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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°15, 14 avril 2008  >  Une agriculture à visage humain est possible [Imprimer]

Une agriculture à visage humain est possible

La coopérative maraîchère «Les Jardins de Cocagne»

En 1978, un groupe de consommateurs qui effectuaient des achats collectifs directement chez les paysans, décide de commencer une expérience de coopérative maraîchère en collaboration avec un agronome. C’était une poignée de visionnaires qui voulaient créer et vivre une forme alternative concrète et conviviale au marché économique dominant.
Partie d’une cinquantaine de coopérateurs à sa création, la coopérative regroupe actuellement 400 familles. Comme la surface à cultiver ne permet pas de dépasser la barre des 400, d’autres personnes qui veulent adhérer doivent s’inscrire dans une liste d’attente.
Les coopérateurs et coopératrices achètent une part sociale au moment de l’inscription, paient une cotisation annuelle (fixée en partie selon une échelle de classe de salaires) et effectuent 4 demi-journées de travail. Le prix des légumes biologiques de Cocagne reste adapté au prix du marché non biologique. Le supplément de la qualité «bio» se paie en efforts de participation sous forme de 4 demi-journées de travail par an, en participant à l’entretien des cultures, aux récoltes et à la distribution.
La coopérative ne possède pas de terrain en propre. Elle cultive quelque 3 ha, dont 4000 m2 de tunnels plastiques non chauffés, sur des parcelles louées en trois endroits fort éloignés les uns des autres. Aujourd’hui, la coopérative emploie deux jardiniers à plein temps et trois à mi-temps, payés par les cotisations annuelles des coopérateurs et coopératrices.
Les critères de qualité des «Jardins de Cocagne» se basent sur une vue d’ensemble qui englobe la production, la commercialisation, le respect de l’environnement et de l’être humain, ainsi que les rapports directs entre producteurs et consommateurs.

«Les Jardins de Cocagne» et la souveraineté alimentaire

Dans le monde, 700 millions de paysans travaillent toujours à la main, 700 millions ont accès à la traction animale et seulement 2,15% ou 30 millions des agriculteurs sont motorisés.
Le rapport de productivité entre les agricultures les moins et les plus productives du monde, qui était de 1 pour 10 en 1900, est aujourd’hui de 1 pour 1000.
Quoi de commun entre le paysan malien qui produit 10 quintaux de céréales par an, et le paysan suisse qui peut en produire 10 000?
Pourtant, avec la mondialisation des échanges sous la férule de l’OMC, s’organise à marche forcée et extrêmement violente, la «libre» concurrence de toutes les agricul­tures.
La conséquence de cette politique est une spécialisation de la production à l’échelle de la planète au bénéfice des régions qui peuvent exporter le moins cher, le plus souvent à coup de subventions directes et indirectes.
Elle met en pièces les volontés de souveraineté alimentaire des autres régions, détruit l’équilibre ville-campagne en poussant à l’exode vers des bidonvilles sans emploi de larges portions de la paysannerie. Comment éviter des famines, des guerres et la destruction des écosystèmes dans le monde entier sans le développement des agricultures régionales avec ces paysans?
La lutte pour «la souveraineté alimentaire» comprend le droit de se nourrir comme un droit fondamental de l’homme et d’une région d’organiser son agriculture selon ses propres besoins.
Les crises successives de l’agriculture moderne des pays du Nord, la disparition de ses paysans et l’augmentation permanente du nombre de paysans pauvres dans les pays du Sud montrent que tout projet basé uniquement sur le progrès technique et le profit économique mais dépourvu de projet politique, social et culturel, est voué à l’échec.
Le modèle de production industrielle est celui du passé alors que le modèle porteur d’avenir est la production paysanne durable.
Dans les pays du Sud, cette lutte pour la souveraineté alimentaire est devenue une question de survie pour tous les paysans. Chez nous, il s’agit de redonner à notre agriculture son projet initial de produire des aliments de base pour les habitants de la région et de respecter le droit des paysans des autres régions à vivre de leur agriculture.
La coopérative de producteurs et de consommateurs de légumes biologiques «Les Jardins de Cocagne» pratiquent depuis plus de vingt ans une agriculture contractuelle de proximité entre quatre jardiniers et 400 familles membres. Elle exprime sa solidarité avec les paysans du Sud en soutenant depuis plus de 15 ans le renforcement des organisations paysannes dans la région des trois frontières entre le Mali, le Sénégal et la Mauritanie. «Les Jardins de Cocagne» sont actifs dans différentes organisations paysannes (Union des Producteurs Suisses, Via Campesina) qui développent un nouveau regard politique et social sur la production et l’échange alimentaire dans le Nord et dans le Sud.    •

Source: www.cocagne.ch