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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°8, 25 février 2013  >  Ne devenons pas une société «à la française»! [Imprimer]

Ne devenons pas une société «à la française»!

Le Conseil fédéral doit traiter des thèmes fédéraux et ne pas s’immiscer dans les affaires des cantons

par Jean-Daniel Balet et Antoine Spillmann, membres du comité de SwissRespect (www.swissrespect.ch)

hd. Ne devenons pas une société «à la française»! Certains élus politiques ou fonctionnaires fédéraux – dont une partie vit de la centralisation du pouvoir – visent à l’affaiblissement du fédéralisme. L’association «SwissRespect», crée à Genève au cours de l’année 2012, exige de plein droit que la Berne fédérale respecte notre système étatique.

Des groupes de pression et des technocrates qui se nourrissent constamment de projets «politiquement corrects» promeuvent régulièrement des thèmes idéologiques et très émotionnels sur lesquels la société civile doit rapidement se déterminer, comme l’illustre la multiplication des votations visant à abolir les forfaits fiscaux. Sous le couvert d’une prétendue «justice fiscale», les initiateurs lancent habilement le débat et obtiennent des décisions dans des cantons où le thème n’en est pas un, afin de pouvoir se targuer ensuite de l’exemple ainsi donné.
Au lieu d’attendre que les régions ressentent elles-mêmes un intérêt à définir une orientation qui les concerne, ces bien-pensants visent à imposer des normes idéologiques à toute la population du pays, sans tenir compte des aspirations légitimes et, surtout, des compétences locales. Au contraire, la contagion s’étend: Lex Weber, loi sur l’aménagement du territoire, forfaits fiscaux, fiscalité des entreprises, droits de succession, formation, marchés publics, police, épizooties, épidémies, etc.
Sur un autre échiquier, le Conseil fédéral négocie à l’international des accords qui ont un impact bien différent selon les cantons, en fonction de leur situation particulière.
Ainsi, l’ingérence du droit étranger et des mentalités de gauche dans le domaine de la fiscalité des entreprises et des personnes physiques provoque des réactions légitimes des cantons concernés, qui ne veulent pas perdre de recettes fiscales, ce qui les entraîne dans des conflits avec ceux qui n’ont aucun intérêt à la cause. Diviser pour mieux régner ...
On peut le regretter. Car le fédéralisme, qui a fait l’unité et la force de notre pays, tient justement compte des différences de situation et de perception régionales. Il permet de sauvegarder la richesse du mélange de cultures différentes dans une histoire commune. Il confère une responsabilité individuelle à tous, du simple citoyen à l’élu politique. Vivre et laisser vivre.
L’autonomie fiscale des cantons suisses est un exemple d’organisation sociopolitique vertueuse: les autorités, proches du peuple qui les élit directement, utilisent les recettes fiscales pour des dépenses de proximité, visibles, et préparent des budgets équilibrés, à la hauteur des moyens mis à disposition par les contribuables, dont ils font d’ailleurs partie.
Les citoyens règlent alors leurs impôts honnêtement, car ils n’ont pas l’impression d’être «tondus» pour satisfaire les objectifs électoraux de leurs élus. Ils sont des contribuables et non pas des assujettis. Ils estiment l’impôt «normal» car ils comprennent parfaitement son utilité et peuvent observer les résultats de leur contribution. Surtout, en votation populaire, ils peuvent décider de leur niveau d’imposition. Ils comprennent aussi que leur bien-être dépend fortement de la contribution de ceux qui disposent de moyens supérieurs aux leurs. De plus, ils ne dépendent pas du bon vouloir et des bonnes relations clientélistes de leurs élus régionaux avec le pouvoir central avant de voir leur argent revenir dans leur communauté. Les impôts sont dépensés là où ils sont récoltés. Il s’agit d’une approche écologique de la gestion publique.
L’indépendance fiscale cantonale et communale permet de limiter la hausse des impôts en entretenant une saine concurrence fiscale entre les communes et les cantons. Le «vote avec les pieds» de citoyens mécontents de l’imposition régionale force les autorités à trouver des solutions permettant d’offrir les meilleures infrastructures et services au coût le plus raisonnable possible. Le niveau général des impôts peut ainsi rester judicieux.
Les Suisses ont conscience de maîtriser leur statut, leur environnement, leur sécurité. Le pouvoir et l’administration de proximité sont accessibles. Les problèmes et besoins des citoyens sont traités, réglés et satisfaits directement et rapidement, par des personnes qui font partie de leur communauté. Nos fonctionnaires ne sont pas issus d’une caste formée pour administrer, mais sont des citoyens comme les autres, qui connaissent les mêmes problèmes que les administrés.
Qui paie commande. La politique suisse et son corollaire, la fiscalité, ont de tout temps été basés sur un rapport de confiance entre citoyens et autorités, sur un consensus obtenu après la pesée des intérêts, et le respect tant de la diversité que des minorités. Une richesse d’esprit qui, en se fondant sur la liberté et la responsabilité individuelle, assure la paix sociale et le développement économique.
Cependant, un certain courant, naïf et bien-pensant pour les uns, manipulateur pour les autres, ne partage pas. Il érige l’égalité en dogme, du moins sa perception de l’égalité. Malheureusement, certains élus politiques ou fonctionnaires fédéraux – dont certains vivent de la centralisation du pouvoir – visent à l’affaiblissement du fédéralisme.
Au lieu d’un sain rapport de force entre partis, on entre dans une lutte entre l’Etat et le peuple. La démocratie cède la place à un centralisme technocratique. Ainsi, nos dirigeants se réfèrent de moins en moins à la vision d’un pays cimenté par une confiance qui perdure depuis des siècles.
La défense sans faille du fédéralisme ne relève pas d’un débat gauche-droite traditionnel, mais vise à préserver la paix confédérale, propice au développement économique et, donc, au niveau de vie de chacun.
Le Conseil fédéral doit donc traiter des thèmes fédéraux et ne pas s’immiscer dans les affaires des cantons. En effet, la Suisse ne doit pas devenir une entreprise «à la française» dirigée par des syndicalistes, des ministres interventionnistes, des roitelets locaux et un monarque national, voire des fonctionnaires européens, qui pensent plus à leur maintien au pouvoir plutôt qu’au bien-être de leurs concitoyens.    •

Source: Le Temps du 25/1/13