identité européenne» artificielle. PISA (OECD) et Bologna (UE) servent d’outil pour en amener l’application: «Le système PISA (Programme for International Student Assessment) a déclenché depuis 2000 plusieurs ondes de choc. Cela semble avoir de la méthode: partout où ces tests standardisés sont mis en application, apparaissent souvent de «graves» déficits dans les connaissances des élèves. Comme Naomi Klein le démontre dans son livre «La stratégie du choc», de tels chocs préparent à chaque fois le terrain pour des bouleversements lourds de conséquences. Et tout se passe ainsi suite à l’application de PISA: des milliers de fois on a répété dans les médias la mauvaise nouvelle que nos enfants (et ainsi notre système scolaire) auraient fondamentalement échoué. La nouvelle-choc a mis les responsables sous l’énorme pression d’entreprendre quelque chose le plus vite possible. En conséquence, les «réformes» qui ont suivi se sont caractérisées par la «prise en charge inconsidérée et rapide de concepts de solutions tout faits et appliqués sans débats scientifiques ni publics suffisants». (Langer, S. 61)3 Mais d’où vient l’idée d’exposer nos écoles et systèmes scolaires à la concurrence, ce qui a des conséquences de si longue portée pour nos élèves et notre système scolaire traditionnel? Résumé en bref, elle provient des USA qui l’ont exportée par l’OCDE dans nos pays.» (Horizons et débats no 25 du 11/7/12)

Après le choc les investisseurs arrivent

«Après quatre années d’arrêt, la Grèce semble redevenir attractive pour les investisseurs étrangers. Des multinationales ont tout récemment annoncé vouloir renforcer leur présence dans le pays», écrit la «Neue Zürcher Zeitung» du 22/2/13. Lors de l’appel d’offres du projet Hellenikon, l’agrandissement de l’ancien aéroport d’Athènes, dont le gouvernement se promet une recette de 5 milliards d’euros, prennent part, outre Qatari Diar à la phase finale, la London Regional Properties, la Elbit israélienne et la Lamda Development grecque. Le marché sera adjugé cet été.» Ces dernières semaines, d’autres multinationales renommées auraient également manifesté l’intérêt de renforcer leur présence en Grèce. Un groupe chinois au nom de Cosco «serait intéressé par la privatisation imminente des chemins de fer et de la compagnie portuaire OLP». Et le président français Hollande, ayant visité Athènes le 19 février, «manifeste maintenant son intérêt à une présence française renforcée en Grèce, avant tout pour la recherche et l’exploitation de possibles gisements de gaz naturel et de pétrole». Les Français seraient également intéressés par la privatisation des compagnies d’eau et d’électricité.

«Le choc s’use: La renaissance du peuple»

En intitulant ainsi le dernier chapitre de son livre, Naomi Klein porte son regard vers le futur, et elle a raison. Le choc perd de son impact aussitôt que les gens comprennent la stratégie qui se cache derrière.
Pourquoi ne pas comprendre de telle sorte la citation de Friedman selon laquelle «les mesures à prendre lors d’une crise dépendent des idées alors en vigueur» qu’il faut abandonner la doctrine néo-libérale et développer de nouvelles idées? Klein voit les premiers signes de changement surtout en Amérique latine. La protection la plus efficace contre les futurs chocs en Amérique latine serait «l’indépendance croissante vis à vis des institutions financières de Washington». L’Alternativa Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (ALBA, Alternative bolivienne pour les peuples de notre Amérique), une sorte de marché de troc, serait la réponse des Latinos-Américains au «rêve corporatiste presque enterré d’une zone de libre-échange qui devait s’étendre de l’Alaska à la Terre de feu. […] Chaque pays propose ce qu’il peut produire de mieux et reçoit en échange ce dont il a le plus besoin, indépendamment des prix du marché mondial. Ainsi par exemple la Bolivie livre du gaz naturel à un prix réduit et stable; le Venezuela offre son pétrole (vendu à des prix trop fortement subventionnés aux pays plus pauvres) et met ses connaissances d’experts à disposition. Cuba envoie des milliers de médecins qui proposent des soins médicaux gratuits dans toute l’Amérique latine et forme dans ses facultés des étudiants venant des autres pays.» (p. 643) Au lieu que les prix soient fixés par des opérateurs à New York, Chicago ou Londres, chaque pays peut décider lui-même à quel prix sa marchandise ou sa prestation de service sera vendue.
Au Brésil, un million et demi de paysans se sont organisés dans le Mouvement des sans-terre (MST) et ont fondé des centaines de coopératives. En Argentine, ce sont déjà plus de 200 entreprises en faillite qui ont été reprises par le personnel sous forme d’une coopération démocratique. En 2006, il y avait au Venezuela environ cent mille coopératives avec 700 000 employés. (p. 642s.) – Serait-ce également des options pour l’Europe?
En Suisse, et aussi dans le reste de l’Europe, une réflexion a commencé. Beaucoup de gens sont devenus pensifs, également parmi les politiciens. Dans les Universités, qui ont longtemps «formaté» leurs étudiants d’après la doctrine du marché, entrent de nouvelles tendances dans la discussion. De plus en plus de gens ne croient plus que les «marchés libres» profitent à tous. Le système menace de s’effondrer et les gens en ont assez qu’on leur mente perpétuellement. Ils ne veulent pas d’une paupérisation accrue de l’Europe, pas de nouvelle dégradation de l’enseignement, pas de nouvelles coupes dans les structures sociales. Il faut cesser de brader l’Europe.
Les politiciens pourraient maintenant se présenter devant leurs citoyens et reconnaître qu’ils se sont trompés. Ils n’ont pas compris ce système, comme presque chacun parmi nous, et n’ont pas pressenti ce qui arrive; l’occasion n’a jamais été aussi favorable. Ils pourraient inviter les citoyens à chercher de nouvelles solutions avec eux. Mais cela devrait être des solutions honnêtes. Il ne suffit pas de tourner quelques vis de réglage de l’ancien système, pour entretenir les gens dans de bonnes dispositions. Il faut des solutions permettant de sortir de la dictature des finances, et qui en finissent avec les produits toxiques de la spéculation, pour que les gens dans leurs pays respectifs développent leur propre chemin et puissent regagner leur liberté et leur dignité.     •

1 Naomi Klein: La stratégie du choc: la montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud 2008 (ISBN 978-2-7427-7544-6)
2 loc.sit. p. 17, FN 12
3 Langer, Roman: Warum haben die Pisa gemacht?, in: Langer, Roman: Warum tun die das? Governance-Analysen zum Steuerungshandeln in der Schulentwicklung. Wiesbaden 2008.