Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°20, 23 mai 2011  >  La sécurité nucléaire est notre objectif commun, notre responsabilité commune [Imprimer]

La sécurité nucléaire est notre objectif commun, notre responsabilité commune

Discours du Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon lors du Sommet sur la sûreté et l’usage innovant de l’énergie nucléaire réuni à Kiev (Ukraine) le 19 avril 2011

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et
de gouvernement ainsi que les ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je remercie le président Ianoukovitch d’avoir eu la sagesse d’organiser cette conférence longtemps avant que les questions de sûreté nucléaire ne fassent à nouveau la une des journaux.
Il y a 25 ans, l’explosion d’un réacteur à Tchernobyl a répandu un nuage radioactif sur l’Europe et une ombre sur le monde entier. Et au moment où je vous parle, la catastrophe de la centrale de Fukushima continue d’étendre ses effets. Ces deux accidents suscitent des craintes dans les populations et soulèvent des questions dérangeantes.
La catastrophe de Tchernobyl nous a donné une série de leçons et celle de Fukushima nous en donne d’autres, beaucoup plus complexes. Une fois de plus, nous nous rendons compte que les accidents nucléaires ne respectent aucune frontière et menacent directement la santé des personnes ainsi que l’environnement. Ils provoquent des perturbations économiques affectant aussi bien la production agricole que le commerce et les services globaux.
C’est le moment de nous poser sérieusement la question de savoir comment garantir les usages pacifiques de l’énergie nucléaire et une sûreté maximale. Nous devons repenser cette question fondamentale au niveau mondial. Comme les conséquences sont catastrophiques, la sûreté doit être primordiale et comme elles sont transnationales, le débat doit avoir lieu au niveau global.
Permettez-moi aujourd’hui de vous présenter cinq mesures concrètes visant à améliorer la sécurité nucléaire à l’avenir.
Premièrement, il est temps de revoir de fond en comble les normes de sûreté nucléaire, tant au niveau national qu’au niveau international. Aujourd’hui, la principale responsabilité d’assurer la sûreté des installations nucléaires revient aux gouvernements nationaux et je recommande avec insistance aux Etats de tenir compte des leçons et d’appliquer des mesures appropriées visant à appliquer des normes de sûreté aussi strictes que possible.
Il s’agit de mesures de précaution, de formation des personnels, d’un système fiable de garantie de la qualité et d’une surveillance indépendante. Cela veut également dire que pour gagner la confiance du public, il faut augmenter la transparence.
Je suis encouragé par le fait que de nombreux gouvernements réexaminent leur politique et leurs règlementations nationales. La réunion, la semaine dernière, à Vienne, de la Convention sur la sécurité nucléaire a élaboré également de nombreuses suggestions utiles. Je demande instamment aux Etats qui n’ont pas adhéré à ladite Convention de le faire sans délai.
Ceci m’amène à un second point: Nous devons renforcer notre soutien à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en ce qui concerne le défi posé par la sûreté nucléaire. Je tiens à louer une nouvelle fois l’AIEA et son directeur général Amano d’avoir réagi rapidement aux événements du Japon. Le Joint Radiation Energy Management Plan est entré en action quelques heures déjà après le séisme et le tsunami. J’ai aussi convoqué une réunion des responsables des organisations internationales concernées afin d’évaluer les conséquences de la crise nucléaire. Nous avons partagé des informations et des avis d’experts, participé à une surveillance mondiale et contribué à rassurer l’opinion mondiale inquiète.
Il est temps de renforcer la capacité de l’AIEA à développer et à appliquer dans le monde entier les normes de sécurité nucléaire les plus strictes possible. La Conférence ministérielle de l’AIEA sur la sécurité nucléaire en juin prochain à Vienne servira de forum important à ce sujet.
Et pour faire suite à cette réunion, j’envisage un sommet sur le renforcement du régime de sécurité nucléaire lorsque les dirigeants du monde entier se réuniront à New York en septembre prochain.
Nous avons besoin de normes internationales en matière de constructions, de garanties communes concernant la sécurité publique, d’une transparence totale et d’échanges d’informations entre les différents pays.
Troisièmement, nous devons prêter une attention accrue à la relation nouvelle entre les catastrophes naturelles et la sûreté nucléaire. Les changements clima­tiques, avec leurs événements météorolo­giques extrêmes, nous posent un nouveau défi. Les centrales nucléaires doivent être prêtes à résister à tout: séismes, tsunamis, incendies, inondations.
Selon l’AIEA, 64 nouveaux réacteurs sont aujourd’hui en construction et 443 sont en activité dans 29 pays, dont certains sont situés dans des zones d’intense activité sismique.
Cela nous force à accorder plus d’importance à la préparation aux catastrophes, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres. Après tout, le Japon compte parmi les puissances nucléaires les mieux préparées et les plus avancées techniquement. Quelles sont les conséquences pour les pays les moins préparés au pire?
C’est pourquoi je voudrais m’assurer que la préparation aux accidents nucléaires figure parmi les thèmes de la troisième session de la Plate-forme globale pour la réduction des risques de catastrophes à Genève en mai prochain.
Quatrièmement, nous devons effectuer une nouvelle analyse coût-bénéfice de l’énergie nucléaire. Le droit à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire est inscrit dans le Traité de non-prolifération nucléaire. L’énergie nucléaire continuera probablement à être une ressource importante pour de nombreux pays et peut contribuer à réduire les émissions de CO2, mais elle doit devenir sûre de manière crédible, et cela dans le monde entier.
Je le répète, il est temps de faire une pause et de repenser notre approche de la question. C’est pourquoi je vais lancer une étude des Nations Unies sur les conséquences de l’accident de Fukushima et demander aux agences de l’ONU et aux organisations spécialisées concernées de l’entreprendre.
Et cinquièmement, il nous faut créer un lien plus étroit entre la sûreté et la sécurité nucléaires.1
Bien qu’il s’agisse là de deux choses différentes, le renforcement de l’une peut soutenir l’autre. A une époque où les terroristes et d’autres individus cherchent à acquérir de la technologie et du matériel nucléaires, des systèmes de sûreté très performants dans les centrales nucléaires renforceront les efforts en vue d’augmenter la sécurité nucléaire. Une centrale nucléaire plus sûre pour ceux qui y travaillent est également plus sûre pour notre monde.
Pour faire face à ce défi, nous avons besoin de la collaboration active de l’industrie nucléaire. Comme je l’ai suggéré lors du Sommet de Washington sur la sécurité nucléaire l’année dernière, un large partenariat est essentiel si l’on veut créer un meilleur cadre pour la sûreté et la sécurité nucléaires. Cette approche sera cruciale dans la période qui précède le Sommet de Séoul sur la sécurité nucléaire en 2012.
Voilà, ce sont cinq mesures pratiques que nous pouvons prendre pour rassurer l’opinion publique et mieux préparer les populations et notre planète aux défis énergétiques du XXIe siècle. En unissant nos forces, nous pourrons nous assurer que les tragédies de Tchernobyl et de Fukushima appartiennent au passé et ne sont pas des signes avant-coureurs de l’avenir.
Je vous remercie d’être venus ici manifester votre intérêt pour une noble cause.    •

Source: www.un.org/apps/news/infocus/sgspeeches/statments_full.asp?statID=1151#
(Traduction Horizons et débats)

1     La sûreté nucléaire est l’un des aspects de la sécurité nucléaire. Il s’agit de l’ensemble des mesures à prendre dans les installations ou lors des transports de matières nucléaires en vue d’éviter les accidents et de réduire leurs effets ainsi que de limiter les conséquences d’éventuelles actions de malveillance indépendamment des mesures extérieures destinées à assurer la protection militaire des installations et des transports.
   La sécurité nucléaire est l’ensemble des actions destinées à assurer la protection des personnes et des biens contre les dangers susceptibles d’être provoqués par les installations nucléaires et lors des transports de matières nucléaires. La sécurité nucléaire est donc plus large que la sûreté nucléaire et englobe cette dernière. (n. d. trad. d’après ARCEA/GASN)