Une guerre contre l’Iran avant septembre 2011?L’ex-chef des Services secrets israéliens prend position contre son gouvernement et met en garde contre une catastrophe pour IsraëlLa «Neue Zürcher Zeitung»,1 le «New York Times»2 et beaucoup d’autres journaux nous apprennent qu’Israël débat d’une éventuelle guerre contre l’Iran entre juin et fin septembre. Fait extraordinaire, pour la première fois dans l’histoire du pays, un ancien chef du Mossad, c’est-à-dire des Services de renseignements, critique officiellement et sans aucune ambiguïté les dirigeants de son pays. Meir Dagan, qui a pendant plus de 8 ans, jusqu’en septembre dernier, assuré la sécurité extérieure d’Israël, ne passe pas pour un homme de gauche. Son intervention publique est d’autant plus explosive qu’elle a amené le commentateur d’un journal israélien à considérer la situation comme extrêmement grave. Et cela, selon l’ex-patron du Mossad, pour la survie de l’Etat d’Israël. Pour les médias israéliens, on ne sait pas si d’autres hauts responsables de l’establishment militaire et du renseignement partagent l’avis de Meir Dagan, mais on peut le supposer. Nous allons reproduire ci-dessous des extraits du débat et les déclarations du ministre israélien de la Défense Ehud Barak en nous fondant sur l’édition anglaise on line du quotidien israélien «Haaretz». ts. Selon la «Neue Zürcher Zeitung», le «New York Times» et divers autres journaux, en particulier des journaux israéliens, Meir Dagan, ancien chef du Mossad (chargé du renseignement, des opérations spéciales et de la lutte anti-terroristes à l’extérieur d’Israël), a déclaré, lors d’une conférence tenue le 1er juin à Tel Aviv, qu’Israël ne pourrait pas résister à un conflit régional déclenché par une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. Il a insisté sur le fait qu’Israël n’était pas en mesure de mettre un terme aux ambitions nucléaires de l’Iran, qu’il pouvait tout au plus les retarder. Lors de sa première intervention publique après son départ en septembre 2010, Dagan avait déclaré en mai dernier, lors d’une conférence tenue à l’Université hébraïque de Jérusalem, qu’un bombardement des installations nucléaires iraniennes était «la chose la plus stupide [qu’il ait] jamais entendue». Et le 1er juin, il a été encore plus précis. Début de la guerre: entre le départ de Gates et celui de MullenLe 1er juin également, dans un article du «Haaretz» intitulé «Le nouvel état-major de la sécurité d’Obama pourrait approuver une attaque contre l’Iran», Amir Oren écrit qu’Obama a renouvelé une année avant les élections présidentielles son équipe chargée de la sécurité, ce qui entraîne de sérieuses conséquences pour Israël. Quatre mois avant le départ à la retraite de l’amiral Michael Mullen en tant que président des chefs d’états-majors interarmées, Obama a prévu pour lui succéder le général Martin Dempsey. Il y a peu de chances qu’au début de son mandat, Dempsey conseille à Obama d’attaquer l’Iran ou d’autoriser Israël à le faire. Il en va autrement de Mullen, qui ne réagirait pas avec enthousiasme à une attaque, mais ses liens avec l’état-major de l’armée israélienne sont si étroits qu’on peut supposer qu’il ne torpillerait pas une attaque israélienne sous Netanyahou et Barak. Oren conclut ainsi: «Entre la fin juin avec le départ de Gates et la fin septembre avec le départ de Mullen, le risque est grand que Netanyahou et Barak cherchent à créer la surprise en Iran, en particulier parce que cela détournerait l’attention de la question palestinienne.» Absence d’aptitude au commandementLe 3 juin, Ari Shavit évoque dans «Haaretz» une aggravation des tensions entre Dagan d’une part et Netanyahou et Barak d’autre part. Sous le titre «Dagan met en garde contre le manque de discernement de Netanyahou», il écrit que l’ex-patron du Mossad Meir Dagan s’inquiète davantage du manque d’aptitude au commandement du premier ministre Benjamin Netanyahou et du ministre de la Défense Ehud Barak que des menaces iraniennes ou palestiniennes. La situation sera critique en septembre 2011 quand les Palestiniens demanderont devant l’Assemblée générale des Nations Unies la reconnaissance de leur Etat dans les frontières de 1967, demande dont Ethan Bronnen suppose, dans le «New York Times» du 3 juin, qu’elle sera approuvée. Détourner l’attention de la création d’un Etat palestinienLe 5 juin, dans «Haaretz», sous le titre «Ce que Dagan sait», Amos Harel fait part de quelques réflexions sur ce thème brûlant. Utilisant un terme du Mossad, il parle d’«assassinat ciblé» à propos de l’option militaire contre l’Iran par Dagan et relève que certains experts en sécurité, parmi lesquels il n’y a que peu de fans de Netanyahou et de Barak, craignent cependant que les déclarations de Dagan ne sapent les efforts israéliens en vue d’actions internationales contre l’Iran. Une issue positive est peu probable si l’Iran ne peut pas redouter une attaque d’Israël et si l’Occident ne peut pas comprendre qu’Israël pourrait «péter les plombs» («go berserk»). Le débat stratégique en Israël recouvre la période allant de septembre 2007, lorsqu’Israël, selon les médias occidentaux, a bombardé un réacteur nucléaire syrien, et septembre 2011, date de la tentative des Palestiniens d’obtenir de l’ONU la reconnaissance de leur Etat. De l’avis de certains experts occidentaux, la fenêtre des possibilités d’attaquer l’Iran se refermera. Le premier devoir civique de DaganDans un article d’«Haaretz» du 5 juin intitulé «Israël devrait tenir compte de la mise en garde de l’ancien patron du Mossad contre une attaque de l’Iran», Gideon Levy déplore la nature du débat public en Israël. Pour lui, l’intervention publique de Dagan ne relevait pas seulement de son bon droit mais c’était son premier devoir civique. S’il avait agi autrement, il n’aurait pas rempli son rôle d’ancien chef du Mossad. Dans ses anciennes fonctions, il avait empêché des aventures comme celle de Netanyahou et de Barak, qu’il considère comme dangereuse. Il mérite qu’on le loue pour sa démarche responsable et courageuse. Il a agi en gardien de l’Etat désireux de lui éviter une seconde guerre du Yom Kippour. Ce n’est pas lui qui représente un danger pour Israël mais au contraire ceux qui voudraient lui interdire de parler. En se taisant, il aurait nui à la sécurité du pays. En parlant, en revanche, il la renforce. C’est l’heure de gloire de Dagan, dont le passé contient plus d’un chapitre trouble, aventureux, voire effrayant. Sur bien des points, il s’est exprimé de manière contradictoire, mais ce n’est pas un homme de gauche. Sur la question de l’Iran, il a toujours fait entendre la voix de la raison. Ceux qui lui ont confié pendant huit années le Mossad ne peuvent pas brusquement le faire passer pour fou, comme ils viennent de le faire. Si le Mossad avait été dirigé par un fou, la responsabilité en reviendrait à ses supérieurs. Dagan: Une attaque contre l’Iran serait contraire au droit internationalLe 6 juin, «Haaretz» a publié, sous le titre «Barak: Les déclarations de Dagan sur l’Iran nuisent à la force de dissuasion d’Israël», une réplique du ministre israélien des Affaires étrangères Ehud Barak aux propos de Dagan. Il est revenu sur le sujet lors d’une interview accordée à «Israel Radio»: Toute tentative de clarifier les ambiguïtés de la question iranienne affaiblit la position d’Israël face à l’Iran. L’option militaire contre l’Iran doit rester sur la table afin que les efforts internationaux visant à stopper le programme nucléaire de l’Iran soient efficaces. Barak a précisé: «Il n’existe pas de décision d’attaquer l’Iran. Nous ne prenons pas des décisions à l’avance pour des situations hypothétiques. Je ne crois pas que quiconque serait heureux que l’on déclenche une opération militaire contre l’Iran.» Obama a-t-il l’intention de maintenir l’hégémonie occidentale?Dans un article du 8 juin intitulé «Iran: Israël et les Etats-Unis tentent de provoquer une guerre régionale», «Haaretz Service» évoque l’appréciation de la situation par l’Iran. Il se réfère à un communiqué d’«Israel Army Radio» selon lequel le ministre iranien des Affaires étrangères accuse les deux pays de comploter contre l’Iran: «Les Américains croient que le résultat immédiat d’un conflit militaire dans la région sauvera le régime sioniste.» Il ajoute que les Etats-Unis et Israël essaient d’affaiblir les révoltes populaires dans la région afin de stopper l’extension de l’Islam auprès de leurs alliés dans la région. Obama veut maintenir l’hégémonie occidentale au Moyen-Orient et détruire la République islamiste d’Iran.9 Tant qu’il y a de l’espoir, il y a de la vieOn souhaite pour tous les habitants du Moyen-Orient, et même au-delà, que dans la situation tendue actuelle des personnalités sages, prévoyantes et diplomates puissent l’emporter sur les va-t-en-guerre, d’où qu’ils soient. En effet, la guerre signifie toujours souffrances, misère, horreurs, graves maladies et mort. • 1 Cf. George Szpiro: Der ehemalige Mossad-Chef macht sich Sorgen, Neue Zürcher Zeitung du 8/6/11. |