Des voies pour sortir de la crise: la petite ferme
par Renate Dünki et Renate HänselLa question de la souveraineté alimentaire d’un Etat comme base d’une démocratie a souvent été traitée dans Horizons et débats. Elle s’est posée dans le passé et elle est aujourd’hui de nouveau d’une actualité brûlante eu égard à l’industrie alimentaire mondialisée et la crise économique mondiale aiguë. Les gens en Europe se sont posé de telles questions lors de la crise des années trente du siècle dernier ou après la Seconde Guerre mondiale et ils ont cherché des réponses; c’étaient des périodes pendant lesquelles une alimentation suffisante n’était pas évidente. En ces temps-là ont émergé en Allemagne des expériences modèles sur l’incitation d’agriculteurs et de politiciens responsables pour créer les possibilités d’un approvisionnement autonome des familles, résistant à la crise pendant des périodes de disette, indépendamment du chômage et de l’effondrement économique. Oswald Hitschfeld les a résumées dans un petit livre. De façon répétée dans l’histoire récente de l’humanité, et aussi dans celle des pays occidentaux soi-disant riches, il y a des situations dans lesquelles beaucoup de gens n’ont plus de gagne-pain; soit que tout a été détruit par une guerre, soit qu’après des crises économiques, causées par des processus de concentration et de spéculation financière, il y a moins d’emplois et que beaucoup de gens ne travaillent pas, ne reçoivent pas de rémunération et ne peuvent en conséquence plus se nourrir. Travail agricole comme issueDans quelle direction trouvera-t-on une solution à la crise actuelle? Celui qui réfléchit à la question de savoir comment on peut y survivre, arrive à la conclusion qu’un tournant est possible, comme le dit Oswald Hitschfeld, l’auteur de la brochure «Der Kleinsthof und andere gärtnerisch-landwirtschaftliche Nebenerwerbstellen – Ein sicherer weg aus der Krise» (Xanten 1995) [La petite ferme et d’autres gagne-pain entre jardinage et agriculture – une voie sûre pour sortir de la crise]. La solution ne sera possible que si les gens se rappellent ensemble les choses essentielles comme l’entraide, l’autonomie de l’approvisionnement, le recours à ses propres moyens pour se libérer des turbulences de l’économie mondialisée. Pour l’auteur il ne s’agit pas seulement du bien-être individuel, mais de l’assurance de l’existence pour des millions d’hommes dans une coopération de tous ceux qui réfléchissent à la planification de l’avenir. Comme perspective il voit le retour au travail agricole. Hitschfeld suggère une solution qui se base sur la famille, la plus petite unité d’une communauté. La petite ferme est possible sur la plus petite surface cultivable, sur laquelle, avec son propre travail, l’existence d’une famille peut être assurée. L’assurance de l’existence est prise en main courageusement. En même temps, l’indépendance, l’autonomie et la responsabilité individuelle sont rendues possibles. L’idée de la petite ferme offre ainsi une voie pour sortir des sentiments d’impuissance et du ras-le-bol de la politique. L’autosuffisance est possibleCertes, l’agriculture se trouve actuellement dans un autre état qu’après la Seconde Guerre mondiale. Cependant il est possible et inévitable que chacun s’occupe de cette question fondamentale, importante pour l’assurance de l’existence et la cohabitation en liberté et que chacun cherche des solutions dans son entourage. La petite brochure de Hitschfeld sur l’autosuffisance est une aide et une bonne base qui incite à réflexion en commun et à la participation à une voie pour sortir toute la société de la crise. Il rassemble d’une manière compréhensible un savoir multiple. Pour Hitschfeld, il s’agit d’une autosuffisance post-industrielle dans le cadre d’une activité annexe, orientée selon les expériences de la société industrielle actuelle. L’auteur s’engage pour créer le plus possible d’activités annexes en jardinage et en agriculture sur du terrain en friche non utilisé, comme ils ont été discutés et essayés en Allemagne dans la période entre les deux guerres et après les deux guerres. Les terrains pour de telles colonies devaient être mis à disposition par les communes. Ainsi la possibilité serait ouverte aux familles de se rassembler avec d’autres familles dans des unités plus grandes. 1. La ferme de jardinageDéjà au début du siècle passé existait dans les mouvements de jeunesses allemandes une multitude de tentatives de colonies ayant différents objectifs. Ainsi l’architecte de jardin, Max Karl Schwarz, de Worpswede près de Brême, a développé l’idée de la ferme de jardinage dans laquelle sur un terrain de 2,5 ha avec 4 à 5 ouvriers on pouvait produire des légumes pour environ 100 personnes et garantir un ravitaillement complet pour 8 personnes. (p. 15) 2. Le plan de petite ferme de Heinrich Jebens
L’agriculteur Heinrich Jebens, a également opposé à la misère du temps, après la Seconde Guerre mondiale, son plan de petite ferme. Ses idées sont aujourd’hui de grande actualité. (p. 16) 3. La colonie de jardins de Heinrich FrantzenUne autre variante d’une telle petite ferme a été expérimentée en 1937 dans la colonie de jardins de Heinrich Frantzen dans la région de Cologne. Cette sorte de petite ferme a été réalisée sur un terrain encore plus petit, de 5 «preussische Morgen» [Morgen = arpent, 2500 m2]. La ferme a fonctionné sans animaux et tout à fait sans engrais animal. On a mis l’accent sur la culture de fruits et de baies. Pour les arbres fruitiers on a utilisé du compost de plantes et le contenu de deux bacs d’eau usée, et pour les champs des légumineuses comme des lupins, des vesces et des fèves etc. Cela suffisait pour produire suffisamment de nourriture végétale, et c’etait plus que ce qu’une surface pareille aurait produit autrement. Frantzen a montré clairement: «On peut très bien cultiver sans engrais de provenance animale et atteindre des récoltes suffisantes. On peut aussi se nourrir suffisamment avec des végétaux. […] Entre la forme d’exploitation sans animaux avec l’alimentation exclusivement végétale et l’exploitation uniquement avec des animaux et une alimentation excessivement animale, toutes les variantes sont possibles.» (p. 23) 4. Un modèle spécialement impressionnant: «Un bout de terre pour une famille»La surface cultivable moyenne par personne de la population mondiale, d’après le «Club of Rome» est de 4000 m2. Cette surface a suffit, dans une culture autonome expérimentée avec deux moutons, pour nourrir suffisamment et sainement une famille de 6 personnes. En moyenne quotidienne, la famille n’avait pas à travailler plus de 5 quarts d’heure. On a pu produire par jour (sur la base d’une moyenne annuelle) 4 kilos de légumes, 1 kilo de fruits et 1,6 kilos de pommes de terre. S’y ajoutaient des œufs, du lait de brebis, des fèves de soja, de l’huile de pavot et du maïs. Tout cela a été produit sur un terrain de 100 x 20 mètres et sans l’aide de machines à moteur. (p. 24) 5. Une méthode de culture avec un bon rendement: «La transplantation des céréales»
Il tient spécialement à cœur à l’auteur de «Kleinsthof» de faire connaître la méthode de transplantation des céréales (Getreideumpflanzmethode). (p. 26 sqq.) La propagation de cette méthode peut être une contribution importante pour la survie. Chacun peut participer à la réalisation de cette vision socialePour Hitschfeld, la petite ferme suppose avoir des connaissances de jardinage et d’agriculture. Il considérait donc le projet comme approprié pour des gens ayant déjà fait des expériences dans l’agriculture donc d’anciens petits paysans d’un jeune âge qui avaient plus tard un emploi en ville. (p. 35) Hitschfeld pensait aussi à des gens qui sont revenus de l’ancienne Union soviétique, qui sont obligés de vivre de l’aide sociale et auxquels la vie dans une petite ferme permettrait une issue à leur désespoir psychique. (p. 36) Remarquons que l’apprentissage de la culture de légumes et l’élevage d’animaux de basse-cour peut très bien se faire aussi. (cf. la bibliographie ci-joint) Petite bibliographie: En Suisse, pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, une solution exemplaire de cette question a été trouvée avec la coopération de tous les citoyens et des autorités, ce qui a sauvé le pays d’une famine menaçante en temps de guerre. (La bataille des champs d’après le plan de F. T. Wahlen), mais au delà de l’expression de la volonté politique, la volonté d’une défense spirituelle du pays encore a renforcé l’attachement de tous les citoyens. Cet engagement mutuel dans la tâche d’assurer la souveraineté alimentaire pour le bien de tous en des temps de haute menace de cette époque, a donné des forces à tout le monde. L’agriculture et les exploitations se sont rapprochées et cette expérience est encore bien vivante dans la mémoire de beaucoup de citoyens. (cf. Horizons et débats 43/2008) «Lorsqu’à Detroit l’industrie de l’automobile s’est effondrée et que beaucoup de gens se sont retrouvés au chômage, les villes sont tombées en friche: les maisons étaient vides, tout était envahi par les mauvaises herbes. Une femme a eu l’idée de retourner un bout de terre dans un parc et de planter des légumes. Beaucoup de gens se sont joints à elle, et des jeunes y ont participé aussi.» Veronika Bennholdt-Thomsen/Maria Mies,«Die Subsistenzperspektive – Eine Kuh für Hillary», Munich 1997
En 2008, beaucoup de gens sont de nouveau dans la détresse et ont faim en Amérique. On a déjà commencé à retourner la terre dans les terrains de golf pour y planter des pommes de terre! |