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Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  N° 13, 23 juin 2014  >  Pour le respect des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes [Imprimer]

Pour le respect des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes

Discours de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Russie, lors de la IIIe conférence sur la sécurité internationale de Moscou du 23 mai 2014

km. La démonisation presque quotidienne depuis plusieurs semaines de la politique intérieur et extérieur de la Russie par la grande majorité des médias et politiciens occidentaux est fort dangereuse. Elle déforme la réalité et peut mener à de fausses décisions avec des conséquences fatales. En réalité, ce serait justement le devoir des médias d’informer objectivement pendant un conflit international – tel l’actuel entre le gouvernement russe et les gouvernements des Etats membres de l’OTAN et avant tout celui des Etats-Unis – et de donner également la parole à la partie russe. Cela serait bien utile pour éliminer les malentendus, réduire les préjugés, désamorcer les conflits et renforcer le vivre-ensemble pacifique entre les pays. C’est dans ce sens que nous documentons ci-après le discours du ministre russe des Affaires étrangères M. Sergueï Lavrov qu’il a tenu le 23 mai dans le cadre d’une Conférence sur la sécurité internationale du ministère de la Défense. Nous vous présentons la version française officielle du ministère des Affaires étrangères.
Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Cette troisième conférence internationale sur la sécurité internationale organisée par le ministère de la Défense de la Fédération de Russie représente une bonne occasion pour évaluer les événements qui se déroulent dans le monde et acquérir une vision stratégique du développement mondial dans ses divers aspects.
L’ordre du jour de la conférence suggère de se concentrer principalement sur les perspectives de résolution des conflits dans les régions du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, comme étant à l’origine des risques graves pour la sécurité et la stabilité internationales.
Malheureusement, ces derniers mois, ces problèmes des plus aigus ont été occultés par la crise en Ukraine. En d’autres termes, le continent européen qui a engendré, au siècle dernier, deux catastrophes militaires mondiales, au lieu de donner au monde entier un exemple de développement pacifique et d’une coopération étendue, vole à nouveau l’attention de la communauté internationale, cette fois-ci, en matière de gestion de crise.
Un tel état de choses ne peut être que préoccupant, surtout parce qu’il ne s’agit pas d’un concours de circonstances aléatoires, mais plutôt d’une conséquence logique de l’évolution de l’Europe au cours des vingt-cinq dernières années. Nos partenaires occidentaux n’ont pas profité d’une chance véritablement historique de construire une Grande Europe dégagée de toutes lignes de démarcation et ont préféré la politique coutumière de l’avancement de l’espace géopolitique soumis à leur contrôle en direction de l’orient – une politique qui, au fond, visait à contenir la Russie, bien que sous une forme atténuée.
Cette politique est mise en œuvre en dépit de l’insistance de la partie russe de s’atteler, enfin, à des travaux pratiques sur la création d’un espace commun euro-atlantique de la paix, de la sécurité et de la stabilité, en conformité avec les déclarations de haut niveau. Au lieu de s’engager sur la voie dictée par une ambition naturelle d’harmonisation des processus d’intégration en Europe et en Eurasie, des tentatives ont été faites de mettre les Etats de l’espace post-soviétique devant un choix difficile entre l’Est et l’Ouest – soit avec nous, soit contre nous. Dans la situation politique fragile en Ukraine, cette pression était suffisante pour déclencher une crise massive de la structure d’Etat dans ce pays.
Si nous voulons tous aider sincèrement le peuple ukrainien à surmonter cette crise, il faut renoncer définitivement à ces fameux «jeux à somme nulle», à la promotion des sentiments xénophobes et néo-nazis, au dangereux complexe de supériorité que Helmut Schmidt a récemment appelé «la folie des grandeurs», en faisant référence à la politique de l’UE envers l’Ukraine. Et si on devait éviter la récurrence des crises similaires à l’avenir, alors il convient à tirer la véritable leçon des événements en Ukraine et procéder, dès que possible, à la mise en œuvre pratique des principes de sécurité égale et indivisible dans la région euro-atlantique et à la création de conditions pour bâtir un espace économique et humanitaire unique de Lisbonne à Vladivostok, tel que proposé par le président Vladimir Poutine.
Malheureusement, les comportements motivés par la défense de sa propre exclusivité et qui s’appuient sur le principe de «deux poids deux mesures», tout en visant à tirer, dans les situations de crise, des bénéfices géopolitiques unilatéraux, sont largement utilisés non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions. Cela nuit à l’efficacité des efforts visant à résoudre la crise. Dans des situations similaires, on utilise des approches complètement différentes. En fait, les mêmes forces qui, dans un contexte, bénéficient d’un soutien – comme c’était le cas en Libye, lorsque nos collègues de l’OTAN ont activement soutenu les opposants au régime –, font l’objet d’une résistance armée et sont déclarés terroristes dans d’autres situations, comme c’était le cas au Mali, où les mêmes personnes qui ont renversé Mouammar Kadhafi, ont été confrontées d’abord aux français, puis à d’autres contingents internationaux. En conséquence, les parties d’un conflit à l’intérieur d’un pays sont tentées de favoriser une intervention militaire extérieure pour atteindre leurs objectifs qui n’ont souvent rien à voir avec la lutte pour la démocratie et les droits humains.
Les opérations de changement de régime dans des Etats souverains, les «révolutions de couleur» de toute sorte, lancées de l’extérieur, portent un préjudice évident à une stabilisation internationale. Les tentatives d’imposer aux autres peuples ses propres recettes de réformes internes, qui ne tiennent pas compte de leurs traditions, ni de leur caractéristiques nationales, ainsi que les tentatives de s’engager dans une «exportation de la démocratie», ont un impact destructeur sur les relations internationales et engendrent la multiplication de points chauds sur la carte du monde.
Le caractère urgent des défis, générés par diverses crises régionales, auxquels est confrontée la stabilité régionale et internationale, ne diminue pas. La situation en Afghanistan – où demeure la menace d’une nouvelle dégradation du contexte sécuritaire après le retrait des forces internationales –reste tendue. Les talibans ont annoncé le lancement d’une prochaine «offensive d’été». La dégradation de la situation dans les provinces du nord de l’Afghanistan est inquiétante – les provinces d’où l’activité terroriste se répand dans les pays voisins d’Asie centrale et dans les pays qui sont des alliés de la Fédération de Russie.
Nous croyons que, lors de la planification de la nouvelle mission de l’OTAN qui devra encore être approuvée par le Conseil de Sécurité de l’ONU, il faudra prendre en compte tous les facteurs qui influent sur la situation en Afghanistan. La menace de la drogue afghane devrait faire l’objet d’une attention particulière. En ce qui concerne le sort de l’accord de coopération entre la République démocratique d’Afghanistan et les Etats-Unis dans le domaine de la sécurité, nous espérons que le nouveau président afghan se prononcera sur cette question dans l’intérêt du peuple afghan et de la stabilité de toute la région.
L’aide à l’Afghanistan se poursuivra également dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO), où tous les voisins de l’Afghanistan sont présentés en tant que membres ou observateurs, et l’Afghanistan lui-même a le statut d’observateur au sein de l’Organisation. Le potentiel et l’expérience de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) sur le terrain seront également mobilisés.
En ce qui concerne le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, la Russie a toujours soutenu les aspirations des peuples de cette région à une vie meilleure, à assurer la mise en œuvre des réformes démocratiques et à s’engager sur la voie du développement durable. Toutefois, la préférence pour une transformation évolutive et non-violente, et qui s’appuie sur un dialogue visant à parvenir à un consensus national, reste une évidence.
Nous plaidons en faveur d’une manière d’agir de façon collective, à tout moment. Ce sont les actions conjointes qui ont permis d’avancer dans la mise en œuvre du programme nucléaire iranien et du désarmement chimique de la Syrie.
Nous croyons qu’il n’existe pas d’alternative à la résolution pacifique de la crise syrienne. Les tentatives d’instrumentaliser la crise humanitaire ou d’autres aspects du conflit afin de justifier une intervention militaire extérieure, sont contre-productives. On a assisté à de telles tentatives. Hier, nos partenaires occidentaux au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU ont mis aux voix le projet de résolution, qui, en faisant référence à la crise humanitaire en Syrie, propose d’invoquer, à l’égard de la situation, le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il ne fait aucun doute que ce serait la première étape pour justifier une intervention externe – cela transparaissait clairement des commentaires faits par les co-auteurs de la résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Etant parfaitement conscients du danger qu’elle comportait, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à la résolution et elle n’est pas passée.
Nous plaidons en faveur de la reprise des négociations de Genève, pour la poursuite du dialogue syrien interne, conformément à l’ordre du jour convenu, où la cessation de la violence et la lutte contre le terrorisme sont désignées comme priorités. Je me souviens que l’an dernier, lors du sommet du G-8 à Loch Erne, les dirigeants des huit Etats ont adopté une déclaration qui appelle au gouvernement et à l’opposition syriens à unir leurs forces dans la lutte contre le terrorisme et ce, sans aucune condition préalable. Il est indispensable que cet engagement pris par les Etats du G-8 soit respecté en pratique, ce que nous cherchons à obtenir. Cela est particulièrement vrai compte tenu de la prolifération des activités des groupes terroristes opérant en Syrie, sur l’Irak, le Liban et d’autres pays.
Malheureusement, nos collègues occidentaux et certains pays de la région d’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ne sont pas d’accord qu’il est temps de relancer les négociation et continuent de miser sur des solutions militaires. Je suis convaincu qu’une telle voie est irréaliste. Nous, en revanche, nous proposons d’utiliser l’expérience positive des trêves locales à l’instar du départ de la ville d’Homs des militants conformément aux accords entre ces derniers et les forces gouvernementales. Nous croyons que cette pratique pourrait être étendue avec succès à d’autres régions. Cela nécessite le soutien de la part des acteurs externes et ces derniers devraient reconnaître que le régime, qu’ils accusent de tous les maux, bénéficie d’un large soutien de la population syrienne. Il n’y a pas, et il ne pourrait pas y avoir, une autre voie qu’un dialogue avec le gouvernement de Bachar al-Assad.
L’évolution des événements en Libye devient de plus en plus préoccupante. De toute évidence, la situation dans ce pays a atteint une impasse, et aucun des «amis» de la Libye ne peut la sortir de là tout seul. L’effondrement définitif du pays conduirait à la formation d’un autre foyer de tension et de menaces permanentes dans le Sahara et le Sahel.
Dans quelques jours se tiendront les élections présidentielles en Egypte. Nous soutenons la détermination des dirigeants égyptiens pour la mise en œuvre cohérente de la «feuille de route» du processus politique. Nous sommes intéressés de voir l’Egypte continuer à jouer un rôle stabilisateur au Moyen-Orient, dans le monde arabe et islamique, à contribuer au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionale et à faciliter de façon efficace le processus de règlement proche-oriental.
Nous sommes convaincus que la nécessité d’une réponse adéquate à la situation dans les différents pays de la région ne doit pas détourner l’attention des impératifs du règlement du conflit israélo-arabe. A présent, il est important de préserver les chances de reprise des négociations israélo-palestiniennes. L’expérience récente a montré qu’ici aussi, les efforts unilatéraux ne suffisent pas, et qu’il convient à se remettre au travail collectivement en vue de parvenir à une solution juste, globale et durable du problème palestinien, conforme au cadre juridique international existant, – une solution qui devra assurer la sécurité, le bon voisinage et un avenir digne pour les peuples de Palestine, d’Israël et de tous les autres pays de la région.
Dans une situation où, dans tous les domaines de la gestion de crise, la nécessité d’unir nos forces s’impose de toute urgence, il est difficile de comprendre la logique de ceux qui prennent la décision de limiter la coopération avec la Russie en matière d’élaboration de réponses aux défis et aux menaces communes. Vous pouvez, bien sûr, opter pour la réduction de notre collaboration, mais il est peu probable que cela nous avancera dans la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération des armes de destruction massive ou que cela contribuera au succès des efforts visant à surmonter les conséquences des catastrophes naturelles et d’origine humaine, ou à la levée de boucliers contre l’extrémisme. En outre, comme l’a noté dans une récente interview, le Directeur général du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, je cite, «une nouvelle ‹guerre froide› entre la Russie et l’Occident ne signifierait rien de bon pour la stabilité financière, la mondialisation et le libre-échange, donc précisément de tout ce que nous considérons comme indispensable pour améliorer le niveau de vie dans le monde».
Le président russe Vladimir Poutine a souligné récemment que la coopération russo-chinoise, basée sur le respect des intérêts mutuels et sur un travail efficace pour l’intérêt des peuples de deux pays et de la communauté internationale, peut être considérée comme un modèle de relations interétatiques. C’est sur ce fondement que doit être construit un nouveau système polycentrique des relations internationales dans toutes ses composantes, y compris la coopération multilatérale visant à renforcer la stabilité régionale.
Une concertation sur des principes communs de gestion de crise, qui empêcheraient des doubles standards, pourrait jouer un rôle positif. Dans le cadre de l’OTSC, nous faisons la promotion de cette initiative depuis plusieurs années, dans le but d’élaborer une telle gamme de principes afin de mieux répondre aux situations de crise. J’entends tout d’abord la confirmation de la responsabilité première de l’ONU en matière du maintien de la paix et de la sécurité internationale, le soutien aux principes fondamentaux du droit international, l’assurance d’une protection fiable de la population civile, la reconnaissance des intérêts légitimes de toutes les parties au conflit, l’organisation d’un dialogue national inclusif entre ces derniers, le respect des intérêts de tous les groupes politiques, ethniques et confessionnels.
C’est le respect du droit des peuples de déterminer leur destin eux-mêmes, sans ingérence extérieure, qui doit servir de base aux efforts visant à aider à résoudre la crise. Un partenariat sur un pied d’égalité entre les différentes cultures et civilisations est une condition essentielle pour un ordre mondial juste et démocratique, que, je crois et j’espère, nous recherchons tous.
Merci pour votre attention. Je souhaite à la conférence un travail fructueux.     •

Source: Site officiel du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie: www.mid.ru/bdomp/brp_4.nsf/7b52686a865d7fd943256999005bcbb4/70267fb02a40e9e444257ce7002514e3!OpenDocument

Les Premiers ministres tchèque et slovaque sont contre des troupes de l’OTAN dans leur pays

hd. Après la proposition du président américain Barack Obama – faite lors de sa visite à Varsovie début juin – de stationner des troupes américaines et celles d’autres pays membres de l’OTAN en Europe de l’Est, les gouvernements de la République tchèque et de la Slovaquie ont rejeté cette offre. Le Premier ministre slovaque Robert Fico a déclaré qu’il ne pouvait pas s’imaginer avoir «des troupes étrangères ou des bases de défense antimissile avec des soldats étrangers» sur le territoire slovaque. Cela évoquerait des souvenirs de l’invasion des forces armées du Pacte de Varsovie en 1968. Le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka refuse également des troupes américaines ou de l’OTAN dans son pays. Il estime que de telles mesures ne seront pas à l’ordre du jour dans les années à venir: «La République tchèque ne fait pas partie des pays qui font appel à une plus forte présence des forces de l’OTAN en Europe et cela ne changera pas à l’avenir.»

Source: Frankfurter Allgemeine Zeitung du 6/6/14